La « pédophilie des prêtres catholiques »
par jidejeandominique
lundi 15 mars 2010
Après les Etats-Unis, puis l’Australie et l’Irlande, les médias ont porté leur attention sur ce qu’ils appellent la « pédophilie » des prêtres catholiques en Europe continentale. Une dénonciation plus qu’une analyse, dont on regrette le caractère partisan et peu rigoureux.
Tout d’abord, de quoi parle-t-on ? Non pas de « pédophilie » stricto sensu (voir les dictionnaires), c’est-à-dire une attirance sensuelle vers des enfants prépubères, mais le plus souvent de pédérastie, c’est-à-dire d’une attirance ressentie par des hommes vers des garçons pubères. Dans le cas des affaires révélées aux Etats-Unis dans les années 1990, diverses études ont montré que c’est cette situation de « pédérastie » qui prévalait à 80% dans les centaines d’affaires recensées. Ce qui nous savons des situations européennes nous confirment dans cette analyse.
Pourquoi donc, systématiquement et à tort, les médias parlent-ils à l’unisson de « prêtres pédophiles », et non pas de « prêtres pédérastes », ou tout simplement d’ « abus sexuels » ou de « violences sexuelles » contre des mineurs ? Parce que, bien entendu, ces médias ont une parfaite connaissance du sens des mots ; ils utilisent donc sciemment ce terme de « pédophilie » , chargé d’émotions , pour vendre leur prose écrite ou leurs commentaires audio-visuels. Dans le combat que se livrent les différents médias, il faut bien reconnaître que la « pédophilie » fait vendre, et c’est là toute l’ambigüité de ce phénomène de société, sur lequel je préfère ne pas m’étendre.
Ainsi donc, une nouvelle vague de « pédophilie des prêtres » aurait envahi l’Europe ! Pourquoi pas ? Je suis un scientifique et toute information importante m’interpelle. Mais elle m’oblige aussi à me poser des questions, afin que je me fasse ma propre opinion. Or, qu’est-ce que je constate depuis quelques jours dans cette nouvelle affaire ?
- Il s’agit pour la plupart de faits vieux de plusieurs décennies, le plus souvent produits entre 1960 et 1980. Parfait. Quelle était la situation à cette époque, sur le plan des mœurs ? (Je m’en souviens très bien, parce que j’avais une vingtaine d’années). Pour ne prendre que quelques clichés, les revues pornos mettant en jeu des enfants étaient en vente libre aux Etats-Unis et dans divers Etats européens, Cohn-Bendit se permettait quelques familiarités avec ses jeunes élèves, les célèbres et très huppées « Public Schools » anglaises fonctionnaient sous le régime du fagging, institution pédérastique communément admise chez les élites, Serge Gainsbourg pouvait faire chanter à sa fille « Les sucettes à la menthe », dont tout le monde appréciait le double sens (sauf elle peut-être), David Hamilton était la coqueluche des mamans de très jeunes filles peu regardantes sur les poses que leur faisait prendre le célèbre peintre au camp naturiste du Cap d’Agde, les chantres des amours interdites qu’étaient Gabriel Matzneff, Guy Hocquenghem et Tony Duvert étaient régulièrement invités par les médias, le quotidien Libération faisait la promotion de la pédophilie, etc. Je pourrais poursuivre indéfiniment.
- La question qui se pose, celle que DOIT se poser un historien, mais qui demande peut-être un effort surhumain à un journaliste est la suivante : peut-on juger avec les yeux d’aujourd’hui des faits qui se sont produits dans le passé ? La réponse est évidemment non, mais je conçois qu’il faille la nuancer. Faute de temps, je ne l’argumenterai pas.
- Venons-en maintenant la l’Eglise catholique. Pourquoi un tel acharnement contre elle aujourd’hui ? Je n’évoquerai pas de théorie du complot ou toute autre suspicion jetée contre les journalistes. Je constate seulement que c’est systématiquement contre elle que les dénonciations et les anathèmes sont prononcés. Y a-t-il une bonne raison à cela ? Je veux dire, pour être clair : y aurait-il eu plus d’ « affaires de pédophilies » au sein de l’Eglise catholique que dans n’importe quelle autre institution ? La réponse doit être nuancée. En effet, un observateur impartial des phénomènes de société doit s’attacher à pratiquer une sociologie qui repose sur des données scientifiques, pour la plupart sous formes d’enquêtes, plus encore que de témoignages.
- Or, dans le domaine qui nous intéresse, absolument rien ne nous permet d’affirmer que les « abus sexuels sur des mineurs » ont été et sont plus fréquents au sens des écoles catholiques que dans les madrassas musulmanes, les écoles de moines tibétaines ou les collèges laïcs, dans les chorales et dans le scoutisme catholiques que dans les clubs de sport laïcs ou les centres de détention pour adolescents, etc. Qui peut faire état d’une étude sérieuse, incontestable dans ce domaine ? Personne.
- Pourtant, il existe quelques enquêtes, toutes anglo-saxonnes et diligentées pour la plupart par des associations de victimes, qui montrent que le milieu des écoles et des paroisses catholiques, en matière d’ « abus sexuels sur mineurs » est moins criminogène que la plupart des autres milieux en contact avec des jeunes. Le 11 mars 2010, le très sérieux quotidien anglais The Guardian concluait un article consacré à ce thème (« Catholic Child Abuse in Proportion ») par la phrase suivante : « Je pense qu’objectivement votre enfant court moins de risques de se faire abuser par un prêtre anglican ou catholique en Occident aujourd’hui que par les membres de n’importe quelle autre profession ».
Je ne tire aucune conclusion définitive de cette affirmation, mais je ne peux me résoudre à me fonder sur des anathèmes et des invectives. L’Eglise catholique a ses défauts, et je ne suis pas là pour prendre sa défense. Elle est la plus hiérarchisée et la moins secrète des grandes religions, d’où sa vulnérabilité. Elle est surtout bonne fille, en ce sens qu’elle accepte les coups. Imaginons comment aurait réagi le monde musulman si on l’avait accusé du dixième seulement des maux qu’on impute aujourd’hui, sur ce thème, à l’Eglise catholique ?