La ballade des manifs

par philaimon
vendredi 7 février 2014

Dans une ambiance « bon enfant », ce dimanche des crêpes a donc connu une nouvelle « Manif pour tous », avec un ciel beaucoup plus clément que le « Jour de colère » du dimanche précédent.

Marcher dans les rues des grandes villes, en portant banderoles et bonnets (rouge ou phrygien), semble ainsi devenir tant une balade digestive qu’un acte de résistance, voire de révolte contre les agissements et les décisions des gouvernants actuels.

Il est vrai que les mesures prises actuellement par ce gouvernement le sont en dépit de tout bon sens et en contradiction complète avec les promesses et les engagements du candidat Hollande. 

Il est cependant aussi vrai que « Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent », petit adage toujours d’actualité dont la paternité revient à Henri Queuille, homme politique d’une grande expérience, plusieurs fois président du conseil et ministre sous la 3eme république.

Ce même Henri Queuille dira également : « La politique n'est pas l'art de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent. »

Visiblement, et cependant sans que des foules soient descendues dans la rue pour lutter contre, tous les candidats à l’élection présidentielle et tous les présidents depuis 1969 ont font un fort bon usage de ces préceptes.

Il n’en reste pas moins que « Taxes pour tous », « Mariage pour tous » et « Manif pour tous » résument assez fidèlement, mais au combien tristement, l’action gouvernementale depuis 20 mois.

Ce gouvernement, contrairement aux slogans portés par certaines pancartes, ne me semble pas « familiophobe » ; il me paraît maladroit, sourd et gourd, obstiné à taxer toujours plus et peu enclin à mettre en oeuvre les réformes de structures et les actions de réduction des dépenses (j’écris bien dépenses, pas investissements car de de côté, il a tout à faire) nécessaires ; il me paraît aussi mal choisir ses priorités car le « mariage pour tous » n’en était pas une ; cette réformette a de plus l’inconvénient majeur de cliver une société au lieu d’en stabiliser la cohésion fragilisée par la crise et le chômage durable, une société qui attend toujours un programme ambitieux et des décisions urgentes dans d’autres domaines concernant leur vie quotidienne et notamment l’emploi.

Moins de 7 000 mariages homosexuels ont été célébrés en 2013, soit moins de 3% de l’ensemble des mariages civils, soit environ 20 000 personnes concernées sur une année pleine. Nous verrons si ce chiffre sera dépassé ou non en 2014 mais il ne représente de 0,03% de la population française. Où se situait donc l’urgence de légiférer dans ce domaine ? il me semble que la seule mesure de bon sens qu’attendait les couples homosexuels concernait le devenir des enfants et les droits de garde et/ou de visite dans le cas d’une séparation. Il me paraît qu’on aurait pu au moins demander à certains des enfants concernés ce qu’il pensait de la situation actuelle et comment ils voudraient la voir évoluer. Le reste n’est que démagogie maladroite qui a conduit aux dérives actuelles et à l’amalgame entre mariage homo et politique familiale (quoique, la récente annonce du Président concernant la suppression des cotisations familiales et la menace que cette mesure fait peser sur les allocations familiales (les cotisations familiales financent actuellement 62 % de la « branche famille » de la sécurité sociale) n’est pas faite pour rassurer les esprits d’autant que la compensation des 35 milliards ainsi perdus reste à trouver.

Les « Taxes pour tous », n’en déplaise à l’INSEE et à son trompeur 0,8% de taux d’inflation qui, à l’évidence, ne reflète plus rien de la réalité économique, financière et fiscale des ménages français, ont écrasé le pouvoir d’achat des ménages d’un revers de Bercy ; ces taxes concernent la majorité des foyers français et pourtant personne ne se balade dans les rues de Paris ou d’ailleurs pour protester exclusivement contre elles. S’y ajoutent en plus la hausse des impôts consécutive à 2 années de gel du barème, gel que les tous petits 0,8% (au moins l’INSEE sert à çà) pour 2014 ne gommeront pas, la hausse constante des impôts locaux pour financer parfois des erreurs de gestion et des délires de grandeur des élus locaux qui, à l’évidence, ne se comportent pas en « bon père de famille » ou de façon raisonnable - comme le dira prochainement le Code Civil -, la hausse de la redevance (+4,8%), ,… et pourtant la consommation des ménages est scrutée à la loupe et certains s’étonnent qu’elle ne reparte pas à la hausse. Quelle surprise.

Quant à la « Manif pour tous », je ne comprends pas de quel « Tous » il s’agit ; cela m’évoque simplement ces politiques professionnels, enfin ceux qui ne savent rien faire d’autre, qui nous parlent de « tous les français pensent si , tous les français font çà, tous les français sont pour, tous les français sont contre,… » comme si « tous les français » avait une quelconque réalité, hors jeu de dialectique. Même pour affronter l’ennemi, tous les français ne combattent pas ensemble. Alors, en cette période de crise et de repli sur soi,… 

Et qui croise-t-on dans ces « « Manif pour tous » ! des représentants et pratiquants de l’église catholique homophobes, des pseudo leaders de l’UMP et d’une droite « décomplexée », pas si éloignés de certains extrémismes de droite, des porteurs de colère, des crieurs de revendications claniques,… et au milieu de ces dérives, des enfants ! Quel ordre social futur leur promet-on ainsi ? 

C’est dans ce contre-esprit que j’aurais préféré entendre le Ministre de l’Intérieur parler de « zéro intolérance » plutôt que de « tolérance zéro », cette dérive sécuritaire s’appliquant mal à un public familial, quel que soit la tonalité du message qu’il souhaitait délivrer par ailleurs. Les interventions, maladroites pour la plupart, de plusieurs membres du gouvernement ensuite m’inclinent à leur rappeler que penser n’est pas penser mal ou bien et que, aussi porteurs soient-ils d’une pensée unique du fait de la discipline gouvernementale, cette pensée unique ne s’applique qu’aux membres de ce même gouvernement, et ni à chacun et pas pour tous. 

Depuis 2002, puis la crise de 2007, nous vivons des périodes difficiles avec une tendance qui malheureusement n’est pas de nature à favoriser l’optimisme. Malheureusement aussi, c’est la nature du premier Ministre et ce n’est pas en agissant ainsi, sans un minimum de vision et de charisme mais sans mentir, que l’inversion de la courbe (et je ne parle pas de celle du chômage) pourra redevenir crédible. C’est en encourageant la solidarité et la coopération avec un objectif clair d’unité et une envie tangible de cohésion sociale. Mais, gouvernement actuel comme politiques de droite s’ingénient stupidement à déclencher rixes et joutes verbales d’où le respect de l’autre et la dignité de l’un sont cruellement absents. Vous avez dit « exemplaires » !

 

C’est dans ce décor qu’il me reste le simple et naïf bonheur de vivre dans cette démocratie, aussi imparfaite et indigeste parfois soit-elle ; c’est alors que je pense à François Villon, poète en vers et contre tout (ce qui écorchait sa liberté), et à la ballade qu’il aurait pu écrire sur ces « manifs pour tous » au XV°.

Nul doute que les « balades » de ces deux derniers week-end auraient pu alors dégénérer en lynchages, en tortures et en bûchers, sous les hourra et les vivats de la foule, souvent prompte à se réjouir cruellement du malheur et de la douleur des autres. Combien de victimes du côté de cette intolérance de si vilain aloi, combien de victimes du côté de cette « tolérance zéro » et combien enfin continuant à se croire dans une ambiance « bon enfant »...


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