L’affaire Bonnemaison : une dérive intolérable
par Pierre Alain Reynaud
jeudi 18 août 2011
On pouvait le craindre : le drame est arrivé. Un médecin de Bayonne, le docteur Nicolas Bonnemaison urgentiste à l’hôpital de cette même ville, semble avoir dépassé les limites de la loi en pratiquant l’euthanasie active sur au moins quatre patients en fin de vie, selon les informations actuelles.
Depuis déjà longtemps, le débat faisait polémique, et pour ma part, j’ai toujours considéré qu’il fallait trouver une vraie solution aux souffrances des personnes dont l’existence n’a plus d’issue possible.
Ainsi, après de nombreuses controverses, un député des Alpes Maritimes, Jean Léonetti a déposé à l’Assemblée Nationale le 26 octobre 2004 un projet de loi tendant à régler les problèmes qui résultaient d’une euthanasie pratiquée illégalement par certains professionnels de la santé.
Au final, ce projet a pris forme et a été adopté le 22 avril 2005 afin de gérer les malades atteints d’une maladie incurable et douloureuse.
En elle-même, la loi Léonetti est un très bon texte qui a pris en compte tous les éléments que l’on pouvait attendre d’une telle convention.
Quels sont les cinq principes fondamentaux de cette loi ?
1/ La loi maintient l'interdit fondamental de donner délibérément la mort à autrui
2/ En revanche, elle énonce l'interdiction de l'obstination déraisonnable (L. 1110-5 CSP alinéa 2).
Est considérée comme déraisonnable l'administration d'actes « inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. »
3/ Le respect de la volonté des patients : l'appréciation du caractère « déraisonnable » est le fait du patient s'il est en état d'exprimer sa volonté. Sinon, c'est le médecin qui prend la décision, après avoir recherché quelle pouvait être la volonté du patient (existence de directives anticipées, consultation de la personne de confiance, de la famille), et avoir respecté une procédure collégiale.
4/ La préservation de la dignité des patients et l'obligation de leur dispenser des soins palliatifs : lorsque des traitements considérés comme de l'obstination déraisonnable sont arrêtés ou limités, la loi fait obligation au médecin de soulager la douleur, de respecter la dignité du patient et d'accompagner ses proches.
5/ La protection des différents acteurs est assurée par la traçabilité des procédures suivies.
A priori, et selon les éléments de l’enquête, le Docteur Bonnemaison n’aurait pas respecté les règles édictées par la loi Léonetti, ce qui bien évidemment apparaît comme une faute grave de la part d’un médecin parfaitement au courant des dispositions législatives.
Il faut donc qu’il n’y ait plus ans l’avenir de tels dérapages.
Bien entendu, je suis totalement favorable à un accompagnement indispensable pour abréger les souffrances physiques et morales des malades en fin d’existence ; je suis également favorable pour que l’on puisse disposer de leur vie si nécessaire, suite à leur propre consentement ou à celui de leur famille, avec le commun accord d’une collégiale de médecins. Je suis donc favorable aux dispositions de la Loi Léonetti.
Mais, impérativement, il ne faut pas que quiconque, y compris n’importe quel médecin ait un droit de vie ou de mort sur patient. Ce serait contraire aux principes fondamentaux de notre société, et de ceux résultant de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés.
Si à l’issue du procès qui l’attend, le Docteur Bonnemaison est reconnu coupable des actes qui lui sont reprochés, il devra être condamné à une peine exemplaire, aucune tolérance ne pouvant être accordée à un médecin dont les agissements dépassent la déontologie de la profession et les textes définis par la loi.
Avant de clore cet article, je ne m’empêcherai pas de souligner mon indignation à l’encontre des personnes qui, sur divers sites sociaux ont lancé une pétition de soutien au Docteur Bonnemaison, alors qu’ils ne connaissent absolument les circonstances réelles de ses actes.
A mon simple avis, il faut être prudent avant de s’engager dans une affaire dont on ne connaît aucun élément précis, mais dont seul l’avenir pourra nous apporter les éclaircissements nécessaires.
Pierre-Alain Reynaud