La Belgique, dure avec Dieudonné, tendre avec les djihadistes ?
par Laurent Herblay
samedi 28 novembre 2015
Bien sûr, posée ainsi, la question est un peu provoquante. Néanmoins, après les attentats de Paris, quand on prend conscience que ce pays est devenu une base arrière des djihadistes, on en finit par se demander si Bruxelles ne se fourvoie pas complètement dans sa gestion de la société.
Laisser faire les islamistes radicalisés
Il faut reconnaître qu’il semble que les révélations du rôle joué par le pays dans l’organisation des attentats ont provoqué une remise en question, illustrée par les trois reportages diffusés cette semaine sur la RTBF, un sur le parcours de deux terroristes, un autre sur la tristement célèbre ville de Molenbeek, puis un autre sur les parents de djihadistes belges. D’ailleurs, la presse internationale a accordé une forte attention à la situation de ce pays, au cœur de l’Union Européenne, comme le rappelle Courrier International. Le journal se demande même si le pays n’est pas « devenu un sanctuaire » rappelant que le phénomène est ancien et que l’on trouve des premiers signes il y a 20 ans. Pire, la presse espagnole souligne qu’un organisateur des attentats de Madrid en 2004, avait séjourné à Molenbeek.
Même si elles ne justifient en aucun cas les actes barbares des terroristes, on évoque beaucoup de facteurs qui ont créé un terreau propice au développement de ces mauvaises herbes empoisonnés : ghettoïsation, chômage, communautarisme sans doute d’autant plus exacerbé que le pays vascille, ce qui est peu propice à un sentiment national fort. Ensuite, la suppression des frontières place la Belgique dans une position très stratégique puisque le pays peut être traversé en peu de temps, et il est possible de passer rapidement de pays en pays pour brouiller les pistes, tout en étant proche de grands pays. Il faut aussi se poser la question des islamistes radicalisés, de ce qu’on laisse faire et qui les pousse dans ce sens, et de ce qu’il faut faire pour en protéger la population, sans tomber dans l’excès.
Mais emprisonner un antisémite ?
Et en parlant d’excès, même si je combats complètement les dérapages de Dieudonné, il est tout de même frappant que la justice belge ait décidé cette semaine de le condamner à de la prison ferme pour avoir tenu des propos « discriminatoires, antisémites, négationnistes et révisionnistes ». Ce faisant, la justice du plat pays apparaît complètement décalée puisqu’elle propose d’envoyer en prison une personne pour ce qu’il a dit, tout en semblant relativement laisser faire des djihadistes qui organisent des attentats dans les autres pays européens ! Bien sûr, certains, comme Laurent Wauquiez, pourront y trouver une raison d’enfermer toutes les personnes qui sont fichées S : après tout, si on peut emprisonner quelqu’un pour ce qu’il dit, alors, cette possibilité devient presque logique.
Mais la décision de la justice belge pose un double problème. Même si je ne suis pas de ceux qui pensent que l’on peut absolument tout dire, et que la liberté d’expression ne saurait souffrir aucune limite, la question du type de sanction de ceux qui dépassent cette limite doit être posée. Et la prison ne me semble pas être la réponse que doit apporter une démocratie. Ensuite, se pose la question de la différenciation du traitement des délits d’opinion. Même si la seconde guerre mondiale explique l’attention portée à l’antisémitisme, on peut se demander si, aujourd’hui, son traitement différencié n’est pas contreproductif pour les personnes qu’il entend pourtant protéger, en nourrissant in fine les porteurs de haine et de violence, même s’il est bien évident que cela ne les justifient pas, en aucun cas.
Que faut-il alors faire ? Outre une plus grande surveillance des radicaux, le contrôle des frontières est un besoin critique et on pourrait penser à un renforcement des peines pour la possession d’armes. Mais sans doute pas de la prison pour des racistes en paroles.