La famille, un système complexe

par e-psychologue.fr
mercredi 14 mars 2007

Il est impossible de donner une définition universelle de la famille contemporaine. En effet, les formes familiales sont diverses, du mariage à la cohabitation, de la famille classique à la famille monoparentale ou recomposée en passant par l’homoparentalité. Les sociétés changent et se transforment, la notion de famille aussi. Cependant, une chose reste immuable : la complexité du fonctionnement familial !

Le mot famille vient d’un emprunt tardif au terme latin classique familia, dérivé de famulus (serviteur) et qui signifie « ensemble de tous ceux qui vivent sous le même toit ». Elle peut être envisagée comme un groupe d’appartenance flexible.
Pour Yvonne Castella (1986) une définition de la famille serait
« une réunion d’individus : unis par les liens du sang, vivant sous le même toit ou dans le même ensemble d’habitations, dans une communauté de services ».
Mais la famille est bien plus que cela ; il s’agit d’un système social structuré avec ses propriétés et ses règles, dans lequel chacun a un rôle précis.
Dans notre pays, la famille est considérée par l’Insee comme « la partie d’un ménage comprenant au moins deux personnes et constituée, soit d’un couple marié ou non, avec ou sans enfants, soit d’un adulte avec un ou plusieurs enfants. Dans une famille, l’enfant doit être célibataire (lui-même sans enfant) ».
Il est aussi important de souligner que la famille fait partie d’un groupe plus large qui représente la parentèle. Elle est constituée par le réseau des parents « liés par le sang ».

S’il est ardu d’établir ce qu’est une famille, il en est de même pour la notion de famille « saine ». A quoi ressemble une famille qui fonctionne bien ?
« Saine » renvoie à santé, il s’agit d’une absence de maladie, il est donc possible se représenter la santé d’une famille comme un certain état d’équilibre.
Une famille saine peut rencontrer des difficultés, l’état d’équilibre sera alors menacé mais au lieu de le conserver à tout prix (en faisant par exemple comme si tout allait bien), une famille fonctionnelle sera capable de surmonter ses problèmes en entrant dans une dynamique qui la mènera vers un nouvel équilibre.
Il n’y a pas une seule manière d’être une famille saine, chacune trouvant ses propres solutions et son propre modèle.

L’approche systémique a permis d’assimiler la famille fonctionnelle à un système en perpétuel recherche d’équilibre : entre ouverture et fermeture.
Le fonctionnement du système familial peut être comparé à celui d’une cellule : sa paroi représente un lieu d’échange en même temps qu’une limite indispensable à la vie et à la stabilité du milieu. Trop ouvert, l’organisme se perd, trop fermé, avec des limites trop rigides, il meurt également.

Ainsi une famille « fonctionnant bien » aura un équilibre dynamique entre stabilité/homéostasie (fermeture) et flexibilité/adaptabilité (ouverture).


Le maintien et le changement sont donc deux notions essentielles de la famille saine. Si la famille présente des mécanismes homéostasiques trop forts, son fonctionnement deviendra pathologique en cas de nécessité de changement.
Chaque famille va rencontrer, au cours de son histoire, des situations difficiles, des incidents qui vont venir menacer son fonctionnement. L’adaptabilité du système familial va alors lui permettre de changer sa structure en maintenant sa cohérence quand les conditions internes ou externes changeront.
Mais il peut aussi arriver qu’une telle adaptation soit impossible. En effet, selon le modèle de l’homéostasie, « tout changement est considéré comme une erreur à corriger ou à freiner ». Cela concerne les familles rigides, et plus généralement toute famille dysfonctionnelle.

La fonction d’adaptabilité est essentielle pour la santé d’une famille, elle s’exprimera par un équilibre dynamique entre stabilité et flexibilité.
Une famille pathologique sera enfermée dans la rigidité, la répétition et la désorganisation.
Dans une famille saine, cela se traduira par la séparation effective des générations, par l’entente conjugale, par une loyauté moins importante envers la famille d’origine qu’envers la famille nucléaire (son conjoint et ses enfants), ainsi que par la possibilité de se sentir aussi bien au sein de la famille qu’en dehors. Il y a respect de l’autre et le rapport entre les différents membres de la famille est égalitaire.
La pathologie peut se rencontrer dès qu’il y a non-respect ou déni d’une personne comme, par exemple, la triangulation de l’enfant dans les problèmes du couple.
Enfin la communication favorisera la relation ; elle tient donc une place importante au sein de la famille.

Dans le temps, l’équilibre dynamique entre maintien et changement va intervenir sur trois plans différents :

- la gestion du quotidien sur un rythme journalier des évènements banaux.

- les phases du cycle de vie

- les passages transgénérationnels

Les adaptations à des évènements banaux sont, d’après Watzlawick, des changements de premier ordre. Ce sont des changements de règles et de rôle, des adaptations par résolution de problèmes ou par négociation.
Il pourra s’agir de gérer le rhume du petit dernier, les mauvaises notes d’un des enfants ou la visite des beaux-parents. Ces changements sont quantitatifs.

Les stades du cycle de vie de la famille et les évènements importants vont engendrer, toujours selon Watzlawick, des changements de deuxième ordre, qualitatifs. Ils vont entraîner une nouvelle structure dans le système familial.
Par exemple, le brusque passage d’un enfant à l’adolescence va changer la relation entre les membres de la famille, cet évènement va modifier la structure familiale.
Chaque stade de cycle de vie est un évènement à risque.
Le stade du mariage illustre bien cela ; il s’agit de former un couple en s’y engageant, le risque étant dans ce cas le non-engagement lié à un manque d’autonomie de l’un des partenaires et à un non-remaniement du lien avec sa famille d’origine.
Chaque stade se construit sur le précédent, la santé de la famille est donc liée à son développement.
Si la formation du couple est difficile, il y a de gros risques que l’enfant qui naîtra dans cette famille soit « pris en otage » dans la relation dysfonctionnelle de ses parents.
Un stade arrivant trop tôt, trop tard ou « sauté », provoquera un dysfonctionnement dans la structure familiale.
Chaque transition de stade peut s’accompagner de difficultés et de tensions qui ne seront pas forcément pathologiques et qui pourront être réglées de façon saine par un changement.
Il existe également des évènements de vie qui ne s’inscrivent pas dans le déroulement classique du cycle familial comme le divorce, le remariage, la perte d’autonomie d’un grand-parent...
Ainsi chaque famille a son histoire personnelle jalonnée par des situations difficiles comme le chômage, la mort, le déménagement, un enfant handicapé...
L’adaptabilité des systèmes familiaux permettra de changer de structure quand les conditions internes ou externes changeront tout en maintenant une certaine cohérence.

Lorsque les générations sont proches, il peut y avoir des crises qui se déclenchent en même temps : crise d’adolescence pour les plus jeunes, crise du nid vide pour les parents et crise de la vieillesse pour les grands-parents. Toutes ces crises sont des occasions de changements ratés ou réussis.
Les générations se succèdent, la continuité transgénérationnelle passe par des phénomènes conscients comme l’éducation et les traditions familiales et d’autres moins conscients comme la transmission de loyautés invisibles, de non-dits et de mythes familiaux.

Les familles saines, bien que toutes différentes, possèdent donc un point commun : un équilibre dynamique qui permettra de s’adapter aux évènements que traverseront, ensemble, les membres de ce système complexe qu’est la famille.


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