L’école assiégée

par Michel Monette
lundi 12 novembre 2007

Le 25 septembre 2006, l’enseignante Safia Ama Jan est tuée à bout portant. Était-ce un autre de ces meurtres sordides commis par un jeune complètement déboussolé ? Non. Safia Ama Jan vivait à Kandahar. Cette femme courageuse qui militait pour l’éducation des jeunes filles avait tenu une classe en cachette du temps où les talibans dirigeaient l’Afghanistan. Comme elle, à travers le monde, des milliers d’enseignants et d’élèves sont pris pour cibles dans les zones de guerre, nous apprend un rapport de l’UNESCO.

C’est l’assassinat barbare de Safia Ama Jan qui est à l’origine du rapport Education Under Attack. Le vase venait de déborder. L’UNESCO décide de documenter la violence militaire envers les enseignants et leurs élèves à travers le monde.

En Thaïlande, des motocyclistes surgissent de nulle part, abattent un enseignant, puis s’enfuient à toute vitesse ; en Afghanistan, les écoles sont régulièrement incendiées, quand elles ne sont pas détruites à l’explosif ; en Colombie, des enseignants sont torturés ; dans plusieurs pays, les enfants sont recrutés par les armées en présence.


Il y avait plus de 250 000 enfants soldats en 2005.

Assassinats, enlèvements, destructions, etc., les actes criminels commis contre les élèves, les enseignants et les administrateurs scolaires par des militaires et des insurgés auraient connu une hausse dramatique au cours des trois dernières années.

L’emploi du conditionnel n’est pas un hasard. La grande difficulté à laquelle l’UNESCO s’est heurté dans son analyse de la situation est en effet le manque de données fiables. Il n’y a nulle part dans le monde de collecte systématique et indépendante de données sur les abus commis par les armées belligérantes contre les écoles, à l’exception notable du Népal. Dans ce pays une ONG, l’Informal Sector Service Centre (INSEC), dispose d’un observateur dans chacun des 75 districts administratifs.

Même le Bureau de la représentante spéciale du secrétaire général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés ne possède pas un portrait exhaustif de la situation, a constaté l’UNESCO. Il faut dire que la représentante spéciale s’intéresse essentiellement aux enfants soldats, et ce, pour un nombre limité de pays.

Ironiquement, on pouvait lire sur le site web de la représentante spéciale au moment où sont écrites ces lignes que « de grandes avancées ont été accomplies sur le terrain dans l’application des normes et standards internationaux en matière de protection de l’enfance ».

Même si les attaques délibérées contre les écoles sont un crime de guerre, l’ONU montre tellement peu d’intérêt envers le phénomène qu’elle ne dispose pas d’une base de données qui permettrait d’analyser sérieusement la situation.

Or, soutient l’UNESCO, un monitorage indépendant des types d’attaques et de leur ampleur, des auteurs, des cibles et idéalement des motifs, de même que des mesures prises pour empêcher ces attaques ou limiter leur impact, est pourtant essentiel si la communauté internationale veut réellement intervenir et mettre fin à ces crimes qui touchent autant les enfants que les adultes qui se dévouent pour leur éducation au sacrifice de leur vie.

Le veut-elle ?


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