La nouvelle attaque effarante contre les notes

par Laurent Herblay
vendredi 18 septembre 2015

Ce n’est malheureusement pas une nouvelle idée, mais le gouvernement pourrait bien mener une nouvelle attaque contre le système de notation sur 20, pour essayer de le remplacer en partie par des notes sur 5 ! Une mauvaise idée tristement cohérente avec la réforme du collège.

 
Quand c’est flou, il y a un loup
 
Bien sûr, nous avons eu droit à toute la traditionnelle complainte sur la dureté des notes de 0 à 20, leur caractère stigmatisant pour les élèves les moins bien notés… Même s’il ne faut pas ignorer une éventuelle souffrance des enfants, il faut bien reconnaître que le grand relâchement de la notation depuis plus de 20 ans (illustré par la grande braderie du baccalauréat, où la proportion de mentions très bien a été multipliée par 10 en 25 ans, au point d’en trouver plus aujourd’hui qu’on ne trouvait de mentions bien il y 25 ans), ne semble pas avoir amélioré le bien être des élèves, et encore moins le niveau, qui semble évoluer en sens inverse de la dureté de la notation. Il est tout de même effarant de continuer à tenir un tel discours après un tel assouplissement des notes, qui n’a pourtant rien produit de bon.
 
En outre, on ne voit pas en quoi cette nouvelle échelle serait moins stigmatisante, au contraire même. Ceux qui seront en bas de l’échelle ne seront pas mieux parce qu’ils auront 1 ou 2 sur 5 plutôt que 7 ou 8 sur 20  ! Au contraire même, le manque de nuance d’une notation avec une échelle bien plus restreinte pourrait bien rendre les notes encore plus dures. Alors que des progrès ou des reculs minimes sont perceptibles avec une échelle sur 20, encourageant et alertant rapidement un élève, une notation sur 5 risque soit de camoufler les évolutions limitées ou alors de leur donner une importance bien supérieure à celle qu’elles ont en réalité. En fait, loin d’être moins traumatisante, en divisant par 4 la nuance, on rend le jugement encore plus tranchant. C’est comme si les élèves pouvaient seulement avoir 4, 8, 12, 16 ou 20.
 
Une société schizophrène
 
Mais outre le manque de mesure que représente une telle proposition, se pose également la question de la philosophie qui porte ces idées, ce pédagogisme totalement centré autour des élèves, ces êtres autour desquelles tout devrait être organisé, auxquels il faudrait toujours passer plus, à qui on laisse toujours faire davantage, tout en leur demandant toujours moins, que ce soit au niveau des programmes ou de la notation. Bien sûr, l’enfance doit être préservée, mais c’est aussi un moment d’apprentissage et finalement, en se comportant de la sorte, on renonce en partie à transmettre, à apprendre, et donc à guider pour le reste de leur vie des enfants dont un nombre grandissant pourrait finir par devenir de petits monstres comme on commence même à le craindre dans la Suède pédagogiste.
 
En outre, en voulant toujours être moins dur avec les enfants, ne risque-t-on pas de ne pas leur transmettre le goût de l’effort, du travail bien fait, outre le fait de ne pas leur apprendre qui ils sont et d’où ils viennent ? Pire, n’y-a-t-il pas quelque chose de profondément schyzophrène dans le grand écart de plus en plus grand entre une enfance où l’on demande toujours de moins en moins et une vie adulte, où, a contrario, la société demande toujours de plus en plus, de compétitivité, de flexibilité, d’acceptation d’une dégradation des droits sociaux, comme dans l’usine Smart du groupe Mercedes  ? D’ailleurs, pour un quart des jeunes, leur premier contact avec le monde adulte est le chômage. Un cuir fragile, toujours préservé de la moindre contrariété, n’est-il pas une forme de cruauté bien plus sournoise et dure ?
 

Alors que notre école échoue à transmettre les bases, il est absolument effarant que le gouvernement ne comprenne pas que la proposition d’une réforme du système de notation, outre le fait d’être totalement hors sujet, est sans doute une idée qui aggraverait la situation.

 


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