La fin programmée des écoles maternelles

par CHALOT
samedi 29 mai 2010


Au début il s’agit d’expérimenter en installant des jardins d’éveil

Ensuite pour attirer le client, les financements de la CAF sont annoncés et des cadres de l’institution vont aller promouvoir le nouveau concept auprès de maires ;

Et puis demain, voire même avant : les classes maternelles des 2 et même 3 ans seront supprimées et la réduction inévitable des crédits CAF va contraindre les collectivités territoriales à payer...


Quel piège grossier !

« L’instruction est obligatoire pour les filles et les garçons, âgés de 6 à 16 ans, résidant sur le territoire français, quelle que soit leur nationalité. »

Cette scolarisation a un coût.

Le gouvernement veut rentabiliser l’école, réduire les déficits publics tout en maintenant le bouclier fiscal.

Comme il ne peut pas s’en prendre à l’école élémentaire et secondaire (plus exactement, c’est sous d’autres formes), il a décidé de faire des économies substantielles en s’attaquant à l’école maternelle.

Jusqu’à présent les classes maternelles de deux ans constituaient une variable d’ajustement pour les recteurs et les inspecteurs d’Académie.

Aujourd’hui la décision est prise en haut lieu : la scolarisation à deux ans n’est plus de mise, elle n’est qu’une survivance du passé !?

Elle demeure ça et là dans certains secteurs où la mobilisation est forte mais à la rentrée 2010 les dés sont jetés.

Place aux jardins d’éveil et autres structures expérimentales !

Les municipalités qui souhaitent monter un projet et ouvrir un accueil de ce type pourront disposer de financements attribués par la CAF ;

Les crédits sont ouverts et comme pour l’instant les postulants ne se précipitent pas encore aux portillons, il y en aura pour tout le monde.

« La branche famille contribuera à hauteur de 3 200 euros en moyenne par place sous la forme d’une prestation spécifique expérimentale.

Une majoration pouvant aller jusqu’à 25% pourra être octroyée si les caractéristiques du territoire entraînent des coûts supplémentaires. »

Que se passera t-il demain quand la contribution exceptionnelle de la CAF disparaîtra ?

La contribution des familles, limitée, augmentera et ces jardins d’éveil deviendront élitistes.

Rappelons nous l’histoire des contrats temps libre devenus contrats enfance jeunesse :

En 1998, au moment de leur création, les collectivités territoriales pouvaient obtenir pour de nouvelles actions en direction des enfants et des jeunes des subventions pérennes représentant entre 60 et 70% du coût.

Le contrat enfance jeunesse qui s’est substitué en 2006 aux contrats enfance et temps libres limite cette aide et la plafonne. Les collectivités territoriales ont vu ainsi se réduire d’une manière drastique les subventions de la CAF.

Qui assurera l’encadrement de ces tout petits ?

Les personnels qui interviennent, n’étant pas des enseignants seront des personnels précaires et sous rémunérés.

Alors que la pré-scolarisation des 2 à 3 ans, développée au début des années 1970 a connu un essor important passant de 10 % des « 2 ans » en 1960 à 18 % en 1970 puis à 36 % en 1980.

Alors que cette pré-scolarisation atteignait les 50% dans certaines secteurs, elle va disparaître pour être remplacée pour une toute petite minorité d’enfants par des jardins d’éveil.

Toutes les recherches, y compris officielles comme celles effectuées par l’IREDU (l’Institut de recherche sur l’éducation) comme le rappelle Bruno Suchaut son directeur « ont systématiquement relevé un lien positif entre la durée de fréquentation de l’école maternelle et la réussite des élèves à l’école élémentaire, tant sur le plan des acquisitions que sur celui de la qualité des parcours scolaires"...

Le gouvernement n’en a cure, il veut poursuivre sur la voie tracée : réaliser des économies...

Après les deux ans, il s’attaquera aux trois et aux quatre ans.

Depuis le XIX ème siècle l’école maternelle constitue en France un maillon essentiel du système éducatif.

Elle contribue à réduire les inégalités et permet aux tout petits et notamment à ceux qui sont issus de milieux défavorisés de mieux accéder au langage et d’acquérir des savoirs, savoir faire et savoir être indispensables.

Elle ne constitue pas un espace de garde mais d’éducation.

L’enfant a besoin pour se construire comme personne et être social d’espaces éducatifs de qualité dès le plus jeune âge afin de développer ses propres potentialités. Ces espaces éducatifs contribuent largement à socialiser le tout petit, à le latéraliser et à lui assurer des savoirs, savoir être et savoir faire indispensables.

Aujourd’hui, alors que deux millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté et que de nombreuses familles connaissent des difficultés pour vivre décemment, il est indispensable que les pouvoirs publics se penchent très sérieusement sur la question de l’éducation du tout petit afin de donner à chacun une chance de se développer harmonieusement et de disposer d’un maximum d’atouts pour une double réussite scolaire et personnelle.

La réponse à ce besoin ne doit pas être conditionnée à une bonne volonté communale, à des moyens financiers des collectivités territoriales ou à des capacités financières des parents.

Elle doit être la même sur tout le territoire et seule l’école maternelle rénovée c’est à dire prenant en compte la spécificité du groupe d’âge des tout petits est capable d’assurer cette mission éducative.

Les familles ont besoin de petites sections d’écoles maternelles à effectif réduit, ce qui suppose une augmentation du nombre de postes de professeurs d’école.

C’est un choix social et éducatif qui doit être effectué.

Jean-François Chalot


Lire l'article complet, et les commentaires