La désaffection pour les études scientifiques.

par ÇaDérange
mardi 29 novembre 2005

La désaffection de nos jeunes pour entreprendre des études scientifiques se vérifie depuis quelques années. Alors que le nombre d’étudiants a augmenté entre 1989 et 2003 de 86 pct, on constate que le nombre de docteurs es sciences n’a augmenté, lui, que de 2 pct. Les DEUG ont perdu 25 pct de leurs étudiants, 46 pct même pour le DEUG de physique ! Les écoles d’ingénieurs et les écoles de commerce commencent aussi à exercer une moins grande attractivité. Il est important donc d’en analyser les raisons.

Lorsqu’un futur étudiant essaie de déterminer dans quel secteur il va poursuivre ses études, il évalue les éléments qui l’attirent vers telle ou telle branche, ou au contraire le repoussent. Parmi ces éléments, il y a l’attractivité des rémunérations attendues, la sécurité de la carrière, l’intérêt du travail, l’image de la branche dans la société, et l’adéquation entre la formation et ses propres compétences. Ce choix est par ailleurs compétitif, en ce sens qu’à partir d’un baccalauréat scientifique, nombre de filières sont ouvertes, avec des attractivités sensibles mais différentes...

Qu’est-ce qui a donc changé au cours de ces dernières années ? Tout d’abord, la reconnaissance sociale des ces professions a beaucoup diminué. Le chercheur du secteur public est maintenant connu comme un semi-miséreux, qui se bat pour obtenir des moyens de travailler, et dont la reconnaissance sur le plan international a beaucoup diminué depuis que nous ne "sortons plus de Prix Nobel" et que nous ne déposons pas, ou pas assez en tous cas, de brevets. Un prestige en berne, sévère, pour des salaires maigrichons.

L’ingénieur du privé est toujours bien payé, et reste un des professionnels prestigieux et reconnus dans la société française. Il est en revanche soumis maintenant à l’insécurité de sa position, dans un monde où les fins de carrière deviennent délicates. Il est également considéré souvent comme un suppôt du patron, complice de restructurations et de mises au chômage, alors que , du fait de la mondialisation, il a de moins en moins son mot à dire dans l’évolution de sa société. Dernier point, il est jugé partie prenante dans les effets néfastes sur la planète de l’industrie : pollution, effet de serre, produits toxiques, rejets et effluents polluants. Dans ce domaine, il est condamné avant même de pouvoir expliquer son action, et constate que ses capacités de communication ne permettent pas de convaincre de la rationalité de son approche. Un des secteurs les plus touchés par la désaffection des étudiants est celui de l’industrie chimique. Nul doute que vous comprenez pourquoi.

Les diplômés des grandes écoles de commerce ont un rôle moins reconnu socialement que celui de l’ingénieur. C’est celui du "commercial", méprisé très souvent en France et dans d’autres pays, et incompris, assimilé qu’il est à un petit commerçant. Par contre, au fil des ans, ses possibilités de promotion et de salaire ont fortement augmenté dans les entreprises, au point qu’il commence à prendre le pas sur l’ingénieur. Il a donc, et il le sait, un avenir brillant devant lui, d’autant plus que la palette de postes qu’il peut occuper est beaucoup plus large que celle d’un ingénieur, et donc il est moins sensible aux restructurations. Vendre des petits pois, de l’informatique, de la banque ou des voitures, relève en fin de compte de la même technique.

Par ailleurs, le regard de la société a beaucoup changé, en trente ans, sur l’activité des hommes, son importance pour la collectivité, sur le profil de ses "héros", et donc sur les fonctions qui attirent l’admiration des hommes et leur respect. On est passés, en quelques décades, de modèles comme Pasteur ou Eiffel, à Zidane, l’abbé Pierre, Maître Collard ou Bernard Tapie.

On est passés aussi de l’attitude réservée et prudente du scientifique à celle, extravertie et charismatique, du politicien, de l’homme de télévision, de l’acteur ou du grand avocat. De la vérité scientifique, à l’anecdotique bien enveloppé.

Pourquoi voulez-vous que, pour peu qu’il ait quelques dispositions au charisme, tel candidat aux études scientifiques ne se détourne pas de cette voie, pour aller plutôt chercher son chemin sur les ondes, le sport, ou dans les prétoires, avec des responsabilités bien moindres, et une aisance financière plus grande ?

La France n’aime plus son industrie. Ses étudiants, logiquement, s’en détournent...


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