La GPA, une « atteinte à la dignité humaine »

par Fergus
mardi 7 juillet 2015

C’est ainsi qu’Alain Juppé a qualifié le samedi 4 juillet sur son blog la « gestation pour autrui » en commentant une décision de la Cour de cassation appelée à faire jurisprudence...

 En 2014, deux jugements contradictoires, prononcés à quelques mois d’intervalle par la Cour d’appel de Rennes, ont jeté le trouble sur l’épineuse question de la reconnaissance des enfants nés d’une « gestation pour autrui » (GPA). Et une décision, le 15 mai dernier, du Tribunal de grande instance (TGI) de Nantes, compétent pour la France entière en matière d’état-civil, est venue alourdir le dossier en ordonnant au procureur de la république d’inscrire à l’état-civil français trois enfants nés de GPA à l’étranger.

Saisie à son tour pour statuer, au plus haut niveau juridique, sur les jugements prononcés à Rennes, la Cour de cassation a, le vendredi 3 juillet 2015, validé l’inscription à l’état-civil français de deux enfants nés d’une mère porteuse en Russie pour le compte d’un couple de sexe masculin. Dans leurs attendus, les juges ont estimé que l'interdiction de la GPA en France « ne peut faire échec » à la transcription sur les registres français de l'acte de naissance d’enfants nés dans ces conditions particulières.

En l’occurrence, la Cour de cassation et le TGI de Nantes se sont appuyés sur un jugement prononcé le 26 juin 2014 par la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH), ordonnant l’inscription à l’état-civil français de deux fillettes nées aux États-Unis d’une GPA. Tout comme les deux petites « Américaines », les deux enfants nés du recours à une mère porteuse russe bénéficieront donc de la nationalité française. Une décision appelée sans nul doute à faire jurisprudence dans l’avenir.

La gestation pour autrui n’en reste pas moins rigoureusement interdite dans le droit français à la suite d’un arrêt de la Cour de Cassation en date du 31 mai 1991, au motif que « la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes  ». Un arrêt confirmé par les termes de la loi bioéthique du 29 juillet 1994 et ses révisions ultérieures sur la disposition du corps humain.

On a donc affaire à un imbroglio juridico-humanitaire insoluble : pour des raisons éthiques justifiées, la GPA est interdite dans notre pays ; mais, dorénavant, tous les enfants qui seront nés de mères porteuses dans des conditions reconnues comme illégales en France pourront être inscrits à l’état-civil français, que ce soit en filiation de couples ne pouvant enfanter (par exemple dans le cas de mères privées d’utérus) ou de couples gays en mal d’enfants. Alain Juppé voit là « une légalisation de fait de la GPA en France ».

Louer son utérus ou louer son vagin, quelle différence ?

Le maire de Bordeaux, et peut-être futur candidat à la Présidence de la République, a évidemment raison de s’inquiéter de ce qui s’apparente de facto à une démarche de convenance personnelle profondément choquante, l’écrasante majorité des GPA donnant lieu, par contrat, à une location d’utérus contre rémunération, le plus souvent subie par des femmes de condition modeste au profit de demandeurs appartenant à des classes aisées.

C’est la raison pour laquelle Alain Juppé a annoncé dans son blog « des dispositions législatives pour que le droit protège à nouveau les personnes, notamment les plus faibles que sont les enfants et les femmes, et restaure pleinement dans notre pays l'efficacité de l'interdiction de conclure des conventions de GPA. » Puisse-t-il être suivi dans cette démarche ! La gestation pour autrui n’est en effet rien d’autre que de la prostitution, la location de l’utérus remplaçant celle du vagin pour de longs et parfois pénibles mois de gestation, sans compter les durables transformations physiologiques, et parfois physiques, que doivent subir les mères porteuses dans leur corps.

Certes, il y a les Droits de l’Enfant, et les tenants de la reconnaissance par l’état-civil français de bébés nés d’une GPA à l’étranger ne se privent pas de mettre cet argument en avance dans leur discours. Mais ils le font souvent de très mauvaise foi, notamment lorsqu’ils laissent entendre que les enfants nés dans ces conditions seraient « privés d’identité ». C’est évidemment faux : aucun de ces enfants n’est apatride, chacun disposant de la nationalité de son pays de naissance au terme de la grossesse contractuelle. Quant à leur identité aux sens philosophique et psychologique, elle n’est en aucun cas liée à une question de nationalité, mais risque au contraire d’être sérieusement perturbée lors de la révélation des conditions de leur naissance. Enfin, rien n’empêche ces enfants de demander, avec 100 % de chances de l’obtenir, la nationalité française à leur majorité s’ils le désirent.

On estime actuellement à environ 2000 le nombre des enfants nés d’une GPA qui vivent en France. Un nombre appelé à augmenter de manière très significative car, à l’évidence, le jugement de la Cour de cassation est un formidable encouragement à violer délibérément la loi française en recourant à l’étranger aux services d’une mère porteuse moyennant rémunération. Alain Juppé a parlé d’« atteinte à la dignité humaine », et c’est très exactement de cela qu’il s’agit, la GPA étant de fait l’une des formes les plus révoltantes de la prostitution !  

 


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