La nudité comme moyen de protestation

par FRIDA
samedi 19 novembre 2011

C'est une révolution dans le monde arabe. Assurément plus innovante et plus courageuse que tous les discours qui prennent des gants pour ne pas froisser les religieux et une société rigide et conservatrice, cependant très hypocrite. S'il s'avère que cet acte est bien le fait d'une jeune fille égyptienne et qu'elle vit en Égypte, j'ai bien peur qu'elle subisse le même sort que Salman Rushdie lors de la publication de son livre les versets sataniques. Ce n'est pas seulement une affaire de liberté individuelle, la liberté d'expression, la liberté religieuse. Non, c'est une affaire de sédition grave contre l'ordre morale que personne n'a osé remettre en cause sans risquer sa vie, une affaire de haute trahison. Que beaucoup de personnes bien sous tous rapports justifieront et pardonneront aux auteurs qui s'attaqueront à la personne de le jeune fille. Ne disent-ils que la femme est responsable pour ses provocations du comportement des hommes ? Une telle provocation en est la circonstance aggravante qui justifiera la circonstance atténuante en cas d'agression sur la personne de la jeune blogueuse.

Le corps de la femme est investi par l'imaginaire masculin de fantasmes surprenants et curieux. Le corps de la femme est un lieu de virilité. La virilité peut-elle avoir un sens sans le lien avec la femme. Le corps de la femme est un lieu où est inscrit l'honneur de l'homme, le sacré, la sainteté, la pudeur, la vertus tels qu'il se l'imagine. Ne pouvait-il pas utiliser son corps comme lieu de son imaginaire au lieu de s'approprier celui de la femme ?
 

C'est bien un acte de subversion, à elle tout seule a fait une marche des salopes dans le monde arabe, outre qu'elle est égyptienne, où l'on ressasse à longueur des films, des feuilletons et des médias que l'honneur d'une seule femme est aussi l'honneur de toute une nation, comme celle de la nation égyptienne qui a une haute opinion d'elle-même, ce croyant le phare pour le monde arabe entier. Ce qu'il faut comprendre c'est que la femme est dépositaire de l'honneur de l'homme et elle en est responsable et comptable. les islamistes et les défenseurs de l'ordre moral ne se priveront pas de dénoncer encore une énième provocation téléguidée par des mains étrangères et impies. Vous n'êtes pas sans savoir qu'en Tunisie une chasse aux mères célibataires est ouverte par la porte parole du parti d'Ennahdha (celui-là même qui comporte des membres souhaitant le retour du khalifat) les qualifiant d'infamie pour la société tunisienne.

Comment réagiront-ils face à ce nu ? Jamais, un artiste, un cinéaste, un écrivain égyptien ne s'était autorisé à mettre en valeur la nudité de la femme, sa liberté entière et totale. Afin de sauvegarder de prétendus sentiments prudes de la société, les ciseaux de la censure et l'auto-censure agissent sans ménagement. Des séquences ont été coupées pour ne pas heurté les bonnes mœurs, alors qu'il ne s'agit que de scènes bien moins scandaleuses que ce que l'on peut voir ailleurs dans d'autres contrés.

Il faut noter que l'Égypte est beaucoup plus rigide que les pays du Maghreb. Ceci a fait la réputation de ces derniers comme des gens sans moralité et sans foi. Leurs femmes traitées de prostituées et de débauchées. Ce préjugé est également bien partagé par les pays du Golf. Les hommes s'estiment en droit d'abuser d'une femme marocaine parce qu'elle est présumée femme facile, une chose publique.

Cela se remarque également dans le traitement de la religion par le cinéma arabe. Les Maghrébins sont beaucoup plus critiques sur la condition de la femme et sur l'utilisation de la religion comme drogue pour faire accepter une société de classes, individualiste, injuste et clientéliste. Un film a été écarté d'un festival uniquement parce qu'il fait un traitement estimé non conforme à l'image que se pense l'homme égyptien de lui-même. De même, pour signifier le déshonneur, d'après l'interprétation qu'on fait certains, rien de mieux qu'une marocaine déflorée par un égyptien.

 

Peu d'intellectuels s'alarment de l'ampleur du phénomène du voile dans le monde arabe. A un moment de son histoire, la femme arabe a pu s'émanciper et s'affranchir du carcan du voile. Les archives du cinéma, des photos et des reportages où apparaissent des femmes du temps jadis sont très éloquents et épargnent de longs discours. Par exemple les fêtes d'Oum Kalthoum où il n'y a pratiquement pas de trace de femme voilée. On aurait cru à un filtrage à l'entrée de la salle des fêtes. Alors qu'aujourd'hui, la majorité des femmes sont voilées. Un décolleté ou une robe légère sont un symbole d'appel au viole ou à la lapidation. Le plus désolant dans cette mode vestimentaire du voile, les islamistes n'ont contents d'imposer le voile, ils souhaitent en outre réglementer sa coupe et la couleur de tissu. La couleur noire ou grise sont préférables, et éviter toute fantaisie dans le port de la tunique. Cela en devient un quasi uniforme imposé aux femmes. L'uniformité du port d'un vêtement en lieu et place de traditions vestimentaires ne surprend pas ceux qui ont l'indignation rapide chaque fois qu'ils suspectent une atteinte à leur tradition et leur culture.

Les spécificités culturelles sont ainsi gommés non au nom de la modernité et de la liberté, mais au profit d'un dogme irrationnel. Par exemple, la femme marocaine a dû adapter ses vêtements pour retrouver une liberté de mouvement, et elle a su jouer avec ses costumes pour reprendre une liberté de mouvement, pour révéler un peu de son corps, attitude qui signe le refus obstiné de s'enfermer dans un bout de tissu alors qu'il doit être d'abord un moyen de séduction et de bien être. Elle a usé des ouvertures sur les côtés, par devant, des manches courtes ou sans manches, avec ou sans capuches, elle a fait évoluer ses vêtements traditionnels andalo-turque notamment en rapport avec la modernité. La femme marocaine, de toutes conditions, de toutes les régions, a pu atténuer la lourdeur du voile dés qu'elle le pouvait.

J'espère que cette initiative ne restera pas sans lendemain. J'espère également que cette jeune fille courageuse ne payera pas de sa vie un acte de défi comme ne sait le faire que la jeunesse emportée par sa fougue, quand elle se révolte parce qu'elle est blessée dans l'estime de soi.
 

 

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