La fin de la mixité scolaire : le retour (en douce) du religieux

par sisyphe
mercredi 28 mai 2008

Adoptée le 15 mai, à la sauvette, par le Parlement, la mesure est passée quasiment inaperçue, et pourtant....
Sous le couvert d’une loi "visant à lutter contre les discriminations", le gouvernement a ainsi fait passer une disposition remettant en cause la mixité à l’école, par la possibilité d’organiser "des enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe" sans s’exposer à la foudre des organisations laïques et des syndicats de l’enseignement.

Faisant ainsi suite à la campagne menée ; tant par le président de la République dans son discours de Latran, que dans ses diverses déclarations ("L’instituteur ne remplacera jamais le prêtre"), par sa directrice de cabinet Emanuelle Mignon , puis par Michèle Alliot-Marie cette mesure marque bien la volonté délibérée du retour du religieux dans la sphère publique, et la remise en cause de la laïcité.

En affirmant, à la tribune de l’Assemblée nationale, que cette disposition était (je cite) "une exigence de la Commission européenne à laquelle on ne pouvait se soustraire", le gouvernement a délibérément menti au Parlement, puisque aucune des directives européennes à transposer dans ce texte ne touche au champ de l’enseignement, qui reste une compétence strictement nationale.

Ce retour en arrière, par la mise en cause de la mixité dans les établissements scolaires, donc imposée par le gouvernement aux parlementaires, fait, évidemment, le bonheur des intégristes de tous poils et de toutes confessions, qui obtiennent là la reconnaissance de leur influence au cœur de l’Etat, et au sein même de la loi.

L’événement a été signalé par un article passé inaperçu, page 19 du Monde, le 22 avril, par la sénatrice socialiste de Paris ; Bariza Khiari, et on ne connaît guère d’écho qui lui ait été donné, si ce n’est un article de Véronique Soulé, dans Libération du 22 mai.


Ailleurs, dans tous les médias, notamment, à la télévision... le grand silence, comme s’il ne s’agissait que d’une mesure anodine !

Pourtant, il ne s’agit ici rien moins que de la remise en cause du modèle laïc et républicain, du favoritisme des intégrismes religieux, des communautarismes de tous bords.

Venant après tant de signaux déjà donnés au retour du religieux dans la sphère publique, cette mesure ne saurait être le fruit du hasard.
A ce sujet, on s’étonne du silence assourdissant des syndicats enseignants, qui n’ont même pas évoqué le problème.

La Ligue des droits de l’homme, de son côté, a dénoncé cette loi, et demandé instamment que "soient prises des mesures de rattrapage en faveur de catégories discriminées, en l’occurrence les femmes, en vue d’une égalité réelle", a-t-elle rappelé, estimant que "prétendre protéger les filles par le retour au passé et par la ségrégation est absurde et inacceptable".
"A quand des autobus et des wagons réservés aux femmes ?", a-t-elle insisté, précisant que "toute séparation renforce le sexisme".
"Les élèves féminines qui présentent en moyenne les meilleurs résultats scolaires ont besoin de la mixité comme instrument du vivre ensemble et apprentissage de l’autre à la conquête de l’égalité".

Rappelons, à tout hasard, que la mixité scolaire est un acquis relativement récent : la réforme Berthoin de 1959 légalise les lycées mixtes nouvellement construits ; c’est le cas aussi en 1963 pour les Collèges d’enseignement secondaire, puis les décrets d’application du 28 décembre 1976 de la loi dite « Haby » du 11 juillet 1975 rendent la mixité obligatoire dans l’enseignement primaire et secondaire.

La mixité scolaire est, avec la laïcité et l’égalité, un acquis fondamental de la République, face aux archaïques résistances des sphères religieuses de tous ordres.
Un gage majeur vient de leur être donné, en catimini, invalidant des années de lutte pour l’égalité des sexes et l’acquisition de la socialisation qui signifie un apprentissage de la vie en commun, de l’égalité et du respect de l’autre.

Ainsi, le président de la République et son gouvernement continuent-ils, alignés sur leur modèle bushien, leur travail de sape des acquis de la République, de régression sociale, de ségrégation, de favoritisme des communautarismes religieux, dans le silence de mesures prises en douce, avec l’assentiment d’une majorité aux ordres.

Les défenseurs du modèle républicain et de la laïcité sont appelés à se mobiliser contre ce nouveau mauvais coup porté aux fondements de notre République.

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