La fin du travail des enfants... à 218 millions d’enfants près

par Michel Monette
jeudi 15 juin 2006

La Journée mondiale contre le travail des enfants nous rappelle, le 12 juin de chaque année, tout le chemin à parcourir pour améliorer le sort de centaine de millions d’enfants.

Signe des temps, ou simple repli statistique ? Le travail des enfants aurait reculé de 11% en 4 ans à l’échelle mondiale, selon un rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Le rapport révèle qu’il y aurait tout de même encore plus de 218 millions d’enfants qui travaillent dans le monde, selon les estimations d’une vaste enquête internationale menée en 2004. Plus de 70% de ces enfants travaillent dans le domaine de la production agricole .

Ce n’est pas forcément la persistance d’un mode de vie familial basé sur l’agriculture qui explique la persistance du travail agricole des enfants.

Les entreprises de l’agriculture commerciale ont recours à toutes sortes d’accords de sous-traitance, ce qui leur permet de rejeter toute responsabilité au cas où on leur reprocherait de faire travailler des enfants sur leurs exploitations et leurs plantations.

OIT, La fin du travail des enfants : un objectif à notre portée, page 42.


En fait, que ce soit dans l’agriculture, dans la production industrielle ou dans les services, le travail auquel sont astreints tant d’enfants dans le monde est un aspect d’une réalité beaucoup plus troublante : l’éthique pour le moins élastique tant des producteurs que des commerçants, et des consommateurs.

Qui cherche vraiment à savoir comment sont produits les articles bon marché qui s’empilent dans son panier d’achats ?

Quel marchand prend la peine de vérifier et de certifier que ce qu’il vend a été produit dans des conditions qui respectent les normes internationales du travail ?

Quelle entreprise spécialisée dans le commerce international fait de même ?

Quel producteur prend l’engagement solennel de ne pas exploiter la main-d’oeuvre et en particulier de refuser d’embaucher des enfants ?

J’en vois d’ici qui s’apprêtent à me faire la leçon : si les entreprises dans les pays pauvres n’embauchent pas des enfants, qui va les nourrir et apporter à leurs familles les maigres revenus qui font la différence entre la misère et l’extrême misère ?

En somme, faire durer la misère sous des allures de bon samaritain.

Comme l’écrivent si bien les auteurs du rapport de l’OIT (page 2 ) : « Le travail des enfants est à la fois le résultat de la pauvreté et un phénomène qui la perpétue. » Avis aux samaritains.

Il n’y a pourtant pas 36 solutions au travail des enfants : le remplacer par l’éducation des enfants. En fait, oui, il y a plusieurs solutions, dont l’une est le Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) mis sur pied par le Bureau international du travail en 1992.

Ce qu’il y a de remarquable dans ce programme, c’est qu’il repose sur la responsabilisation des pays qui y adhèrent. Coût annuel du programme : entre 55 et 60 millions de dollars. Nombre d’enfants aidés depuis 2002  : 5 millions. Remarquable, mais nettement insuffisant.

L’élimination du travail des enfants a un coût. L’OIT estime que le remplacement du travail des enfants par l’éducation universelle coûterait plus de 760 milliards de dollars sur 20 ans, mais qu’il rapporterait 5 106 milliards de dollars (IPEC : Investir dans chaque enfant - étude économique sur les coûts et les bénéfi ces de l’élimination du travail des enfants. Genève, BIT, 2004).

C’est beaucoup, 760 milliards ? Peut-être, mais le coût annuel dans les premières années ne représenterait tout de même que le dixième des dépenses militaires des seuls États-Unis.

Ah oui, 218 millions, c’est le nombre d’enfants qui étaient sur le marché du travail en 2004. Parmi ceux-ci, il y en avait 126,3 millions assujettis aux pires formes d’exploitation.

Mais il y a aussi des millions d’autres enfants « économiquement actifs » malgré eux dans la traite, l’exploitation sexuelle, la guerre, la domesticité.


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