La fac, variable d’ajustement de la baisse du bac
par Laurent Herblay
samedi 17 octobre 2015
Hier, les étudiants et les professeurs des universités ont défilé pour dénoncer le manque de moyens de l’enseignement supérieur en France. Le symptôme de budgets contraints par sept longues années de crise, mais aussi des failles du lycée et de la baisse du niveau du baccalauréat.
Une sélection seulement repoussée
Cette année, pas moins de 65 000 étudiants supplémentaires ont rejoint les bancs de l’université, alors que le budget de l’enseignement supérieur est stable, accentuant encore la saturation des amphithéâtres. Les syndicats affirment qu’il manque pas moins de 30 000 personnes pour encadrer les élèves, les départs non remplacés, le recours aux précaires et une baisse des budgets de fonctionnement. Mais outre ce manque flagrant de moyens, les étudiants affrontent également une sélection grandissante, de plus en plus de facs sélectionnant désormais les élèves, y compris à des niveaux élevés. Plus marquant encore, seulement 27% des inscrits en première année obtiennent leur licence en 3 ans, et 12% de plus en 4 ans, soit pas moins de 6 étudiants sur 10 qui sont en situation d’échec.
Ce qui également frappant c’est le constraste avec un baccalauréat de plus en plus facile à avoir, et où la notation est sans cesse relâchée, au point qu’il y a aujourd’hui plus de mentions très bien que de mentions bien il y a 25 ans et que le taux de réussite ne cesse de monter, sans que cela montre, malheureusement une quelconque progression du niveau, puisqu’au contraire, les études pointent plutôt un recul. Le système éducatif français est totalement contradictoire, entre une éducation nationale toujours moins exigeante et refusant de plus en plus la moindre sanction pédagogique (notes ou redoublement), imposant par ricochet aux universités de devenir de plus en plus dures avec le flot grandissant d’étudiants au niveau hétérogène. A trop repousser tout jugement, on ne le rend que plus brutal.
Des conséquences désastreuses
La situation actuelle est doublement dramatique. Déjà, on peut penser que le relâchement des standards, loin de faciliter l’apprentissage, comme les « pédagogistes » cherchent à le faire croire, fait, au contraire, baisser le niveau. Ensuite, on peut aussi penser que cela oriente mal la jeunesse en la poussant vers des formations qui n’ont pas forcément d’avenir professionnel. Mais pire encore, cela créé sans doute un choc après le baccalauréat. Quel message envoie notre société à sa jeunesse, que l’on laisse pousser comme des plantes sauvages jusqu’au lycée, en refusant toujours davantage les tuteurs qui contraignent, mais qui aident aussi à grandir, avant d’affronter ensuite une sélection de plus en plus brutale à l’université, puis un marché du travail hostile pour une très grande majorité.
L’autre conséquence désastreuse de ce manque de sélection au baccalauréat, et donc de la croissance des étudiants à l’université, c’est une incapacité d’un Etat coincé dans l’austérité par ses choix économiques à financer correctement cet afflux. Du coup, cela créé une opportunité pour les partisans de la déconstruction du service public de l’éducation de pousser l’augmentation du coût de la scolarité, NKM ayant proposé leur augmentation à 1000 euros par an au lieu de 184 euros en licence et 256 euros en master. Même si on pense que donner conscience du coût ne serait peut-être pas inutile, le problème est qu’il s’agit d’un pas dans la direction du système étasunien, où l’argent détermine plus la capacité à faire des études que le travail et le talent. Un petit pas vers la privatisation ?
Oui, la situation de l’enseignement supérieur est mauvaise. Mais même s’il y a sans doute un manque de moyens conséquent, ce n’est pas la seule cause du malaise de nos universités. Le refus de véritablement évaluer avant ne fait que repousser les problèmes en les faisant grandir entre temps.