L’instinct du déclin
par Geneste
lundi 30 mars 2015
La Finlande vient de décider d’arrêter l’enseignement spécifique des mathématiques, de la physique et de la chimie jusqu’au lycée inclus. Si nous considérons, en première approximation, l’Europe comme un corps vivant, nous avons là un symptôme de plus que nous sommes atteints d’une très grave maladie.
Revenons rapidement sur ce que proposent les Finnois. Plutôt que d’apprendre une matière donnée, les élèves seront mis en situation sur des sujets probablement imposés et devront faire appel à certaines compétences qui leur donneront l’occasion de mettre en œuvre, voire d’apprendre, ce que nous appelons aujourd’hui des savoirs fondamentaux. La raison invoquée pour cela est l’amélioration de l’utilité de l’enseignement dont la seule vocation serait de préparer à la vie professionnelle. Ainsi est-il pris l’exemple, dans l’article dont vous avez le lien ci-dessus, de ceux qui prendraient des cours de cafeteria et auraient ainsi l’occasion d’apprendre les langues étrangères tout en apprenant à servir des étrangers. Vive Shakespeare ! Arrêtons là les détails et passons à quelques commentaires.
Circonscrire le rôle de l’école à l’apprentissage d’un métier relève de la pure barbarie. Il suffit de se référer à l’origine de notre civilisation, grecque pour l’essentiel, pour comprendre que les pères fondateurs, suivis, en France et donc en Europe, par ceux des lumières, n’avaient pas du tout cette vision-là. C’est donc en ce sens que l’entreprise finlandaise est barbare, car elle va à rebours de la civilisation occidentale. Elle constitue un profond retour au néant.
Rappelons, à toutes fins utiles, ce que représentent les mathématiques et la physique pour l’humanité. Étymologiquement, le mot physique veut dire « étude de la nature » alors que mathématique veut dire « ce qui peut être appris ». Il est dès lors évident que l’homme, dans son environnement, dès qu’il a pris conscience d’une propriété de la nature, se doit, s’il veut la transmettre à sa descendance, de mettre cette connaissance sous une forme que l’on peut apprendre, c’est-à-dire sous forme mathématique. Une vision alternative ne serait que balivernes.
Il est bien évident par ailleurs que les sujets traités en Finlande dans les classes seront les sujets à la mode. Prenons-en un volontairement controversé, le réchauffement climatique. D’une part, ce sujet va conduire à apprendre la doxa qui n’est pas une théorie à proprement scientifique puisque, rappelons-le au lecteur, scientifique est synonyme de reproductible. Nous ne sommes pas encore dans une situation de niveau technologique qui nous permette d’assurer la reproductibilité expérimentale du changement climatique si tant est que ce dernier soit une réalité. Comme j’ai eu l’occasion de le dire dans certains de mes ouvrages, alors que les systèmes humains simples comme les avions, les voitures, etc., nécessitent une vingtaine de paramètres principaux pour les maîtriser, certains nous assènent aujourd’hui que l’on peut contrôler l’hyper système par excellence, à savoir le climat de la planète, avec un seul paramètre, c’est-à-dire la teneur en gaz carbonique de l’atmosphère. Dans une telle étude à l’école, avec des enfants qui n’ont aucun esprit critique, que va-t-il se passer ? Que vont-ils gober sinon le conformisme ambiant qui, pour l’occasion, confine davantage au lavage de cerveau ? Par ailleurs, pour un sujet aussi complexe que le climat planétaire, quel bagage scientifique pourra en retirer durablement l’élève ?
Car il est un sujet qui, bien entendu, est largement passé sous silence. Seule la pratique régulière d’une discipline peut en assurer sa maîtrise. Parler de « sujets » au grès des modes et de l’humeur du jour ne permettra jamais d’entraîner les élèves à une pratique rigoureuse avec une progression programmée.
On voit ainsi apparaître une sorte de dichotomie dans l’enseignement aujourd’hui. Les matières intellectuelles ne relèveraient, pour les maîtriser, que du cours « discussion de salon », quand, dans les disciplines sportives où la performance se voit d’elle-même, ne rêvons pas, les coureurs du 100 m ne passeront pas le plus clair de leur temps au funambulisme.
Il ne s’agit pas ici d’être exhaustif sur un sujet ô combien important. Passons à la politique, hélas ! L’Europe marche par mimétisme. Un premier pays commence à « déconner », puis il est suivi par d’autres et on finit par dire, dans ceux qui restent et n’ont pas adopté la mesure idiote, que si la majorité des voisins l’ont fait, c’est donc que ce ne doit pas être si nul que cela. Voilà, pour ainsi dire, l’alpha et l’oméga de la pensée européenne actuelle. Rajoutons une petite part de théorie du complot en disant que certains s’ingénient à faire adopter par des pays secondaires, disons à moins de 10 millions d’habitants, des réformes idiotes que l’on aura tôt fait d’encenser via des médias corrompus, en disant par exemple que les élèves finlandais sont parmi les meilleurs au monde. Au fait, combien y a-t-il de prix Nobel ou de médailles Fields en Finlande ? Mais cela n’empêchera sûrement pas, un jour où nous aurons, une fois de plus, un président et un gouvernement à la compétence douteuse, de s’extasier sur le cas finlandais ou autre et expliquer au bon peuple abruti qu’il faut copier ce qui a été fait ailleurs avec succès. Avec succès, car, si vous lisez l’article en anglais dont le lien est donné plus haut, vous pourrez constater que l’on assure que les élèves vont avoir une meilleure performance et que cela se voit déjà sur les cobayes qui ont déjà commencé. Cela ne peut être que malheureusement vrai : le cas où tous les élèves seront extrêmement performants sera celui qui se produira le jour où on leur demandera de ne rien faire. Ce jour arrive… À moins que l’Europe ne s’écroule avant ! C’est bien parti !