La redistribution équitable des richesses planétaires entravée par la diversité socio-culturelle

par Chirita-Bobic Nicolae
samedi 12 décembre 2015

Entité complexe, l’être humain est tout à la fois paradoxal, ambivalent et contradictoire. Il aimerait être libre dans ses actions, souverain de sa culture et de ses dispositions sociales, mais en même temps bénéficier d’un partage équitable des richesses. Ce qui pose parfois problèmes.

 

Le constat

On dit souvent qu'on naisse à gauche et on finit à droite. Manifestement ce n'est pas faux. La différence entre les deux positions est produite par la trajectoire. Au niveau microsocial, c’est-à-dire individuel, on parle en termes d'évolution socio-professionnelle, donc implicitement matérielle. Au niveau macrosocial on parle en termes de construction socio-historique, donc implicitement du patrimoine matériel et immatériel. Néanmoins, dans tous les deux cas on parle en termes d'acquis, qu'ils soient d'ordre social, matériel, scientifique ou culturel.

En effet, au niveau micro, et notamment dans les sociétés occidentales, la quantité et la qualité des acquis se traduisent par le changement des convictions qui s’opère au long de la trajectoire. Changement qui dans la vie réelle est d’ailleurs récurrent. On estime qu'environ 75% de gens qui votent à droite et qui défendent les idées de droite, étaient de gauche dans leurs jeunesse. Il s’agit soit des cadres qui ont connu une évolution socio-professionnelle, et on parle en termes d'opportunisme, soit des ouvriers qui ont connu une stabilité matérielle, et on parle en termes de populisme. Évidemment, les deux catégories s’attellent à leur position et défendent leurs acquis.

Pour leur part, les 25% qui restent toujours à gauche après la trajectoire personnelle se partagent généralement en trois catégories : d'abord ceux qui ont vraiment des convictions idéologique en la matière, ensuite les opportunistes politiques, et enfin ceux qui n'ont pas connu de véritables changements socio-professionnels et matériels pendant leur trajectoire individuelle. Il revient à dire que ceux qui restent à gauche sont les plus démunis sur le plan social et matériel. Ils sont rejoints ensuite par les jeunes qui commence leurs trajectoire et qui remplacent graduellement ceux qui basculent à droite. Ce qui fait qu’en général le nombre de ceux qui votent à gauche est constant et significatif. Néanmoins, même si les opportunistes où les idéalistes possèdent une partie du capital matériel et financier, le gros, environ 75% du capital d'un pays donné est détenu par les hommes de droite.

Evidemment, dans un système socio-démocratique, où la liberté d'expression à travers le suffrage universel est respectée, il y arrive souvent que la gauche remporte les élections. Cependant, ce succès qui repose sur le poids du nombre, ne se traduit pas par une meilleure redistribution des richesses, car ceux qui sont à droite s’opposent. Rappelons à ce propos, que ceux qui bascule graduellement à droite le font surtout parce qu’ils enregistrent progressivement des acquis sociaux et matériaux. Dès lors, afin de préserver ces acquis, et sachant qu’ils pèsent au gré de ces acquis dans la hiérarchie sociale, ils s’opposent à une meilleure redistribution de richesses. Ici c'est la trajectoire individuelle qui bloque la redistribution des richesses, mais cette attitude est déterminée par le système.

Pour mieux éclaircir ce raisonnement, il convient de préciser que dans le contexte actuel de mondialisation et de compétition internationale entre pays, organisations, entreprises, voire institutions, la pression mise sur l’individu est considérable. Sachant que la compétitivité sur le marché de l’emploi est abordée actuellement en termes de niveau de qualification, de mobilité géographique, de disponibilité, il est clair que plus on est qualifié, plus on est attractif sur le marché du travail, et implicitement, plus il y a des chances pour trouver un emploi.

Par conséquent, le temps de loisir est sacrifié au profit de la formation professionnelle. Le temps accordé à la famille est également diminué. De même, une grande quantité de moyens, sont consacrés à la formation et à l’instruction individuelle, afin de devenir plus compétitif sur le marché du travail. De plus, sachant que le corps est devenu désormais un capital social, qui détermine le positionnement et l’accession sociale, une attention particulière est accordée à la présentation de soi, à son corps et de son apparence vestimentaire. Or, tous ces efforts impliquent de front, sacrifices, souffrances, frustration. Dès lors, une fois obtenue la position socio-professionnelle et matérielle souhaitée, l’individu devient rigide, ferme, voire égoïste, et prêt à tout pour défendre ses acquis.

Au niveau macro, si on regarde à l'échelle planétaire, malgré les principes démocratiques qui régissent la communauté internationale, et malgré les efforts consentis par les organisations humanistes ou à vocation égalitariste, la redistribution de richesse ne se produit pas. Tout simplement, parce que chaque pays, et chaque nation, considère que leurs richesses, matérielles et immatérielles les appartiennent, étant le fruit de leur construction socio-historique. Or, une redistribution de richesse planétaires implique une mise à l’écart de la dimension socio-historique, c’est-à-dire ignorer la construction et l’évolution d’une société donnée, en lui ôtant tous les acquis socio-économiques.

Ce qui fait que dans la rude réalité de nos jours, aucun pays n’accepte une régulation de ce genre, comme de même aucune Institution internationale n’oserait le tenter. Certes, chaque société tend à s’aligner en termes de richesses avec les sociétés plus développées, de même que chaque catégorie sociale tend à s’aligner aux catégories les plus aisées. Mais il est tout aussi certes que dans la réalité aucune n’accepte de renoncer à ces acquis et à ces atouts. Dès lors, aucune Institution internationale n’a ni le courage, ni la puissance, ni les moyens d’harmoniser les pays en termes de richesses.

 

L’état de lieu

Il convient de préciser en fond, que la régulation des richesses planétaire, c’est-à-dire leur redistribution équitable entre nations, est entravée par la diversité culturelle. Rappelons à ce propos qu’à l’encontre de ce qu’on aurait pu croire dans les années 1960, de nos jours on constate un repli accru de chaque société sur son système de valeurs et sur ses fondements culturels, considérés des acquis inaliénables. C’est-à-dire qu’à la mondialisation économique s’oppose une frappante division culturelle.

Cependant, c’est justement cette diversité culturelle qui entrave une éventuelle harmonisation en matière des richesses à l’échelle planétaire. Car l’harmonisation des richesses signifierait que chaque pays doit mettre ses ressources à la disposition de la communauté internationale pour que cette dernière opère une redistribution équitable. Or, les rivalités entre les diverses nations émanant de cette diversité culturelle rendent pour l’heure la régulation en question impossible. L’être humain est donc contradictoire, car il souhaite un partage de richesses, mais au nom de sa culture et de ses dispositions sociales, il entrave tout consensus relatif à ce partage.

Il convient de préciser en outre, que la concentration d’une grande partie des richesses planétaires dans les pays occidentaux, relève sur la forme peut-être d’un pillage, mais sur le fond elle relève d’une construction socio-historique. Dans un premier temps, dès le 18ème siècle les technologies occidentales introduites sur le marché ont attiré les métaux précieux dont disposaient les puissances méditerranéennes vers le nord, consolidant les Banques occidentales. Puis, dès le 19ème siècle les occidentaux ont exporté l’industrialisation comme modèle de production économique, endettant davantage encore les pays du sud. Enfin, après la deuxième Guerre mondiale la technologie occidentale finit par s’imposer à nouveau comme moyen de production dominant. Évidemment, l’ensemble de ces étapes ont permis aux occidentaux de prendre possession d’une grande partie des Marchés internationaux, et des réseaux qu’ils impliquent, mais aussi d’attirer à nouveau les capitaux financiers vers l’Occident.

Visiblement, la répartition inégale des richesses planétaires ne relève pas d’une volonté individuelle, ou du capitaliste comme on l’entend souvent, mais d'un système complexe, qui à son tour fait l’objet d’une construction socio-historique. Or, le paradoxe est que ce système est entretenu et réconforté simultanément par les pays riches et par les pays pauvres.

On observe de nos jours par exemple que le système est fortement nourri par les pays émergents, notamment Chine, Inde, Indonésie et Brésil, et ce principalement par deux méthodes. Soit par l’investissement direct à l’étranger, soit par l’investissement indirect en achetant les produits occidentaux. En effet, on constate notamment à travers les classes supérieures des pays du sud une tendance manifeste à consommer les produits occidentaux, particulièrement ceux de haute gamme. Or, tout cela ne fait qu’entretenir le système dit capitaliste.

Pire encore, se sont parfois même les classes basses qui soutient le système à travers la consommation. La tentation, ainsi que la volonté de se distinguer en consommant des produits occidentaux, fait glisser toute la population mondiale dans le jeu. Implicitement, l’ensemble nourrit et réconforte le capitaliste. Il revient à dire que le capitalisme repose sur les faiblesses inhérentes à la nature humaine.

Notons à ce titre, que les produits occidentaux, que ce soit les technologies, l’électroménagère, ou ceux de la consumation primaire, attirent non plus seulement les capitaux financiers mais aussi le capitaux fonciers. C’est un mécanisme assez simple. La consommation de type occidental, et respectivement les produits occidentaux, devenant une référence, attirent dans un premier temps les réserves financières des populations du sud. Puis, en défaut de réserves financières ils sont exportés en contrepartie des ressources naturelles disponibles. Après, il y arrive souvent que certains populations s’endettent pour avoir l’accès à cette consommation. Enfin, sous la pression politique, mais aussi du fait de la corruption, voire du trafic d’influence, certains concèdent leur patrimoine foncier. Evidemment, ce qui fait que les riches s’enrichissent davantage, tandis que les démunis s’appauvrissent davantage.

De plus, et malheureusement, les pressions faites par les partis de gauche sur les acteurs économiques via les responsables politiques n’ont qu’un effet régional, généralement dans les pays démocratiques où les partis de gauches et écologistes ont un certain poids. Cependant, il y a de pays riches et moins démocratiques. Dans la plupart de ces pays, à la fois au niveau individuel et étatique les préoccupations sont davantage attelées à la production économique et aux profits financiers, tandis que les inégalités sociales sont largement tolérées. Dès lors, les pressions faites sur les acteurs économiques là où elles sont possibles n’encombreraient pas le fonctionnement du système dit capitaliste, car il trouverait toujours d’actionnaires ailleurs. De plus, étendre ce type de pressions à l’échelle planétaire semble un chantier immense étant donné la complexité d’opérations à mener.

Il revient à dire que le système capitaliste est tout à la fois pesant, omniprésent, et non-indentifiable. En tant que personne physique l’actionnaire de hier n’est peut-être plus l’actionnaire d’aujourd’hui. Pareillement, les millionnaires de l’année 1960 ne sont peut-être plus les millionnaires d’aujourd’hui. Mais le système est toujours nourri par des riches actionnaires, et par de riches consommateurs. Dès lors les inégalités persistent.

 

Conclusion

Manifestement, la redistribution équitable des richesses à travers le monde, n’est pas entravée par le Capitaliste comme l’affirment les adeptes de gauche. Ni par l’Occident, comme le croient une grande partie des populations du sud. Mais tout simplement par le système, qui est soutenu simultanément par tous les pays du monde au nom de leur spécificité socio-culturelle, considérée comme un acquis au même titre que la propriété privée.

De plus, on constate avec étonnamment, que c’est justement un de principes fondamentaux de la démocratie, en l’occurrence le respect de la diversité culturelle, qui bloque cet éventuel partage des richesses. Car au nom de souveraineté des nations, chaque pays garde le monopole sur son système éducationnel, ce qui accroît l’importance de la culture nationale, et implicitement le repli sur les fondements culturels. Dès lors, et notamment dans le contexte actuel de raréfaction de ressources, l’hétérogénéité culturelle nourrit les rivalités entre nations, et implicitement les stratégies antagonistes, rendant inconcevable tout consensus sur le sujet.

En outre, le repli sur les fondements culturels favorise encore le modèle dit capitaliste, car les actionnaires s’appuient sur ces rivalités locales pour imposer leurs stratégies, ainsi que les prix et les revenus qu’ils souhaitent. Donc, à l’encontre de tout savoir de sens commun, la diversité culturelle nourrit et réconforte le capitalisme.

En somme, on constate que les spécificités culturelles et sociétales, ainsi que les rivalités qu’elles déclenchent, renforcent les stratégies étatiques et les intérêts individuels, rendant impossible un véritable consensus sur la répartition des richesses planétaires. Il revient à dire plus précisément, que la diversité socio-culturelle entrave la redistribution équitable des richesses.


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