L’école ŕ deux ans (suite)

par Raymond SAMUEL
jeudi 20 décembre 2012

LES SPECIALISTES QUI DEFENDENT LES NOURRISSONS DE DEUX ANS
LES DEFENDENT-ILS VRAIMENT ?

Commentaires à la suite de la lecture du livre « l'école à 2 ans : est-ce bon pour l'enfant ? » (auteurs : BRISSET/GOLSE – Editeur : Odile Jacob - août 2006).

Le livre porte à la connaissance du public des informations émanant de scientifiques reconnus et relatives à la scolarisation très précoce des enfants.

Cette démarche de professionnels de l'enfance, à l'évidence, se suffit à elle-même. Cependant, il est possible de considérer l'initiative que constitue l'écriture de ce livre comme un appel à la résistance. En effet, les auteurs signalent une situation particulièrement préoccupante en ce qui concerne les conditions de vie imposées à la petite enfance, et, en même temps, relèvent le peu d'écoute qu'ils obtiennent auprès des Pouvoirs publics malgré une collaboration signalée par ailleurs comme relativement étroite.

Selon certains scientifiques l'action auprès des pouvoirs publics serait fortement contrariée par les associations de parents (« beaucoup plus puissantes qu'eux ») qui refusent les conclusions des scientifiques parce que, accepter celles-ci obligerait à « modifier l'organisation de la société »).

Cette opposition des associations et le défaut d'écoute de la part des autorités conduisent à un éternel enlisement des débats (qui s'avèrent en effet globalement et avec persistance sans résultats notables) et à une captation de l'enfance par l'Education nationale. Pour le grand public comme pour les décideurs la solution des problèmes relatifs à l'enfance est supposée trouvée à partir du moment où les enfants sont confiés à cette administration.

Confier ou ne pas confier les enfants de deux ans à l'école ?

Ce n'est assurément pas là une bonne façon d'énoncer la problématique des très jeunes enfants.

Il faut aller beaucoup plus loin :

D'abord souligner, comme cela a été fait par certains auteurs, que l'Education nationale n'a pas qualité pour prendre en charge l'enfant dans sa globalité. Sa mission est de transmettre des savoirs. Ensuite il faut suivre Martine PRETCEILLE qui écrit au chapitre 2 de l'ouvrage : « Aujourd'hui, au moment où la question du lien entre des conditions d'une éducation de base et des troubles du comportement chez les adolescents est posée, il est nécessaire de relancer un large débat ».

En effet, ces troubles du comportement ne sont pas survenus par hasard. Etudier leur génèse c'est entrer au cœur du problème.

Ce qui nous conduit à la question suivante :

Que devons-nous modifier, transformer, améliorer, dans notre esprit, dans nos connaissances, dans notre organisation sociale, dans notre gouvernance etc...pour permettre à tous nos enfants (exempts de maladies congénitales) d'arriver à l'âge adulte en bonne santé psychique, affective et physique ?

 

Quant au débat, il devrait avoir (enfin et réellement) l'intérêt des enfants pour raison d'être et se développer dans un milieu où les dés ne seraient pas pipés. Or, les dés sont pipés, et depuis fort longtemps sans doute.

Les dés sont pipés, en grande partie parce que, comme l'écrit Michel ONFRAY, « on ne discute pas avec les faibles ». Les enfants sont des faibles parmi les faibles. Ils n'ont pas droit à la parole et les adultes leur demandent, pour l'essentiel, d'aller à l'école (coûte que coûte) et d'obéir.

Dans ces conditions où le sujet est sans défense et sans droit à la parole l'intérêt de l'enfant est souvent détourné pour couvrir l'intérêt d'un groupe, d'une profession (ou de plusieurs), ou d'une idéologie. Les parents n'échappent pas à ce contexte général, d'autant plus que les possibilités d'agir sur les événements sont devenues extrêmement réduites dans le quotidien.

 

Quelles sont les remarques que cet ouvrage suggère ?

D'abord, que les auteurs, à l'instar de l'ensemble de la population sont (fort normalement d'ailleurs) enfants de la culture actuelle telle que celle-ci est issue des grandes idéologies développées au cours de la deuxième moitié du 20ème siècle.

Dans cette nouvelle culture les habitudes et les idées sont largement dictées par des fictions, et ces fictions, créées par les pouvoirs et idéologies dominants sont universellement admises. Il s'ensuit une certaine docilité qui amène à ne pas remettre en cause beaucoup d'idées reçues et crée des zones d'ombre qu'il est interdit d'explorer (Martine PRETCEILLE).

Ainsi ne sont pas détectées (ou bien sont considérées comme normales ou inévitables) d'importantes nuisances qui frappent les enfants. En outre, il ne faut pas oublier que l'examen d'un quelconque domaine, lorsque les conclusions sont largement dictées d'avance et qu'une partie de la problématique est interdite d'accès, a de très fortes chances d'aboutir à des conclusions erronées.

Un exemple est frappant :

Les auteurs de l'ouvrage qui se sont exprimés sur le sujet ont affirmé que l'activité professionnelle des femmes était un droit non négociable et une réalité irrémédiable. Cela indique clairement qu'il est inutile (et outrageant ?) de rechercher les conséquences de cette situation. L'attention n'a le droit de s'exercer QUE en aval de la garde des enfants par des tiers salariés. Quelle que soit la gravité des dommages que l'on constate chez les personnes en mauvaise santé psychique il sera interdit d'en rechercher objectivement les causes sur tout le parcours des enfants.

Au passage, et à propos de cet exemple, il faut signaler l'impact évidemment catastrophique au plan pédagogique et social, d'un point de vue de spécialistes de l'enfance qui donne par principe la priorité absolue aux besoins des adultes contre ceux des enfants.

 

Comment les comportements sont mis sous contrôle.

Les pouvoirs et idéologies dominants utilisent beaucoup moins qu'autrefois la force pour s'imposer, ils créent plutôt des fictions qui, une fois adoptées par le plus grand nombre travaillent pour eux en induisant les attitudes souhaitées.

Plus la connaissance est faible dans un domaine plus les fictions sont faciles à implanter. C'est évident. Voila l'une des raisons pour lesquelles elles fleurissent et perdurent dans le domaine de l'enfance où la connaissance (qui existe pourtant, notamment chez nos auteurs) est phagocytée de toutes parts : par les modes et usages des organismes qui se targuent d'éducation, par l'intérêt des professionnels, par l'effet des tabous acceptés, de l'omerta qui règne, des idées reçues, et par les contraintes et les aléas de la vie quotidienne imposée à tous.

Pour l'essentiel les fictions s'appuient sur une base solide qui est notre culture ancestrale à base hiérarchique et autoritaire :

Entre le savoir trop scientifique qui peine à se répandre et la perte de savoir domestique lié au dénigrement de la vie privée il y a place pour la désinformation par sélection des informations et par omissions, sans oublier le mensonge délibéré. Les informations qui apportent de l'eau au moulin de la fiction sont acceptées, écoutées, répétées, pendant que celles qui la contredisent sont ignorées et se perdent rapidement dans les sables.

Dans ce contexte où les règles ne sont adaptables que dans le cadre rigoureux de ce qui est admis par la culture dominante, il n'est pas question d'obtenir des réponses circonstanciées et objectives à un certain nombre de questions.

Petit florilège de ces questions :

Citons quelques slogans qui viennent appuyer les fictions :

L'activité professionnelle des femmes.

La façon dont a été évoqué le travail professionnel généralisé des femmes par plusieurs auteurs de « l'école à 2 ans » confirme la puissance de l'idéologie (et de la fiction, son fer de lance) : il est convenu et entendu, comme je l'ai indiqué plus haut, que, les femmes ne pouvant plus s'occuper des enfants, c'est la collectivité qui doit le faire. Et pour ne pas prendre le risque de culpabiliser les mères on fait l'impasse sur l'étude des risques que l'on fait prendre aux enfants.

Ne pourrait-on pas remplacer la phrase « le travail professionnel des mères » par : « le travail professionnel des parents » ?

L'hypothèque spécifique qui pèse sur les mères doit être levée, parce que la responsabilité du père est au moins égale à celle de la mère, même encore aujourd'hui où la mère cumule le statut de père avec celui de mère.

Au moins dans tous les cas où le montant du revenu professionnel de l'un et de l'autre est voisin, les parents doivent avoir la pleine liberté de choisir qui de l'un ou de l'autre va dégager le temps nécessaire aux enfants (l'idéal étant un mi-temps chacun, alternativement).

Bien entendu le père ne peut pas et ne pourra jamais abriter l'embryon, subir les épreuves de la maternité, allaiter (sauf au biberon), tout comme peu de femmes pourront être bûcheronnes. Il n'est pas possible d'éliminer un certain nombre de contraintes (physiologiques notamment). Remarquons cependant (paradoxe bien accepté) qu'il est interdit d'évoquer ces contraintes naturelles. Il ne sera pas possible de les prendre en compte pour ce qu'elles sont aussi longtemps que les idéologies feront la loi.

Si Boris CYRULNIK, préfacier, nous oriente seulement sur « de nouvelles manières de vivre ensemble » et de « nouvelles conditions technoculturelles », Claire BRISSET ouvre et ferme la discussion en même temps : - « l'entrée massive des femmes dans le monde du travail est irréversible ».

Alain BENTOLILA met fin à ses dires sur le sujet d'une manière similaire : - « il est vain de regretter l'heureux temps où tous les petits enfants bénéficiaient plus longtemps de la chaleur du foyer familial » ; - « la seule question qui mérite d'être posée est : comment assurer, à un moment crucial du développement d'un enfant, une qualité d'accueil et d'accompagnement qui lui donne les meilleures chances d'épanouissement ? »

Notons l'intransigeance de l'affirmation : « La seule question »...(les recherches ne sont permises QUE dans le cadre de la garde des enfants par des tiers).

La concordance de la dégradation de la santé psychique des jeunes avec leur garde massive par des tiers pendant leur petite enfance est avérée ; malgré cela il est interdit de chercher à savoir si ces « meilleures chances d'épanouissement » ne sont pas pure illusion.

Hubert MONTAGNER prévient : « il ne s'agit cependant pas d'utiliser ce débat pour réactiver la nostalgie des mères au foyer et pour les culpabiliser de leur activité professionnelle, qui constitue une évidente conquête de la modernité ».

Il serait en effet, tout à fait injuste de culpabiliser les mères qui travaillent à l'extérieur (remarquons en passant que la modernité n'est pas une garantie de qualité). Par ailleurs, n'oublions pas de demander en parallèle que l'on ne culpabilise pas non plus les mères qui ont choisi d'élever elles-mêmes leurs enfants (et pas davantage les pères, qui ont, de plus, un accès difficile à la vie domestique, voire à la vie privée dans son ensemble).

Bernard GOLSE quant à lui pense que « le travail des femmes n'est toujours pas profondément intégré par notre société qui se serait, sinon, donné les moyens d'offrir aux jeunes enfants des lieux d'accueil de qualité, permettant aux mères de travailler en toute sécurité d'esprit » ; Il ajoute que « le thème de l'attachement a souvent été utilisé comme moyen de lutter contre le travail des femmes ». A la suite de quoi il devient normal et même vertueux de faire silence sur les besoins des enfants en matière d'attachement, alors que les troubles du lien sont fréquemment observés, notamment en PMI.

Le sacrifice systématique de l'enfant au bénéfice de l'adulte est bien un trait de notre culture.

La crainte d'être vu comme un détracteur de la généralisation de l'activité professionnelle des femmes, le besoin d'écarter tout risque de suspicion à leur encontre sur ce point, a amené les scientifiques masculins cités ci-dessus a préciser avec force que la recherche de ce qui est bon pour l'enfant ne devait s'effectuer qu'en aval du travail professionnel des mères.

Le fonctionnement à l'envers de notre société est encore une fois confirmé : il est, a priori, légitime et moral de défendre les plus forts contre les plus faibles (les parents contre les enfants).

Les situations dommageables subies par les enfants en collectivité.

La plupart des auteurs signalent, sans épuiser le sujet loin de là, que dans les structures actuelles les enfants sont exposés à des risques, qui peuvent être très graves et dont les conséquences dommageables se poursuivent souvent à l'âge adulte.

Tout particulièrement, Martine PRETCEILLE et Roger MISES osent évoquer ces facteurs de risque inhérents à la garde en collectivité. Roger MISES, cependant, vise quasi exclusivement les « milieux défavorisés » alors que les risques de l'espèce existent pour tous les enfants.

Certains auteurs dénoncent vigoureusement les nuisances de l'école maternelle, d'autres celles du primaire par opposition à la maternelle qu'ils considèrent comme parfaite.

Par contre, Claire BRISSET ne fait aucune critique, écrivant : - « ...chacun s'accorde à dire que les crèches, jardins d'enfants, classes passerelles etc...correspondent très exactement aux besoins de ces enfants. Le seul problème c'est la pénurie ». (« Chacun s'accorde à dire » est une affirmation vraiment très osée).

Le Docteur J. COHEN-SOLAL corrige : - « ...j'ai bien souvent entendu s'exprimer les inquiétudes, les angoisses même, d'enseignantes s'occupant d'enfants de deux à trois ans. Elles se sentaient souvent dépassées, insuffisamment compétentes sur la compréhension de ces tout-petits ; j'en ai même vu pleurer ».

Autre exemple :

L'expérience de la directrice de l'école maternelle de mon fils (au cours des années 90) lui a fait dire : - »Tache impossible parce que les parents ne sont pas intéressés. Leur souci principal c'est de faire prendre en charge leurs enfants par l'école qu'ils considèrent comme une garderie. Souvent même ils y amènent des enfants malades qu'ils bourrent de médicaments le matin afin qu'ils tiennent la journée. Souvent d'ailleurs, ils ne tiennent pas « .

Qui écrira le livre noir de la souffrance des enfants de zéro à vingt ans et des atteintes qu'ils subissent ?

 

Soyons reconnaissants à ces scientifiques de renom de s'être mobilisés pour défendre les enfants de deux à trois ans. Il serait normal que cette prise de position fasse partie d'une vague de protestation, un tollé, pour empêcher la réalisation de cette idée inimaginable de scolarisation d'enfants âgés de deux ans.

Mais non, il n'y a pas de vague de protestation, pas de tollé. L'enfance ne mobilise pas les foules. C'est bien un sujet ressenti quasi partout comme mineur.

Les choses étant, la seule question qui, maintenant, vaille, relativement à cet ouvrage paru en 2006, c'est de se demander quelle peut être son efficacité pour empêcher, ou au moins freiner, les dérives de nos décideurs mal informés.

La réponse a été donnée par le programme du candidat SARKOZY à l'élection présidentielle qui prônait, comme d'habitude, la répression tous azimuts, et par celui du candidat HOLLANDE qui comprenait la scolarisation obligatoire à l'âge de trois ans et le développement maximal de la scolarisation à deux ans. Projets irresponsables

Le programme du Président HOLLANDE semble avoir un début d'exécution en ce qui concerne les « milieux défavorisés » où l'école à deux ans est réellement promue.

Toutes proportions gardées, cette scolarisation en « milieu défavorisé » est de même nature que les sinistres enlèvements d'enfants aborigènes effectués autrefois par les autorités en Australie et Amérique du Nord afin de les dépersonnaliser et d'en faire des européens.

Les enfants des quartiers défavorisés Français, hélas, seront triplement pénalisés puisqu'ils seront orphelins de leur culture, privés de leurs référents et traumatisés comme le sont tous les enfants par une scolarisation bien trop précoce (car il est faux de dire que la moitié des nourrissons tirent bénéfice de cette scolarisation).

 

Le programme qu'il faut définir et mettre d'urgence en œuvre est pourtant évident :

Le but à atteindre est de faire cesser les nuisances que subissent les enfants afin que tous les membres d'une génération (sauf maladie congénitale) parviennent à l'âge adulte en bonne santé psychique, affective et physique.

Ainsi toutes les personnes composant cette génération en bonne santé seraient en mesure d'élever à leur tour une nouvelle génération d'individus en bonne santé. Cette nouvelle génération ferait de même, et ainsi de suite.... Ainsi ne s'accumulerait plus dans les inconscients : amputations, déformations, mal-être, ressentiments, rage et haine ; les prisons et les hôpitaux se videraient et le risque de fabriquer de nouveaux Hitler, Ceucescu, pol Pot etc. serait écarté.

 

LEONCEL le 3 décembre 2012.

Raymond SAMUEL


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