L’arroseur arrosé ?

par Rälph128
jeudi 13 septembre 2007

Notre rapport avec la télévision est complexe. On la voudrait à notre image, et c’est en cela qu’elle nous déçoit forcément, car elle répond aux besoins moyens de tous ceux qui la regardent. Et parfois la déception est grande quand cela touche nos émissions institutionnelles. Pour moi, c’est Les Guignols de l’info.

Pour faire le tri entre les gentilles personnes (humaines / de gauche / salariée / philanthropes / écologistes / altermondialistes - rayez la mention inutile) et les méchantes (libéraux/de droite/mondialistes - idem), il existait une méthode simple. Il suffisait de demander aux gens "tu aimes Les Guignols  ?" et la réponse les plaçaient dans une des deux catégories ci-dessus. Caricatural, mais pas que. Car cette émission est l’exemple systématique de la prétendue liberté de la télévision. Oublions Groland, trop obscur et méchant, et Arrêt sur images, terminé. Ca nous fait un bon 8 mn par jour, générique compris. Si on compte uniquement 5 chaînes très regardés (avouez que je suis gentil), que nous multiplions par 24 heures de diffusion, les 8 mn représentent 0,1 % de cette diffusion. Allez, je vous le fais à 0,2 %, ça repasse le midi sur Canal+. Avouez que ça fait pas lourd quant à la place de la critique.

Mais regardons de plus près cette critique, puisque c’est soi-disant la dernière, l’ultime cocon où l’on peut dire enfin la vérité.

Pas plus tard qu’hier (10 septembre), je regarde cette émission, comme tous les jours, et j’ai soudain comme un goût bizarre dans la bouche. Je regarde mon assiette, mais elle est vide, ça ne vient donc pas de là, même s’il est l’heure de manger. C’est d’autant plus étonnant que je constate ce phénomène depuis plusieurs jours (mois ?). Toujours vers 8 heures, à l’heure de mon rendez-vous avec la liberté télévisuelle.

Peut-être cela vient-il de ce que je vois à l’écran. Peut-être cela est-il dû au fait que, sur huit séquences abordées aux Guignols, sept impliquent le président de la République actuel. Peut-être que ce goût étrange dans la bouche est dû au fait que ce jour-là, précisément, son nom est prononcé onze fois. Sur une durée de 8,49 mn, cela fait en moyenne une fois toutes les 48 s. Peut-être est-ce aussi dû au fait qu’on voit physiquement le président plus de la moitié de l’émission. Tous les sujets abordés impliquent le président. La France perd au rugby ? C’est sa faute d’une manière ou d’une autre. La France aurait gagné ? Il n’y aurait été pour rien. La France ne joue pas ? Les joueurs ont mangés chez lui. Vos WC sont bouchés ? Ne cherchez pas...

Cette ultra monopolisation du sujet est d’autant plus gênante que Les Guignols de l’info la dénoncent en parlant de cette fameuse association pour une journée sans parler du président. Ils dénoncent la surmédiatisation, mais ils ne parlent que de lui. Je me demande donc où se situe la liberté des Guignols quand eux-mêmes jouent un jeu qu’ils dénoncent. Se situe-t-elle en fin d’émission quand ils dénoncent la bérézina au PS (où ils se débrouillent pour placer pour la 11e fois le nom du président) ? Le sujet est-il si délicat et tabou qu’il faille le précéder par 7 mn de monopole people ?

La crainte qu’on puisse avoir est qu’à force de systématiquement crier au loup, plus personne n’écoute. Les Guignols ont fait une fixation sur notre président, il n’est plus un problème pour la France comme ils voudraient le dénoncer, il est devenu leur problème à eux seul.

A croire que Les Guignols ne soient pas pour la télévision un étendard de la liberté, mais un paravent pour se donner bonne conscience. Un paravent au goût de faux, ce goût que je cherchais depuis le début.

Nota : J’ai tenu à ne pas citer le nom de la personne impliquée dans ce texte, afin de rester en accord avec mes propos. Mais ce n’est pas facile.


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