L’illettrisme officiel (France Infôtes)

par Pale Rider
mardi 5 septembre 2017

La France, jusque dans ses instances les plus officielles ou les plus étatiques, sabote sa propre langue : elle en est la pire ambassadrice. Plaidoyer pour une école républicaine qui arrête de spolier les futurs citoyens d’un de leurs droits les plus fondamentaux : celui de savoir manier leur propre langue.

Il y a au moins une bonne nouvelle dans ces temps de doutes, d’incertitudes et d’espoirs déçus : le ministre de l’Éducation Nationale, Jean-Michel Blanquer, est revenu sur certaines mesures idéologiques qui nous éloignaient toujours plus de la triade salvatrice : Lire – Écrire – Compter. On a beau persifler, quand on manque de ces bases-là, même si on a accumulé tout un tas de savoirs-gadgets, on ne maîtrise pas son univers si on ne maîtrise pas sa propre langue. Inutile d’en apprendre quelques autres à côté si on n’est pas capable de parler et d’écrire celle de son propre pays (je précise que le maniement des langues étrangères fait partie de mon métier et que j’en ai appris deux de plus depuis quinze ans ; je parle donc à contre-emploi).

Françafricophonie

 C’est un fait que la France va mal sur le plan linguistique, et ce n’est pas d’hier que j’ai remarqué que les plus ardents défenseurs de la langue française sont les francophones non-hexagonaux, notamment les Africains noirs. Je me souviens également de micro-trottoirs enregistrés en Tunisie au moment du Printemps arabe : les Tunisiens interrogés parlaient un français impeccable et se réjouissaient de bientôt pouvoir acheter à nouveau le Canard Enchaîné (d’ailleurs à peu près inégalable sur la qualité du français). Or, sur le territoire français, il n’y a pratiquement pas un « beur » ni même pratiquement pas un Français né de parents français capable de maîtriser aussi bien notre langue. On pourrait a contrario citer l’auteur algérien Kamel Daoud qui s’est appris le français quasiment tout seul, et qui est un régal à lire et à ouïr.

 Un symptôme de ce mal, c’est l’illettrisme qui saccage les bandes-annonces et les sous-titres des chaînes d’info télévisées. Amis de l’orthographe, préférez la radio. Et surtout, écoutez France Info au lieu de regarder France Info TV (bien que de terribles fautes de langage soient perceptibles à l'audition) ! Car, de toutes les chaînes d’info, c’est la chaîne publique qui est la plus nulle en orthographe, pire que les chaînes privées ! Il semble que les ronchons dont je fais partie aient envoyé des messages parfaitement inefficaces à cette chaîne, car ça ne s’améliore pas. On peut y lire par exemple le meurtier, faute de frappe que mon ordinateur n’a pas manqué de détecter. Ou bien, pour parler du dédoublement des cours préparatoires à la rentrée (en vue, notamment, d’un meilleur apprentissage scolaire), on a pu lire : 12 enfants par classes. Eh bien non : c’est par classe au singulier, puisque c’est pour chaque classe. Mais il est vrai qu’on peut lire sur France Info des choses du genre aucuns enfants, alors que aucun est systématiquement singulier et assorti du singulier.

La liberté par la langue

 Plusieurs auteurs ont fait remarquer que moins l’expression passe par le langage, plus elle passe par la violence. Il y a quelque chose de suspect dans l’organisation du mauvais apprentissage du français en France, comme si des forces ou des personnages obscurs voulaient créer des masses impuissantes à penser, à s’exprimer, à se défendre (par exemple devant une administration, un tribunal, un opérateur téléphonique, etc.). Lorsque le père Wresinski, fondateur d’ATD-Quart-Monde, installait dans les zones les plus déshéritées une bibliothèque, ou lorsque le Parti Communiste contribuait à la formation des ouvriers, ils faisaient une œuvre révolutionnaire dont l’esprit s’est largement perdu. Faut-il rappeler que, il y a cinq cents (avec un s, qu’on devrait entendre devant « euros ») ans, ce sont les fondateurs du protestantisme qui développèrent l’apprentissage de la lecture auprès des garçons et des filles ? Pourquoi le faisaient-ils ? Parce que chacun devait conquérir la liberté d’avoir personnellement accès à la Bible. Une autre liberté allait découler de celle-là : la démocratie.

 Il faut donc plaider résolument pour que nos enfants bénéficient d’un enseignement méthodique et opiniâtre de la langue française par des instituteurs qui sachent eux-mêmes correctement le français, sans aller (je l’ai vu) ajouter une faute sur un mot qu’une élève avait écrit juste...


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