La liberté des marchés est la meilleure solution ?
par ddacoudre
jeudi 5 mars 2009
Nous avons eu la loi de la nature, puis la loi de dieu, puis la loi du roi de droit divin, puis l’esprit des lumières puis la loi de la république, à nouveau la loi naturelle, et maintenant nous aurions la loi du marché. Il semble effectivement que l’homme ne sache pas interagir avec ses semblables, sans qu’il soit nécessaire de réglementer ses comportements.
Pourtant, nous n’avons aucune gêne pour parler de la liberté des personnes, alors que dès notre naissance nous apprenons les lois de la sociabilité, nous dirons donc que la liberté du nouveau né commence mal, mais qu’il faut convenir que nous n’en gardons pas le souvenir, et ceci constitue une entrave inconsciente à notre liberté, puisque c’est avec l’assimilation de toutes ces contraintes sociétales que nous considérons être libre.
La liberté dépendrait donc de la faculté d’assimiler comme partie intégrante de soi toutes les contraintes, si bien que la perte de l’une où de l’autre semble nous amenuiser puisqu’elle ne seraient plus là pour servir de jalon et nous nous retrouverions donc perdu face à la loi de la nature, comme nous nous trouvons perdu, face à des semblables qui ont reçu une sociabilité différente de la nôtre.
Donc quid de la liberté, elle n’existe pas, et si nous expliquons à un nouveau né qu’il est fils d’esclave il n’y a aucune chance qu’il conteste le pouvoir de son maître.
Souvent je fais référence à l’axiome de Locke « Les droits naturels sont ceux qui appartiennent à l’homme en raison de son existence : de cette nature sont tous les droits intellectuels ou droit de l’esprit, comme aussi tous les droits d’agir comme individu, pour sa propre satisfaction et pour son bonheur, en tant qu’il ne blesse pas les droits naturels d’autrui »,
Il semblerait donc qu’en rappelant que l’homme est un animal dépendant des lois biologiques qui régissent son être, il en découle, que de ces lois biologiques, il en tienne tous les autres droits d’agir comme l’animal qu’il est pour sa survie.
Alors toutes les règles mises en œuvre, depuis notre origine, que ce soit la loi de dieu, la loi du droit divin, la loi de la république etc. qui lui ont donné les moyens de se réaliser, soient dans sa nature biologique pour lui assurer son existence.
Il semblerait donc que les règles de gouvernance soient naturelles, les tabous et les totems.
Comment traduire dans ce cas cette évolution qui nous fait passer de l’animal aux comportements innés simples, à ceux d’aujourd’hui innés aussi, mais plus complexes. Serait-ce là la marque d’une voie civilisationnelle produite par l’imaginaire cérébral en constant réajustement auto réactionnel avec son environnement qui se modifie et qu’il modifie, ce que Théodore Monod appeler la marche vers l’hominisation
Nous comprenons dés lors toute la puissance du système éducatif et de l’école en particulier, et pourquoi Condorcet pensait qu’au travers d’elle l’on pouvait ouvrir l’esprit humain, comme l’on comprend que ne vouloir n’instruire les hommes que pour produire est fermer leur esprit humain.
Je pense que chacun comprend ceci, alors pourquoi dans le domaine économique, nous y trimbalons cette liberté imaginaire qui ferait abstraction de tout le produit cérébral que nous avons développé a ce jour, et pourquoi nous sommes sans cesse en train de réclamer la suppression de toutes les réglementations qui encadrent nos comportements commerciaux comme un frein au développement du libre commerce, et de réclamer que seul le marché doit dicter sa loi.
Je ne comprends pas pourquoi les mêmes ne réclament pas la suppression de l’école et de l’éducation familiale puisque cela empêche le développement naturel de l’homme primitif.
Ainsi contrairement à ce que certains affirment, le commerce ne se fait pas librement, mais tout individu commerce en fonction son histoire héréditaire, et de fait la relation commerciale se réalise sur les bases éducatives reçues, voire instinctives car chacun à une perception de l’iniquité d’un partage.
Pour autant ces bases éducatives ne sont pas intangibles, et les comportements des relations commerciales viendront se percuter avec, et le système éducatif, qui s’en verra affecté, laissera parfois les êtres dans un certain désarroi devant le constat du paradoxe que constitue leur apprentissage et le vécu.
Ils devront donc entrer dans l’école du discernement, sauf que celle-là l’on y entre que si l’on est curieux, si l’on s’interroge toujours, non pour douter, et dénier le confort de la certitude, mais pour ne pas rester l’esclave que l’on est devenu, et entrer dans le monde de l’incertitude qui est le seul espace libre à conquérir.
Alors quand je lis ou j’entends parler de « la liberté du commerce et de la loi du libre marché » putain que c’est long pour dire je veux être le maître.
Alors vers quoi nous renvoie, cette liberté du commerce et cette loi du marché qui ont la prétention de vouloir remplacer sous certains de leurs aspect les restes de la loi de dieu, à la loi de la république etc.
Elles nous renvoient vers un désir encadré, contenu par l’éducation sociétale qui est celui de vouloir être le dominant. Ainsi tous ceux qui perçoivent par une trop forte individuation ce désir s’attacheront sous toutes ses formes à sa réalisation, et ralentiront de ce fait, en renvoyant l’être civilisé vers l’être primitif, la marche de l’hominisation.
Ainsi chaque fois que nous rappelons les lois de la nature pour commercer, comme pour en exclure la justification en son sein des sources morales, nous faisons un pas vers le retour de l’être primitif. Or même chez l’être primitif, comme dans toutes les espèces il y a des règles de vie qui sont plus ou moins barbares, nous opérons donc un retour vers la « barbarie »
Force est donc de reconnaitre que nous avons donc le pouvoir politique qui a glissé ostensiblement vers l’entreprise et les institutions financières, par le jeu de ces sirènes libérales qui ne comportent aucune liberté, hormis celle de devoir en permanence générer par une individuation trop fortes des règles et des lois pour réguler les comportements primitifs qu’ils suscitent.
De plus au nom de leur imaginaire liberté qui génère des contrepoids ou des contre pouvoirs dont ils se plaignent, il faudrait que la représentation nationale qu’ils ont investie de leurs « hommes » et de leurs pensées, asservissent les autres citoyens à leur seule volonté et sous leur seule domination.
Contrairement à ce que nous pensons, plus une société se complexifie, plus elle a besoin d’instruction générale et sociale afin d’acquérir les moyens d’entrer dans le monde du discernement, duquel elle en retirera un contrôle interne qui lui évitera d’avoir recours au contrôle externe qui se fait par l’accroissement des lois et réglementations et du flicage qui en découle qui conduisent à toutes les formes de fascisme.
L’on ne peut tout à la fois renvoyer l’homme vers des comportements primitifs et attendre de lui le discernement nécessaire à la lecture du monde complexe, ce qui se fait avec l’aide du cerveau.
Où se situe donc cette liberté du commerce et du marché, là ou elle s’est toujours trouvée, et que j’ai rappelé en disant qu’être curieux, s’interroger, est ne pas rester l’esclave de ce que l’on est devenu, de sorte que les hommes qui commercent sauront innover pour trouver dans le marché les bases d’une relation d’utilité à être le meilleur pour les autres dont il retirera la considération qui flatte son ego, ce pas et celui qui conduit vers l’hominisation et réduit de fait l’appel à la loi pour veiller à ce que le commerce de l’un ne nuise pas au commerce de l’autre même quand c’est le meilleur qui l’emporte.
L’on comprend donc facilement que si l’on ne veut pas que le commerce et le marché soient contrôlés il faut que leurs acteurs assurent la sociabilité de leurs actes pour exercer leur contrôle interne, qu’ils disposent donc d’une éthique, d’une morale, d’une déontologie, émise par cette aptitude biologique qu’a notre espèce de développer par l’apprentissage des sociétés complexes.
Nous sommes exactement dans le processus inverse, le libéralisme capitalistique a désinhibé les comportements primitifs en transformant le citoyen en client, au point qu’il en a annihilé l’intelligence en conduisant celui-ci à fabriquer les conditions de son exploitation en tant que salarié, dont les plus mal lotis finissent par réclamer à l’état, où ils ont installé les hommes de la loi du marché que ceux-ci légifèrent pour le préserver du pouvoir de l‘entreprise et des financiers qui les exploitent, et de s’étonner de ne pas être entendu.
Alors je veux bien que l’on nous bassine avec la liberté du commerce et la loi du marché, sauf que quand je regarde le monde je ne trouve ni le commerce ni le marché, mais des hommes qui produisent et qui échangent, et qui ont dans cette activité, hiérarchisé leur comportement dans un rapport primitif de maitre à esclave, malgré leurs concepts édulcorés de termes libertaires.