La grande bassine jaune
par C’est Nabum
vendredi 31 mars 2023
D'une bassine à l'autre.
Je me souviens avec une nostalgie qui certains n'hésiteront pas à qualifier de déplacée, de la grande bassine jaune qui me servait alors de baignoire quand j'étais enfant. Notre vieille bâtisse aux murs épais, à passé glorieux, ne disposait pas encore de tous les conforts que les nouvelles normes sanitaires imposèrent progressivement. Il fallut abattre les planchers du sous-sol au grenier pour parvenir à faire passer toute la tuyauterie nécessaire à une installation que l'on qualifiait de centrale. Que le fuel fût alors l'eldorado du progrès ne change en rien la dimension magique de ce bouleversement.
Nous dîmes adieu à la cuisinière à bois et à charbon, aux bouilloires qui chantaient sur le feu, à l'unique WC installé dans une pièce non chauffée et surtout à la grande bassine jaune qui permettait la grande toilette hebdomadaire. Je devine les cris d’orfraie des hygiénistes compulsifs prompts à se laver à grandes eaux dans le mépris le plus absolu de la Planète tant ils couvrent paradoxalement leur corps d'une gamme délirante de produits d'entretien des pollutions.
Nous usions du gant de toilette le reste du temps, personne ne nous faisant grief d'une odeur corporelle des plus convenables malgré le peu d'eau gaspillée. Le savon de Marseille suffisait à tous les usages, pratique que j'ai conservée sans apporter ma pierre à la consommation effrénée de produits cosmétiques. Mauvais citoyen je demeure en ce domaine.
La bassine jaune constituait le rituel du lavage à grandes eaux. Pour le reste, il y avait le lavabo qui remplissait parfaitement son usage sans faire couler plus d'eau qu'il n'en fallait. Afin de n'être pas montré du doigt, je précise cependant que la pratique du sport permettait de croiser la route d'une douche qui bien que collective, n'en demeurait pas moins un passage fort apprécié. Ce fut pour moi du reste mon lot régulier durant près de cinquante années.
Mais si je vous bassine avec mes souvenirs aqueux c'est justement pour rebondir sur ce terme qui fait désormais la une et le déshonneur d'une nation qui semble se noyer dans un verre d'eau dès qu'il s'agit de faire exactement le contraire de ce qu'on avance la main sur le cœur. Les grandes bassines sont une hérésie pour une pratique d'élevage délirante. Mais comme les groupes de pression qu'on nomme lobbies pour faire passer la pilule, font la loi en graissant des pattes toujours avides, le pouvoir favorise des pratiques aberrantes simplement pour flatter un syndicat agricole écocide.
Constituer des réserves d'eau pluviales n'est en aucune façon une absurdité pourvu qu’elles ne soient pas ouvertes à l'évaporation. Les citernes remplissent parfaitement ce rôle et pourraient se trouver dans nombres de demeures et d'exploitations. Par contre, la bassine à l'air libre qui de plus va puiser dans une nappe phréatique constitue à la fois une absurdité et une escroquerie.
Qu'un pouvoir prétendument soucieux de l'environnement fasse pleuvoir les coups de matraque sur ceux qui osent s'interposer devant une pratique qui conduit à la catastrophe la pire de toute : la pénurie d'eau, démontre que ces individus n'ont d'autre vision que celle de leurs seuls intérêts. Comment de tels individus peuvent gouverner une nation ?
Les forces de l'ordre vont donc défendre la légalité républicaine par une répression féroce afin de préserver une décision suicidaire du point de vue de la nature C'est un terrible glissement des valeurs qui démontre à l'évidence la dimension inhumaine d'un système et l'autoritarisme forcené d'un gouvernement qui use de la force pour continuer à faire le mal. Je ne sais comment nommer cela même si dictature semble excessif, il y a forcément un dérapage qui les conduit à imposer par la force ce qui va nuire aux intérêts supérieurs des citoyens. Hélas, le peuple n'est plus souverain et l'élection conduit à rendre légitime ce qui est suicidaire. Inutile de crier aux fous, c'est la déraison qui gouverne avec un gant de fer.
À contre-raison.