L’arbre qui cache la forêt ? Un créationniste français à l’honneur
par Olivier Brosseau
mercredi 6 mai 2009
Par Olivier BROSSEAU et Cyrille BAUDOUIN (auteurs du livre Les créationnismes, une menace pour la société française ?, Syllepse, 2008)
La France, pays des Lumières, est-elle à l’abri des obscurantismes dont l’un des avatars est le créationnisme ? En cette année Darwin célébrant notamment le bicentenaire de la naissance du naturaliste anglais, l’intervention dans les médias d’un scientifique français créationniste est l’occasion de constater que les mouvements créationnistes sont bien présents en France.
Le cas d’un créationniste prosélyte français pourrait apparaître comme "l’exception qui confirme la règle" selon laquelle notre pays laïque est protégé de ces offensives à l’encontre de la science et de l’enseignement de la théorie darwinienne de l’évolution. Pourtant d’autres structures créationnistes sont très actives et sévissent avec des approches parfois beaucoup plus insidieuses et moins caricaturales que le créationnisme "Terre jeune" de A. Eggen. Il s’agit des approches de type "dessein intelligent" (intelligent design), des mouvements à visée théologique qui acceptent une évolution mais refusent le cadre darwinien de la biologie contemporaine. La défense d’une évolution dite "non darwinienne" ne doit pas masquer la volonté commune à tous les créationnismes : réintroduire une transcendance dans la démarche scientifique et l’imposer dans l’enseignement des sciences. L’argumentation des partisans d’un dessein intelligent repose sur l’apparente perfection de la nature ainsi que sur l’irréductible complexité des organismes qui peuplent notre planète. Cela justifierait l’existence d’un grand concepteur, d’un designer. En général ledit Créateur n’est pas nommé car cette approche se veut multiconfessionnelle, chacun le désignant comme bon lui semble (Dieu, Allah, Jéhovah…).
Dans cette mouvance, il faut relever une association très active, l’Université interdisciplinaire de Paris (UIP), dont l’un des membres éminents, le physicien Bernard d’Espagnat s’est vu remettre, il y a quelques semaines, le prestigieux Prix Templeton de plus d’un million d’euros pour les "avancées de la recherche ou des découvertes sur les réalités spirituelles". L’UIP participe et structure de nombreux programmes internationaux dans une volonté de rapprochement entre science et religion, objectif partagé avec certains partenaires prestigieux tel le Vatican. Rappelons, entre autres prises de position vaticanes qui soutiennent une évolution dirigée, la lettre adressée par le Saint-Siège à des parlementaires* pour empêcher le vote de la résolution du Conseil de l’Europe sur "Les dangers du créationnisme dans l’éducation" (adoptée en octobre 2007).
En définitive, la France est loin d’être à l’abri du développement des créationnismes. D’autant plus qu’entre réformes polémiques de l’enseignement et remise en cause de la loi de 1905, les pouvoirs politiques sont en passe d’ouvrir des portes à des mouvements créationnistes déjà très actifs dans notre pays.