La dépénalisation comme solution aux marchés noirs

par F.Salenko
mercredi 29 juillet 2009

Selon l’OMS, tous les éléments classés en tant que stupéfiants sont des dangers entrant en conflit direct avec le caractère humain de notre nature. Et cela ne se conteste pas ; le cannabis comme beaucoup d’autres produits addictifs peut avoir un effet fortement néfaste pour notre santé que ce soit moral ou physique. Cependant, selon les réflexions qui s’échangent actuellement, un plaidoyer semble possible.

La France est le premier pays consommateur européen de Marie Juana et compte par la même occasion 200 fois plus de « marginaux » dus à la drogue par rapport à la Suède ainsi qu’un grand banditisme alimenté en grande partie par cette activité. On estime que l’activité du cannabis représenterait 40 000€ par jour à Grenoble. Un réel problème donc.

Aujourd’hui si nous faisons la sourde oreille face à une éventuelle réflexion visant à résoudre de manière alternative la consommation, c’est que l’on ne peut – en France – présenter positivement le cannabis sans tomber sous le coup de la loi qui l’interdit.

(http://fr.wikipedia.org/wiki/L&eacute ;gislation_sur_le_cannabis)

Et pourtant ! Face aux mutations mondiales actuelles (le Danemark étudie en ce moment l’idée de plagier le modèle législatif hollandais) qui prévoient une régulation du cannabis par le commerce et non plus par la loi, la France devrait peut-être commencer à en faire de même.

Renforcer la prévention ou les forces de police ? 

Comme tous écarts de la nature humaine comme la conduite en état d’ivresse ou le racisme, l’État s’acquitte de la fonction de régulateur afin de prévenir et punir ces actes. Le cannabis considéré comme nos deux exemples (en omettant toutes les subtilités juridiques du Code pénal) fait également office de campagne de prévention dans les collèges, lycées et entraine des sanctions juridiques graduées en cas de non-respect à ces règles : 3500 € d’amende et un an d’emprisonnement pour une simple consommation (simple ne doit pas être entendu comme une dénonciation, mais comme un renforcement de la définition), 7 500 000 € ainsi qu’un emprisonnement à perpétuité pour un trafic et 50 000 € et 3 ans de prison pour la culture personnelle.

Par ces mesures législatives, la France se distingue à deux niveaux puisqu’elle est le pays le plus répressif d’Europe, mais comptabilise également le plus grand nombre de consommateurs. Faut-il y voir dans ce système juridique une réponse adaptée ou un aveu de son inefficacité ?

Si la France redore aujourd’hui son image internationale grâce à son modèle économique de dépense publique et sa « relative » résistance à la crise, n’est-il pas temps de prendre de l’avance en ouvrant le débat sur l’épineux problème du marché du stupéfiant ?

Plusieurs pistes de réflexion qui nous parviennent de nos voisins…

L’idée d’une dépénalisation n’a pas frisé à l’oreille de quelques hippies qui voyaient là la possibilité de fumer tranquillement leurs pétards en écoutant le dernier Sizzla. Non. Mais bien de la commission européenne, du gouvernement de Californie, de la chambre des lords ou encore du royaume du Danemark.

- Commencons l’analyse en observant les effets d’une potentielle dépénalisation là ou elle actuellement lieu : le cas hollandais. Il est l’un des seuls pays au monde où l’on peut ouvertement commenter les effets positifs ou négatifs d’une dépénalisation puisqu’il est le seul pays à avoir légalement dépénalisé sa consommation ainsi que sa production. 

Si son état est rarement cité auprès des prohibitionnistes, c’est que sa dépénalisation n’a pas entrainé un surcroit de la consommation et a d’ailleurs permis de prendre conscience que la consommation des Hollandais était l’une des plus faibles d’Europe.

Il n’y a encore aucune démonstration qui met en évidence le lien entre une autorisation légale et un prolongement moral : si le cannabis est dépénalisé demain, aucun exemple tangible ne permet d’affirmer que la consommation de la cocaïne ou de l’héroïne va croitre. Même si une fois encore, certains scientifiques mettent en garde sur la différence culturelle qui existe entre les pays qui ne permet pas d’anticiper les réactions sociales ou marginales qu’un repli de la loi engendrera.

- Selon un rapport d’étude anglais (que vous trouverez ici : « http://www.rue89.com/files/TransformCBApaper.pdf&nbsp ;&raquo ;) qui étudie les conséquences des différents scénarios d’une dépénalisation, démontre qu’une économie de 22 milliards d’euros pourrait être réalisée grâce à la dépénalisation sur le territoire anglo-saxon.

Ce rapport qui analyse différents scénarios (4 au total) du plus optimiste (une consommation qui diminuerait de moitié) jusqu’aux plus pessimistes (une multiplication par deux de celle-ci) démontre que dans le pire des cas l’économie ne serait que de 7,5 milliards d’euros. Ce qui en cette période de réduction budgétaire force la réflexion. Cette économie se réaliserait par un recul de l’activité policière et juridique qu’imposent aujourd’hui les consommateurs de cannabis ainsi que par les prélèvements que permettrait ce nouveau marché.

Bien que l’aspect financier soit un caractère positif non négligeable, l’argumentaire trouve un soutien inattendu de la part des politiciens européens qui ont également inféré que le combat politico-juridique contre la drogue avait échoué en Europe. Le rapport de la commission de bruxelle sur le sujet annonce que : « La prohibition des drogues a provoqué des dégâts involontaires importants, dont beaucoup étaient prévisibles » les mesures contre le monde de la drogue ont échoué et alimente aujourd’hui les organisations criminelles et banditismes les plus actives du pays. 

Paris qui s’est toujours prononcé fermement sur ce point accepte difficilement ce courant d’idées très libéral et a d’ailleurs prolongé son mutisme confiant dans son initiative.

Pourquoi ces études n’ont-elles pas plus d’impacts sur nos politiques français ?

Tout d’abord, parce qu’elles s’accompagnent de contre-exemples comme le cas de la Suède très répressive envers la consommation et la vente de cannabis : Elle comptabilise une consommation inférieure à 1% de sa population soit la plus basse d’Europe. 

La répression est-elle réellement efficace ?

Singapour et les importants moyens que développe son gouvernement démontrent clairement qu’une lutte absolue parvient à des résultats. Mais à quel prix ? Y a-t-il une frontière financière qu’il faut dépasser pour que la peur du policier ait un effet ? Sinon pourquoi la France, mouton noir européen en matière de répression, enregistre la plus grosse consommation ? L’avis du Dr John Marks, pionnier britannique des programmes de distribution d’héroïne et de cocaïne indique le fait suivant : 

« La dépendance se structure sur un cycle d’une durée moyenne de dix ans. Puisque les toxicomanes se défont de leur toxicomanie en dépit des docteurs et des policiers et non grâce à eux, la meilleure intervention possible consiste à les maintenir en bonne santé, non délinquants et vivants, jusqu’à ce qu’ils s’en défassent au terme de ce cycle. Ce qui ne veut pas dire que pendant les dix années de maintenance il faille renoncer à persuader les patients de laisser tomber leur usage de drogues. »

Le cas suédois qui intervient à mon sens sous l’égide culturelle du pays nous renvoie à la question suivante : Devons-nous refuser le cannabis pour ses vices à influencer négativement sur notre organisme ? Annoncer que le cannabis est aussi dangereux que l’alcool et donc moralement acceptable n’est pas l’objectif de la réflexion. L’idée est de savoir si l’est possible de remplacer un problème grave (la répression du cannabis et son coût) par un problème moins grave ? (À consommation égale, délester les tribunaux et les forces de polices pour plus de fonds pour pourquoi pas, davantage la prévention)

Le cannabis qui ne fait pas partie de notre culture et est parfois employé certes de manière abusive constitue un des nombreux vices inhérents à l’homme. Mais si celui-ci est par nature inhérent, l’idée même de pouvoir l’éradiquer n’est-elle pas contradictoire ? Question sans fin, car l’imperfection de l’Homme n’est plus à démontrer. La bonne question serait celle de sa régulation (assez à la mode ces temps-ci) qu’il est nécessaire de trouver soit par la limitation de son action, soit par sa condition qui régulerait de manière autonome son action. Et le marché pourrait être le vecteur de cette régulation.


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