Jean-Marie Colombani : le débat bouillie et ce que cela révèle

par Laurent Herblay
vendredi 23 septembre 2016

Il faut vraiment lire le bloc-note de Jean-Marie Colombani dans Direct Matin. Il est réjouissant de voir la bouillie informe d’arguments de l’ancien patron du Monde. Car cela en dit long sur l’impasse intellectuelle des eurolibéraux, tout en révélant certains aspects de leur pensée.

 
Alerte démocratique ou totalitaire ?
 
Pour lui, « la démocratie est en péril  ». Nous serions menacés par « la montée des populismes, la tentation protectionniste et l’amplification de la menace terroriste ». De manière prévisible, il dénonce Donald Trump et le rejet de l’immigration en affirmant que cela mène à des agressions racistes. Il dénonce la tentation du protectionnisme (« c’est la guerre  » selon Mitterrand), qui mène au « nationalisme  ». Il dénonce la victoire « de la passion sur la raison (et le risque que) l’opinion glisse d’une demande d’autorité vers une aspirations à un régime autoritaire  ». Il y a tellement de choses à redire qu’il est difficile de savoir par où commencer face à ce gloubi-boulga argumentaire. Le protectionnisme est pourtant un des principaux facteurs du succès des pays asiatiques, comme les plus libéraux ont fini par le reconnaître.
 
Mais cette argumentation est sans doute trop subtile pour Colombani, qui ne dépasse pas le stade de dire « le protectionnisme et le rejet de l’immigration, c’est méchant ». Son monde est binaire : d’un côté les gentils, ouverts, qui laissent passer les biens et les hommes, de l’autre, les méchants nationalistes, tous ceux qui veulent limiter le laisser-passer, car toute limitation serait du nationalisme qui mène inévitablement à la guerre. Ce gloubi-boulga révèle l’extrême simplisme des arguments de Jean-Marie Colombani, qui n’est que la réplique inversée du discours que tient le FN, finalement. Mais il y a peut-être quelque chose de plus gênant que l’indigence argumentative extrême de ce papier. Une petite musique dérangeante en ressort : l’assimilation de la démocratie à une forme restrictive de politique.
 
Car ce qui dérange Jean-Marie Colombani, en fait, c’est que le peuple (un peu sale, un peu bête sans doute pour lui) puisse vouloir démocratiquement remettre en question les politiques menées depuis des décennies, et qui lui font mal. Quelle prétention de prétendre qu’il saurait faire la différence entre la raison et la passion ! Au final, même s’il ne le fait pas directement ici, il prend le chemin qui peut mener à une mise sous tutelle de nos démocraties. On pourrait même dire qu’en défendant l’Union Européenne, il le fait directement puisque le machin européen est une forme de camisole pour nos démocraties, comme ont pu le constater les Grecs, avec l’abdication en rase campagne d’Alexis Tsipras, malgré le soutien de son peuple dans les législatives, puis renouvellé dans un nouveau vote à l’été suivant.
 

Pour qui passe le simple rejet d’un texte aussi caricatural et mal argumenté, cela révèle le dogmatisme et le manque de nuance de Colombani, qui n’est qu’un extrémiste comme un autre. Car finalement, ceux qui refusent la moindre limitation à la circulation des biens, des capitaux et des personnes ne sont-ils pas les répliques inversées, aussi extrémistes que les dirigeants de l’Albanie ?

 


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