L’injustice de la norme

par C’est Nabum
vendredi 5 juin 2015

Tranche de vie au collège

Témoignage de Zoé.

Zoé est une élève de sixième dans un collège rural sans histoires ni difficultés notoires. Zoé est hémiplégique, ce qui, avouons-le, n'est certainement pas de sa faute. Pourtant c'est sans doute ce qui explique son envie de s'appliquer, de bien travailler à l'école. Elle veut se donner des chances de réussir, elle qui ne dispose pas de toutes les facilités offertes à ses camarades.

Ceux-ci lui reprochent certaines choses par jalousie ou par méchanceté, par bêtise à coup sûr. Qu'elle ait de bonnes notes par exemple ; non par facilité mais grâce à son travail acharné. Celui-ci est remarqué par ses professeurs qui la citent en exemple : erreur à ne pas faire dans la dictature de la norme qui constitue nos chers collèges.

Même sa meilleure amie, qui l'a connue à l'école primaire, lui fait la tête. Elle l'évite, la fuit en récréation ou à la cantine mais se retourne toujours vers elle quand il y a un contrôle. Elle lui reproche d'être parfaite, trop sérieuse, trop appliquée. Ce qu'elle ne supporte pas c'est que ses parents citent Zoé en exemple. Cela lui est intolérable !

Les autres se liguent comme la pauvrette. Ils la traitent de chouchoute des professeurs. Ils justifient ses bonnes notes à cause de préférences dont elle profiterait. La présence de son AVS à ses côtés, lors des devoirs, provoque la suspicion sur ses résultats et l'envie chez les jaloux. Zoé subit, sans rien dire, cette mise à l'écart.

Dans la cour, personne n'accepte de discuter avec elle. Zoé se retrouve seule ; elle tourne en rond, dans son coin, comme en pénitence. Si elle parvient à se joindre un groupe, c'est pour se retrouver à la marge sans qu'on lui adresse la parole. Le plus souvent, malgré son désir d'aller vers ses condisciples, elle s'entend répondre : « Pourquoi tu t'incrustes ?, » et finit par partir.

Souvent ces nobles âmes lui disent : « Nous avons quelque chose à nous dire en privé. Est-ce que tu peux partir, s'il te plaît ? ». C'est souvent des histoires de filles, des amourettes et Zoé en est exclue. Qu'a t-elle de différent ? C'est un mystère !

En fait, une seule fille comprend Zoé. Elle lui pose des questions, lui demande pourquoi elle est toute seule. Cette fille est de sa classe ; elle agit ainsi par gentillesse. Mais elle n'est pas vraiment son amie. Elle n'est pas souvent à ses côtés. Le plus douloureux est le comportement de sa meilleure amie qui est sans cesse à la recherche de « vraies amies » (sic) . Elle préférerait se démarquer de celle dont l'amitié l'embarrasse désormais.

Beaucoup de professeurs remarquent qu'on la rejette. Ils sont impuissants devant cette injustice. D'après Zoé, seules la professeur principale et la CPE pourraient l'aider. Sa professeur lui a d'ailleurs posé des questions en tête-à-tête, lui a promis d'en parler à certaines filles de la classe. Quant à la CPE qui est vraiment très gentille, Zoé pense qu'elle ne peut rien faire.

À la cantine, les surveillants sont vigilants. Ils ne veulent pas qu'un élève se retrouve isolé à une table. Grâce à eux, Zoé ne mange jamais à l'écart. Par contre, pendant la queue, elle est bien seule avec son chariot sans personne pour l'aider à porter son plateau. Jamais un camarade ne se propose. Zoé pense qu'ils doivent se dire qu'elle peut parfaitement se débrouiller. Quant à demander à un plus grand, elle n'ose pas.

En sport, Zoé est systématiquement écartée de la composition des groupes ou des équipes. C'est le professeur de sport qui doit intervenir pour l'intégrer. Zoé reconnaît qu'en début d'année, ce n'était pas ainsi. Vers le mois de décembre, tout a changé. En fait, tous ses ennuis sont survenus à cette époque, d'un coup. C'est sans doute suite au premier conseil de classe.

En sport, quand elle est dans une équipe, Zoé reconnaît qu'elle risque de la faire perdre. Elle est maladroite avec sa main qui ne répond pas. Mais est-ce une raison pour la stigmatiser encore plus ? Le professeur ne lui a en pas parlé même s'il a remarqué cet affreux manège. Zoé aimerait qu'on la considère un peu mieux.

Ce qui la blesse surtout, c'est l'attitude de sa meilleure amie. Plus Zoé évoque ce problème avec elle, plus elle semble s'éloigner. Que faire ? C'est douloureux et si injuste ! J'écoute ses plaintes, je la vois triste et gênée alors que, d'habitude, c'est toujours un vrai plaisir de travailler avec elle.

Que vais-je faire de ce cri du cœur ? À qui le confier pour qu'il ne se retourne pas contre cette jeune fille formidable ? L'adolescence est une période redoutable ; le collège un monde sans pitié où les adultes sont souvent démunis devant les phénomènes de groupe.

Il me vient un doute, une inquiétude dont je ne peux me défaire. Zoé est la seule musulmane de sa classe. Serait-ce une extrapolation de ma part ou bien une simple coïncidence ? N'est-elle vraiment ostracisée que du seul fait de son handicap ? Comment le savoir ? Tant de questions sont en suspens. Que cet âge est douloureux quand on n'est pas dans la norme !

Normativement leur.


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