La femme est l’avenir de l’homme
par Bernard Lallement
mardi 24 janvier 2006
Juste retour des choses, car elles n’en constituent pas moins la moitié de l’humanité, et cette dernière avait eu une très fâcheuse habitude de les cantonner dans des tâches subalternes. Elles n’avaient pas droit de cité dans les affaires de la Cité.
Qu’elles puissent prétendre aux prérogatives des hommes n’est que justice. L’idée n’est, pourtant, pas nouvelle, ni révolutionnaire d’ailleurs. A Claire Lacombe, qui assistait aux débats de la Convention, Chaumette, procureur de la Commune de Paris, eut cette réplique : « Depuis quand est-il d’usage de voir les femmes abandonner les soins pieux de leur ménage, le berceau de leurs enfants, pour venir sur la place publique, dans la tribune, aux harangues ? » De Robespierre à Saint-Just, la misogynie était de mise.
Pourtant, au XVIIe siècle, déjà, François Poulain de la Barre, qui sera suivi, bien plus tard, par Condorcet, rappelait l’absurde inégalité des sexes, fruit de nos préjugés. Et si en France, au XIXe siècle, Portalis, l’un des rédacteurs du Code civil, justifiait « par la pudeur de leur sexe » l’interdiction faite aux femmes d’ester en justice, Walter Besant publiait, en Angleterre, une nouvelle d’anticipation dans laquelle l’an 2000 verrait les femmes gouverner le monde.
L’évolution paraît, fort heureusement, irréversible. Mais cet engouement de l’opinion pour la promotion des femmes en politique traduit, aussi, une volonté de changement et de renouveau d’une classe dirigeante, masculine, minée par la gérontocratie. Il est désolant de constater combien la carte vermeil est le sésame obligé pour tout candidat à la magistrature suprême, et il y a du pathétique désolant à voir un Christian Poncelet réélu président du Sénat à 76 ans, ou un Michel Rocard rempiler, à 74 ans, pour un nouveau mandat européen.
Il n’est pas indifférent de souligner que l’avènement d’un féminisme politique survient au moment où les partis politiques ont renoncé à être le relais privilégié entre le peuple et ses dirigeants. Ils sont devenus de simples écuries électorales, laissant aux médias le soin de véhiculer ce qui reste d’idéologie, faisant de la presse un pouvoir à part entière.
A court d’idées sur le devenir du monde, nos hommes politiques se réfugient dans l’émotion. Ainsi nous voyons un Nicolas Sarkozy pousser la chansonnette en compagnie d’un Pascal Sevran, mitterrandolâtre sarkophile, et d’une ancienne gloire des années seventies, chez Michel Drucker. Les magazines people couchent ministres et députés sur papier glacé. Pour un peu, le Parlement serait en passe de rejoindre la Star Academy.
C’est dire combien est ardue la tâche qui attend nos nouvelles élues. Elles devront relever le flambeau, là où leurs coreligionnaires masculins ont failli. A moins qu’elles ne prennent, elles aussi, le pli du renoncement à changer le monde en se coulant savamment dans l’évidence médiatique et dans le moule d’une mondialisation aux relents libéraux. Mais « la femme est tout ce que l’homme appelle et tout ce qu’il n’atteint pas », nous prévenait Simone de Beauvoir.