La Martinique avance

par nemo3637
mardi 24 février 2009

Je tiens une chronique sur ce qui se passe ici en Martinique. Je ne prétends évidemment pas à l’impartialité car étant partie prenante dans le mouvement de grève générale.

Martinique, le 21 février

Le député-maire de Fort-de-France Serge LETCHIMY est revenu de Paris où il avait rencontré comme les autres représentants de l’Outre-mer, le Président SARKOZY. Et comme on pouvait s’y attendre il est revenu sur sa décision d’organiser le Carnaval de Fort-de-France. Malgré les avancées dans les négociations, les déclarations du Président Sarkozy, toute la population reste ici mobilisée, et solidaire de la Guadeloupe, depuis la grand-maman, en passant par les cadres, et les lolos (petits vendeurs de rue).
Le son de corne austère des lambis, le rythme des tambours bélés, les nouvelles chansons créées à la faveur de ces évènements, nous laissent dans une atmosphère étrange faite d’euphorie et de retenue.

La solidarité avec la Guadeloupe est sans cesse réaffirmée avec force.
Les rotations des tâches au sein de l’intersyndicale, et du Collectif, l’esprit de cohésion et dégalité, le besoin de démocratie directe, démontrent bien la force de mouvement sans chef. Michel MONROSE n’est qu’un porte-parole - remarquable - se référant sans cesse aux décisions du Collectif.

Le problème de la pollution

Pendant des années, les propriétaires terriens, la plupart békés, ont déversé sur les Antilles du chlordécone alors que celui-ci était depuis longtemps interdit en métropole. Ce scandale, que beaucoup connaissaient mais que personne n’entendait, a été remis sur la place publique voici peu par le professeur BELPOMME venant de métropole. 20% des terres agricoles sont ainsi polluées de façon quasi irrémédiable. Les cancers sont statistiquement plus importants dans les Antilles qu’en métropole ou en Europe. Et les explications d’ordre génétique ne tiennent pas. Il avère que c’est bien le chlordécone qui est à l’origine de cette augmentation. Un des fabricants de ce produit était Yves HAYOT, propriétaire d’une usine Monsanto au Brésil, qui en importait en masse en Martinique.


Aujourd’hui ce sont encore des produits contenant des pesticides mortifères qui sont déversés par avion, notamment par Monsieur DE RAYNAL, président du syndicat des producteurs de bananes. Ces pesticides polluent les eaux, notamment la zone côtière où le poisson est pêché en vue de la consommation. L’IFREMER effectue depuis très longtemps une enquête mais refuse de rendre public l’état de ses recherches prétextant qu’il lui faut parfaire ses études. Et on aura donc ces résultats…dans plusieurs années.

Ces trafics de produits chimiques ayant été couvert par l’Etat, inutile de dire que les populations lui demandent à présent des comptes, mettent en question la gestion de l’eau elle-même, sa qualité, et son prix. Car ce sont les mêmes grandes compagnies que celles de métropole qui nous vendent ici cette eau à un prix prohibitif.

Ces pratiques prouvent bien que les départements d’Outre-mer ne sont pas traités comme ceux de la métropole, mais qu’on en a toujours une vision colonialiste.

Solidarités

Sur les médias (suite)

La présentation de la venue de BESANCENOT, par les médias métropolitains comme agitateur cherchant à mettre de l’huile sur le feu, pour vouloir ensuite revenir « semer le désordre en métropole » est significative de leur grossière manipulation, héritière des vieilles pratiques coloniales.

J’avais déjà fait part de mon hostilité, née de l’expérience, à l’égard des médias de métropole, notamment de TF1. Et ce rejet je l’avais manifesté en personne à Jean PATRICE, l’animateur d’ATV, la succursale de TF1, ici en Martinique.

Le Collectif, après une manip grossière d’ATV,comme on pouvait s’y attendre, a décidé, dès les premiers jours de ne plus communiquer à l’ensemble de la presse que par voie de « point presse » - qui n’est en rien une conférence de presse. Ses membres ne communiquent pas avec la presse, ou tout du moins ils ne le font qu’à titre personnel, de façon très restreinte.

Dans les premiers jours on a vu débouler plein de types venant de métropole, filmant et interviewant à tour de bras. Que deviennent ces images ? Quelle montage en fait-on ? Quand on les interrogeait pour savoir pour qui ils travaillaient, ils répondaient tranquillement avec un brave sourire que c’était pour des productions indépendantes, « destiné à être revendu ». J’ai vu quelque un - un manifestant - demander des comptes à un de ces souriants mais arrogants cinéastes « indépendants ». Et un responsable syndical lui a demandé gentiment de déguerpir.

Il y a un comité « communication » au sein du Collectif et il vaut mieux passer par lui.
Sur le terrain, la Télévision Otonom Mawo filme, elle en toute liberté car on a confiance. Le soir elle anime des débats d’enfer sur le le petit kanal KMT, qui n’a jamais eu tant de téléspectateurs. Hommage à ces pionniers que sont LAOUCHEZ et à MARAJO, notamment.

Les produits en passe d’être périmés, qui sont stockés dans les supermarchés (fermés) ou dans des entrepôts vont enfin être distribués aux plus nécessiteux. Ce sont d’abord les étudiants qui vont en bénéficier. Une association de bénévoles s’est rapidement constitué pour collecter tout d’abord lesdits produits. Un petit patron, avec son camion réfrigéré, participe à ce ramassage.

Les étudiants, comme ailleurs et peut-être plus qu’ailleurs, sont ici très démunis, notamment les étrangers qui n’ont pas de famille sur place. J’en ai connu beaucoup qui n’avait pratiquement rien à manger.

Je suis heureux que certains aient eu cette idée que j’exprimais de façon véhémente depuis plusieurs jours.

La laiterie du François a du jeter 6000 litres de lait du fait des premiers jours de grève. Quel gachis ! Et on est bien obligé de traire les vaches régulièrement. Les responsables et les syndicalistes sur place ont donc lancé un appel pour que l’on vienne acheter le lait directement au François. Le prix a été baissé. Il est vendu 1 euro 50 le litre. Tout le stock a été ainsi vendu en quelques heures. L’appel a été renouvelé car la production est en continu.

Devant la Maison des syndicats les camions des petits producteurs permettent aux passants de se servir gratuitement en ti-nain, en mandarines, en prunes de cythère. J’en ai pris tout mon bakwa.


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