La Faim du Monde

par olivier cabanel
samedi 18 septembre 2010

Manipulation pour permettre aux cours de monter, la pénurie de blé est-elle organisée pour enrichir les uns, et faire mourir les autres ?

Selon un rapport de la FAO, nous venons de battre un triste record.

En 2009, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, plus d’un milliard de personnes souffrent de la faim. lien

En 2008, 854 millions d’êtres humains étaient gravement sous alimentés, et toutes les 5 secondes, 1 enfant mourrait de faim dans le monde. lien

Ce qui correspond à 6 millions de morts par an.

Ce chiffre abstrait à force d’être terrible est pourtant une sinistre réalité.

Jacques Diouf, directeur général de la FAO réclamait 44 milliards de dollars annuels pour l’agriculture. Il les attend encore.

Moïse Maïmonide, (1138-1204) ce philosophe et médecin juif disait : « donne un poisson à l’homme, il mangera un jour. Apprends-lui à pêcher, il mangera toute sa vie »

Mais où pêcher dans un désert ?

Certaines raisons ne sont pas imputables directement à l’être humain comme les catastrophes climatiques qui font disparaitre de la surface des zones cultivées, des récoltes importantes.

Mais d’autres sont liées au monde des affaires.

On se souvient des incendies russes et de la sécheresse de cet été responsables de la perte de plus de 20 millions de tonnes de blé.

Elle représente cette année pour la Russie une récolte de 43 millions de tonnes,

Or la Russie consomme en moyenne 77 millions de tonnes de blé.

En conséquence, le gouvernement de ce pays a décidé un embargo sur les exportations de blé.

Cette décision a des conséquences sur le cours du blé, lequel avait déjà monté de 40% en juillet, et vient de grimper encore plus. lien

La montée des cours du blé, et des céréales en général va avoir un effet sur le prix de la viande, car l’alimentation du bétail, lorsque la production d’herbe est insuffisante, est compensée par l’achat d’aliments à base de céréales.

Selon les spécialistes, le prix de la viande va donc croitre de 6% à 10%, voire même jusqu’à 15% pour le poulet (lien) mais cette augmentation ne profitera pas aux agriculteurs s’il faut en croire Claude Monnier, président de la chambre d’agriculture du Territoire de Belfort.

Comme il l’affirme, « le prix d’acompte versé aux agriculteurs pour leur production est identique à celui de l’an passé. Les prix ont été fixés il y a quelques mois et ne bougeront pas. L’augmentation, les agriculteurs n’en verront pas, hélas, la couleur. En fait, leur production est déjà vendue ».

Ce sont donc les consommateurs qui vont trinquer.

D’autant que, comme on le voit déjà au Sénégal, sous l’effet conjugué des spéculateurs, et des grossistes, le pain est devenu rare dans ce pays. lien

L’augmentation du prix des matières premières met les couches les plus pauvres de notre planète en difficultés, et augmente rapidement la famine dans le monde.

En France, l’augmentation du prix du pain, et de la viande sont donc inévitables.

L’augmentation des salaires, quant à elle, n’est pas au programme.

En dix ans, le prix de la baguette à progressé de 47% alors que le prix du blé était stable jusqu’en 2007.

Est-ce pour cette raison que les Français mangent de moins en moins de pain ?

Un Français mangeait 81 kilos de pains par an en 1970, en 2005, il n’en mange plus que 54 kilos. lien

Maintenant que le prix du blé augmente, on imagine sans peine les répercussions qui vont se faire sentir dans le Monde, et pas seulement sur le prix du pain.

Selon un rapport de l’ONG "ActionAid", publié le 13 septembre 2010, l’impact de la sous nutrition pour les pays pauvres est estimé à 350 milliards d’euros.

Selon ce rapport, la malnutrition est globalement en augmentation de 20% par rapport à 2000, alors que l’ONU avait affirmé vouloir diminuer par deux le nombre de personne souffrant de la faim. lien

Pourtant comme l’affirme Meredith Alexander d’ActionAid : « Nous produisons assez pour nourrir tous les hommes, femmes et enfants de la planète. La véritable raison de la faim dans le monde n’est pas un manque de nourriture, mais un manque de volonté politique ».

Pour Geneviève Azam, économiste et co-présidente du conseil scientifique d’Attac, «  nous vivons plus qu’une crise, plus qu’une convergence de crises, mais l’imbrication de toutes les crises. Des émeutes de la faim viennent de nouveau d’éclater au Mozambique (…) ces émeutes sont le résultat d’un modèle agricole productiviste et de la spéculation sur les produits agricoles productiviste et de la spéculation sur les produits agricoles, sur les terres, donc du système financier  ». lien

Au Mozambique, le 3 septembre dernier, la police a ouvert le feu sur les manifestants qui dénoncent la flambée des prix alimentaires.

Résultat 13 morts, (qui n’auront plus jamais faim) et des centaines de blessés.

Le riz, l’eau et le pain ont augmenté de 30% le 6 septembre. lien

En Egypte, d’autres émeutes de la faim ont eu lieu en 2008, provoquées par la hausse du prix du pétrole, entrainant celui des céréales, et la famine dans le pays. lien

76 millions d’habitants y vivent avec moins de 2 dollars par jour.

Depuis 2008, ce sont au moins 35 pays qui connaissent des émeutes de la faim. lien

Haïti, Côte d’Ivoire, Cameroun, Sénégal, Corée du Nord, Bengladesh, Mauritanie, la liste est longue, et sur ce lien on peut en voir la carte.

Pourtant, aucun risque de pénurie n’est à prévoir, car les stocks mondiaux de blé atteignent leur plus haut niveau depuis dix ans. lien

C’est donc notre système financier qui est montré du doigt et c’est bien la libéralisation qui nourrit la hausse des prix.

A cela s’ajoute la corruption menée par certains chefs d’états de mèche avec les marchands de grain. lien

Au Niger, par exemple, les marchands du Nord constituent des stocks, faisant monter les cours.

Les dettes des pays dits en développement ont atteint, en 1997, 2300 milliards de dollars.

Pourtant, il ne faudrait pas en déduire pour autant que la misère ne frappe que ces pays.

Ainsi que l’écrit Pierre R. Chantelois dans cet article, aux Etats-Unis, une personne sur sept vit dans la pauvreté. 49 millions d’américains, soit 15% des ménages, ont été confrontés à des problèmes de malnutrition en 2008, et c’était donc avant que la crise n’éclate réellement. lien

Des mères ont souvent du se priver de nourriture pour assurer les repas de leurs enfants.

En Europe, ce n’est guère mieux : 17% de la population européenne est pauvre.

Les moins pauvres se trouvent aux Pays-Bas, (11%) et à l’autre extrémité, on trouve les Roumains (23%). lien

Cette Roumanie où le gouvernement français renvoie les Roms, avec un pécule de 300 €, pour se donner bonne conscience, sachant hypocritement que ces Roms reviendront dans les pays européens moins pauvres à la première occasion.

On meurt aussi de faim en France, même si c’est incomparable avec ce qui se passe dans les pays de la misère.

C’est une partie de l’histoire de la seconde guerre mondiale mal connue du grand public, mais dans la France de Pétain, on a laissé mourir de faim 45 000 malades mentaux.

C’est l’historienne Isabelle Von Buelzingsloewen, maitre de conférences à Lyon 2 qui a publié cette effarante information (l’hécatombe des fous, éditions Aubier). lien

Plus près de nous, on peut affirmer que l’on meurt bien de faim en France, (lien) sinon les restos du cœur ne seraient pas pris d’assaut comme ils le sont aujourd’hui.

Pour l’hiver 2008/2009, le seul des 100 millions de repas servis a été franchi. lien

Mais en France on meurt aussi de froid, de solitude, de manque de soins, de conditions de vie (insalubrité d’appartements), de désespoir.

En un seul mot, on meurt de misère.

C’est le site Médiapart qui publie la « carte des morts de la rue ».

Ils étaient 359 en 2008. lien

Pierre Rasmont professeur d’écologie à l’Université de Mons-Hainaut explique que l’augmentation continuelle du prix du pétrole, va pousser les agriculteurs à retrouver les méthodes en usage avant la 2ème guerre mondiale, ce qui fera passer la production de céréales de 10 tonnes à l’hectare, à 3 tonnes, faisant craindre une période de famine pour 2014.

Il se dit convaincu que les émeutes de la faim vont se multiplier.

Il évoque des jardins municipaux transformés en jardins potagers, afin que les populations puissent se nourrir.

On peut écouter son intervention sur cette vidéo.

Personne n’a oublié (sauf lui-même, peut-être) la promesse électorale de Sarközi  :

« Il faut agir de façon à ce que plus personne ne meure de froid en 2008 dans l’un des pays les plus riches du Monde. C’est un scandale  ».

Comme dit mon vieil ami africain « la pauvreté se partage mieux que la richesse  ».

 

Image illustrant l’article tiré du site america.gov


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