La France et l’insertion scolaire des enfants handicapés : état des lieux

par e-psychologue.fr
jeudi 22 février 2007

En cette période électorale, il est important de rappeler aux candidats à la présidentielle qu’un long chemin reste à parcourir en ce qui concerne l’insertion scolaire des enfants handicapés.

On peut dater l’apparition de la notion d’insertion scolaire de la loi du 30 juin 1975 qui, dans son article premier, en définissait le concept sans utiliser l’expression. Les circulaires n°82/2 et 82/048 du 29 janvier 1982 affirment sans ambiguïté la volonté des pouvoirs publics d’intégrer les enfants et adolescents handicapés à l’école :
" L’intégration vise tout d’abord à favoriser l’insertion sociale de l’enfant handicapé en le plaçant le plus tôt possible, dans un milieu ordinaire où il puisse développer sa personnalité et faire accepter sa différence. Elle lui permet enfin de bénéficier dans de meilleures conditions, d’une formation générale et professionnelle favorisant l’autonomie individuelle, l’accès au monde du travail et la participation sociale."
Mais ce n’est que depuis 1999 que l’insertion scolaire est devenue prioritaire, en France, avec la création du plan Handiscol’. Cette appellation permet d’identifier l’ensemble des mesures ou dispositifs (plan de scolarisation, cellule d’écoute, guides, groupes départementaux) mis en place pour favoriser la scolarisation des enfants et adolescents handicapés en milieu scolaire ordinaire (école, collège, lycée).
Un rapport conjoint de l’Inspection générale de l’Education nationale et de l’Inspection générale des Affaires sociales (remis fin mars 1999) parle de l’insertion scolaire des enfants handicapés comme un processus bénéfique à tous les élèves qu’il faut encourager et développer.
Les conclusions de ce rapport mettent en avant le fait que le processus de scolarisation des élèves handicapés demeure lacunaire : on observe trop souvent des discontinuités dans le passage d’un niveau de scolarité à un autre. En outre, les modalités d’intégration sont offertes de manière très inégale sur l’ensemble du territoire. Pour un trop grand nombre de familles, cela suppose des démarches longues et éprouvantes.
Le rapport a largement confirmé le bénéfice qui pouvait être attendu de l’insertion des enfants et adolescents handicapés en milieu scolaire ordinaire, dès lors que cette intégration était soutenue et accompagnée à la mesure des besoins de l’élève, en particulier grâce à l’intervention des services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD).
L’élève handicapé en milieu scolaire normal améliore considérablement ses chances de développer des apprentissages et de réussir ultérieurement son insertion sociale et professionnelle. De plus, pour l’établissement qui l’accueille, les effets positifs sont largement partagés, puisque ce sont tous les élèves qui font, en actes, l’apprentissage de la solidarité et de la citoyenneté.

En réalité, la majorité des établissements scolaires s’est trouvée dans l’incapacité de mettre en place ce projet individuel : on peut lire dans un rapport de Yvan Lachaud (rédigé en 2003 à la demande conjointe des ministères de l’Education nationale, de l’Enseignement scolaire et des Personnes handicapées) qu’en 2002, 88% des familles ayant demandé l’inscription de leur enfant handicapé (mental ou moteur) dans un établissement scolaire "traditionnel" ont vu leur demande rejetée.

La loi de février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées constitue une réelle avancée en faveur de l’insertion scolaire des enfants en spécifiant que "tout enfant ou tout adolescent présentant un handicap ou trouble invalidant de la santé" doit être "inscrit dans l’école (...) la plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence".

Ainsi, l’année dernière sur 250 000 enfants handicapés plus de 100 000 furent scolarisés en classes ordinaires : environ 65 000 dans le primaire et 37 500 dans le secondaire.
Cependant, scolariser un enfant handicapé dans les conditions actuelles de l’école publique, c’est-à-dire sans concevoir de protocole d’accueil réellement adapté, est souvent synonyme d’échec. Le cadre législatif est enfin posé mais sur le terrain, c’est une autre histoire...

La majorité des enseignants ne sont pas formés au handicap, rien d’étonnant à cela, ce n’est pas leur métier. Il faut donc des personnes ayant une formation qualifiée pour assurer le suivi des enfants qui en ont besoin. C’est le rôle des auxiliaires de vie (AVS) : faciliter au sein de l’école, la scolarité des enfants handicapés en leur donnant un accompagnement spécifique individuel. Malheureusement le nombre de poste de ce type est encore insuffisant : à la rentrée 2006, le ministère de l’Education nationale finançait 6133 postes d’AVS, accompagnant 65 203 élèves, soit un auxiliaire pour 11 enfants... Quant à la création des emplois vie scolaire (EVS) en 2005, elle ne répond en rien à la demande d’aide concernant la prise en charge des enfants handicapés dont les enseignants ont besoin. En effet, leur mission première est de s’adapter au fonctionnement des établissements scolaire en effectuant, le plus souvent, des tâches administratives.
Quoi qu’il en soit, faute de moyens, les enfants présentant un handicap sont donc encore bien souvent redirigés vers des établissements spécialisés malgré leur inscription en milieu ordinaire.
L’adaptation de l’école publique ne s’impose pas, elle se prépare.

Dans l’idéal, l’intégration individuelle dans une classe ordinaire devrait pouvoir se réaliser, à temps plein ou à temps partiel, en collaboration étroite avec des professionnels du handicap. Il faut cependant reconnaître que la mise en place, depuis 2005, d’un projet individualisé permettant de prendre en compte les besoins éducatifs particuliers de chaque élève constitue une avancée majeure pour l’insertion des enfants handicapés.

Bien que l’insertion scolaire des enfants présentant un handicap soit sans conteste souhaitable, il apparaît que si elle est désormais officielle, elle l’est avant tout dans les textes de lois et beaucoup moins dans la réalité des faits. La place des jeunes handicapés dans les structures ordinaires n’est toujours pas quelque chose de naturel. Notre société est encore loin d’accepter tous ses membres.

Ainsi, le problème de l’insertion sociale des enfants handicapés semble, en France, ne pas avoir de solution : l’inscription précoce en milieu scolaire traditionnel est souvent difficile et le placement institutionnel reste trop fréquemment la solution unique, synonyme d’exclusion.
Est-il complètement utopique de vouloir offrir aux enfants un lieu de prise en charge spécifique ouvert sur le monde, orienté sur le développement de leurs habiletés sociales tout en respectant leur handicap ? La solution semble pourtant être là : permettre à ces enfants de vivre le mieux possible leur différence au sein de notre société.
Cette solution ne pourra prendre forme qu’au prix d’une prise de conscience collective : il faut que nous acceptions qu’il existe des êtres différents, des êtres d’exception. N’oublions pas non plus que l’insertion sociale ne doit pas avoir pour objectif d’effacer la différence, elle devrait simplement permettre à chaque personne handicapée d’assumer le fait d’être reconnue comme telle sans préjugé aucun.


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