La grande distribution après le COVID-19 : qu’a-t-elle appris ?

par Romain
samedi 16 mai 2020

Leurs ventes ont explosé depuis le début du confinement. Toutefois, l'incertitude quant à la persistance de nouvelles pratiques d'achat a donc obligé les fabricants du secteur à rester vigilants.

Les provisions de masse des français

D’Unilever à Danone en passant par Mondelez, Nestlé, Coca-Cola, PepsiCo et Kellogg’s, tous les géants du secteur ont profité du phénomène de stockage en début de confinement. Les ruées aux rayons papier toilette et mouchoirs ont fait bondir de 8 % les ventes de Kimberly-Clark (Kleenex) au premier trimestre. « Ce mouvement de surstockage a été observé dans toutes les zones géographiques, et particulièrement en ligne », précise le groupe.

Chez la plupart des géants des produits de consommation, à l’exception notable des brasseurs (Heineken, Carlsberg), la hausse des achats en grandes et moyennes surfaces a compensé la perte des marchés hors domicile induits par la fermeture des bars, restaurants et cantines scolaires.

Cocooning et e-commerce

Autre rupture de tendance : la folle accélération de l’e-commerce alimentaire, jusque-là en retard par rapport à l’électronique. Il dépasse la barre des 10 % chez Nestlé. « Cette crise aura permis aux consommateurs de se rendre compte de la praticité de l’e-commerce pour leurs courses alimentaires », se réjouit Mark Schneider.

Le confinement a débloqué certains marchés matures, en réveillant chez des consommateurs confinés des besoins de bien-être, de réassurance, de plaisir. Les clients ont « changé de paradigme émotionnel, souligne-t-on chez PepsiCo. Ils sont plus prévoyants, plus prudents sur la reprise et surtout désireux de cocooning ». Un point validé par le boom des ventes de Danette (Danone), des gâteaux Oreo, Lu et Belvita (Mondelez) et des céréales Quaker Oats (PepsiCo), consommées au petit déjeuner et pour faire la cuisine.

Retour de boomerang

Les consommateurs sont soucieux de leur hygiène et de celle de leur maison, avec le rebond de catégories à la peine depuis des années (lessive, détergents). En témoignent la résistance d’Unilever (Dove, Skip, Signal) et le bond de Procter & Gamble (Pampers, Ariel), dont les ventes ont bondi 5 % sur au premier trimestre. Si l’attention à la lutte contre le plastique et le gaspillage alimentaire marque le pas, les clients s’intéressent toujours autant aux produits bio. Chez Procter, ces catégories labellisées AB ont ainsi bondi de 6 %. Nombre d’industriels doutent de la persistance de ces changements. Ils craignent un retour de boomerang, avec un effet déstockage déjà perceptible. Danone et PepsiCo voient déjà l’impact d’un phénomène d’épargne des foyers. Tous s’attendant à des à-coups dans la consommation, difficiles à gérer d’un point de vue logistique et industriel.

« La reprise ne sera pas linéaire »

« La reprise ne sera pas linéaire, assure Ramon Laguarta, le PDG de PepsiCo. La distanciation sociale va rester un mode de vie, avec une préférence pour les formats traditionnels de commerce comme l’hypermarché, l’e-commerce et les paniers plus larges. Ce qu’on ne sait pas, c’est le timing et l’intensité avec lesquels les consommateurs retourneront ou pas à leurs anciennes habitudes. »

En attendant d’y voir plus clair, les géants du secteur se sont mis en mode crise. Danone ne voit pas de reprise sur ses marchés avant début 2021. Certaines initiatives en matière de R&D ou de développement durable ont été décalées. Idem chez Mondelez.

La pérennité de certaines habitudes pourrait accélérer des acquisitions. Avec au préalable une revue minutieuse du portefeuille. « Nous sommes en train de voir ce que ce nouvel environnement implique pour nos activités et nos produits », souligne-t-on chez Nestlé.

Guerre commerciale

Les industriels se concentrent sur leurs références de produits les plus vendues pour assurer l’approvisionnement en rayon et répondre à un consommateur erratique. Tous accordent la priorité aux économies de coûts, en particulier les industriels de la bière et des sodas, très exposés au hors-domicile. Chez Coca, Carlsberg ou Heineken, la fin d’année s’annonce difficile.

Seule certitude : dès le pic de la crise passé, la guerre commerciale devrait reprendre. « Nous seront très agressifs pour que dans chaque étagère réapprovisionnée, dans chaque mobilier renouvelé, nos commerciaux arrivent à mettre nos produits en première ligne », appuie PepsiCo. Chez les géants de la grande consommation, l’ancien monde n’a pas encore disparu.

 

Sources : LSA Conso & Le Monde


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