L’UMP invente « la laïcité négative »

par Voltaire
lundi 30 novembre 2009

En présentant le concept de « laïcité positive » lors de son discours de Latran en 2008, Nicolas Sarkozy avait invité ses interlocuteurs à considérer que les religions ne constituent pas un danger mais au contraire un atout pour la société. En emboitant le pas sur la majorité des électeurs Suisses ayant voté pour bannir un élément architectural des mosquées, les dirigeants de l’UMP ont inventé le concept de « laïcité négative ».

Il n’est pas exagéré de dire que le résultat de la votation qui s’est déroulée dimanche en Suisse sur l’interdiction de construction des minarets a eu l’effet d’un séisme au niveau international. Par ce vote, une large majorité (57.5%) de Suisses a rendu hors la loi un symbole architectural des lieux de cultes de la religion islamique, le minaret.

Et c’est bien le symbole qui était l’objet de ce vote, puisque bien entendu l’objet initial du minaret, à savoir son rôle dans l’appel à la prière et son éventuel nuisance sonore, ou son impact visuel pour le voisinage, n’étaient pas en cause puisque soumis aux règles classiques de l’urbanisme et de l’environnement. La Suisse va donc interdire, de façon constitutionnelle, un élément architectural caractéristique d’un bâtiment religieux, comme un pays pourrait le faire pour le clocher des églises catholiques ou les toits en pagode de temples bouddhistes ou shintoistes. Le message transmis par la majorité des électeurs suisses est donc d’indiquer qu’un bâtiment à caractère religieux d’une religion particulière, l’islam, ne peut arborer de signe distinctif extérieur, et que les tenants de cette religion ne peuvent donc que la pratiquer, sinon de façon cachée, du moins de façon discrète.

En s’attaquant non pas à un symbole distinctif portés par les croyants, qui pourrait être considéré comme élément de prosélytisme ou, comme la burqa, d’asservissement d’une classe d’individus, mais à un simple élément de reconnaissance d’un lieu de culte, ce vote institue une discrimination inédite en Europe en inaugurant une dérogation négative envers une religion. A ce titre, cette décision apparait donc comme radicalement opposée au concept énoncé précédemment par le Président de la République en matière de rôle positif des religions.

C’est donc avec surprise que l’on aura pu entendre s’exprimer ce lundi deux responsables majeurs du parti du président, Mrs Xavier Bertrand et Dominique Paillé (respectivement secrétaire général et porte-parole de l’UMP) à propos de ce vote. Tous deux ont ainsi indiqué qu’ils ne voyaient pas l’intérêt des minarets pour les lieux de cultes en France et que ceux-ci pourrait être blessant pour d’autres croyants, suggérant ainsi leur approbation du vote majoritaire en Suisse. Ainsi, un symbole architectural d’un lieu de culte pourrait s’avérer nuisible pour ces responsables, et même contraires à la laïcité… On le voit, c’est donc bien un nouveau concept de « laïcité négative » qui s’appliquerait à l’islam, qui ne pourrait être pratiqué que de façon dissimulée sous réserve de choquer une majorité de citoyens, tandis que la religion chrétienne serait elle vecteur de laïcité positive, par son influence bénéfique sur la société et sa morale supérieure à la morale laïque (« … D’abord parce que la morale laïque risque toujours de s’épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble l’aspiration à l’infini. Ensuite parce qu’une morale dépourvue de liens avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité … » Nicolas Sarkozy, discours de Latran).

Bien entendu, on replacera ces déclarations des responsables de l’UMP dans le contexte électoral actuel, dans lequel un score du Front National supérieur à 10% dans certaines régions pourrait avoir un impact très négatif sur le nombre de conseillers régionaux UMP élus lors de ce scrutin. Néanmoins, on ne peut que s’inquiéter de l’utilisation politique du concept de laïcité, qui devrait, par définition, demeurer strictement neutre (la République assure la liberté de conscience (article 1 de la Loi de 1905), liberté de croire ou de ne pas croire et liberté de pratiquer une religion dans le respect des lois de la République.)

 


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