La Révolution n’a pas commencé hier. #1 Billet espoir.
par Bertrand Colin
jeudi 26 mai 2011
Comme à Puerta Del Sol, le slogan "Democracia Real Ya !" débarque en France et à Lyon. L'appel, la revendication sont hautement légitimes. Premiers contacts hier soir. Premier volet d'un commentaire : Espace public et apprentissage de l'altérité. Le second volet sera politique.
Avant-hier soir, C dans l’air. Les poncifs de Dominique Reynié, le politologue de droite, qui soutenait le gouvernement dans ses entreprises notamment la retraite. Et là, libéral qu’il est il en montrait sa plus belle facette : une empathie pour l’expression du peuple qui dénonce la corruption d’Etat. Tant pis s’il dénonce plutôt le chômage, les méfaits d’une mondialisation débridée, un socialisme d’accompagnement dont les ires libérales de la social-démocratie sont plus fortes que l’ancrage populaire suranné dans leur matrice politique.
Et en même temps, l’article de Libé du jour : immersion à Puerta Del Sol. Il décrit une organisation sociale avancée. Un camp organisé, des personnes fonctionnalisées : un cuistot là, une police de la tranquillité ici. La division sociale du travail à déjà commencé. La constitution bientôt avortée d’une nouvelle institution politique se met en place. Une photo, un homme qui dort comme il le peut à côté du stand préparation de pancarte. Un masque sur la tête qui rappelle le rêve de la nuit de Guy Fawkes, la Conspiration des poudres. On aurait pu avoir un portrait de Babeuf. Chaque époque a ses idoles.
Et puis je décide de ne pas rester à côté de l’Histoire. D’aller à Bellcour, de voir et d’échanger. Je ne prends pas ma tante, un acte manqué. Je ne prends pas à manger pour partager, rien dans le frigo, contrainte subie.
En arrivant sur place, je reste à distance, on partage une cigarette avec Charlie* mais pas seulement. Je lui demande comment ça se passe. Elle me dit qu’ils s’organisent. Débat sur l’identité du mouvement, acte de naissance et d’existence. Débat sur l’organisation matérielle, la survie du poupin populaire. Débat sur le lien avec les organisations syndicales politiques, on y revient dans le #2.
Charlie est transsexuelle. Une jeune femme dans l’esprit et dans le corps en devenir. Curieux, de ça comme d’ailleurs, j’aspire aux réponses et engage quelques questions. Si vous y voyez du voyeurisme passez le paragraphe. Pourquoi ? Je me suis toujours senti femme, depuis l’âge de quatre ans. Et la transformation ? Compliquée. Le Gretis, doit évalué si l’Homme est victime de troubles psychiques. C’est lui qui octroie le droit, la possibilité de la transformation physique et de l’accompagnement médical, la prise d’hormones avant l’opération. Charlie n’a pas cette autorisation. Elle a des difficultés pour trouver un travail, du secrétariat. Ses non-employeurs de lui demander de bien vouloir venir en homme. Charlie est une femme. Une femme qui s’habille en jean’s et en cuir. Comme moi à une époque, comme vous probablement. Mais ça ne suffit pas. Le différent déstabilise. Merci de bien vouloir respecter la norme, passez votre chemin. On parlera aussi sexualité. Le plaisir de jouir avec le corps d’un homme quand on est une femme. L’échange est intime, il n’est pas sociétal. Je le garde pour nous. Les voyeurs peuvent arrêter de lire. Et puis cette interrogation, cette stupeur, je la retrouve juste après. Deux jeunes, d’origine étrangère, algérienne et tunisienne. Ils viennent de Vaulx-en-Velin.
Discours ordinaires marqueurs de sens social : On peut rester nous ? Oui les Français d’origine étrangère sont invités légitimes à la mobilisation populaire. Mais y a pas d’arabes ici ? Si, deux, vous. Appelez-en d’autres et il y aura plus de monde. Peu importe qu’ils soient arabes ou de bonne famille. Comme moi-même un fils-à-papa. Blond mi-long, jean’s et Bateaux aux pieds. Ça loupe pas. Mon père fut un ouvrier exploité et maintenant cassé. Et, en plus, je m’appelle Bertrand, je fais Science Po. Le Job – s’il n’y a que ça qui comptait – c’est les doigts dans le nez pour moi et pour eux dans le cul. C’est sans compter que je cherche un stage depuis 6 mois.
Les remarques sont diverses encore et révèle la confrontation de plusieurs mondes sociaux aux barrières plus subtiles qu’il n’y paraitrait. Les deux sont des dragueurs, plus que ça. Une femme passe, étudiante Yéménite. L’un des deux veut lui parler, la draguer. Distanciation, évitement et contournement poli en réponse. La culture étudiante est plus forte que l’attraction culturelle. En parlant de Charlie, les deux sont gênés. Sérieux ça existe ? Je me suis permis une leçon, un échange. Je lui ai dit que chez des gens que j’ai connu et que je n’oublie pas, il arrive que l’on parle des français d’origine étrangère en en disant ça. Ils avaient déjà compris mais j’insiste. Je montre ça, une voiture, je montre ça, une barrière. On se sert la main, excuse-moi. Oui t’as raison. Parce que c’est ça l’espace public. L’échange, la socialisation et l’apprentissage de l’altérité. Parce que la différence étonne toujours, même celles et ceux victime de stigmatisation. Puis je vais vous dire, Charlie, je la trouvais plutôt jolie.
Politique après. Oh, on y était déjà, mais parlons ici mouvement, combat et revendications. Je croise un ami, doctorant d’une grande école d’Etat. Là aussi on ôtera de l’esprit des lointains que les mouvement populaires ne sont pas que des ramassis d’exclus. Et même-eux, même-nous, on a des choses à dire. L’un des mes deux protagonistes de me dire que son père à travailler dans une fonderie. Qu’il gagne 400 et qu’il est malade. Ce n’est pas transcendantal comme réflexion. Mais c’est vrai et c’est fréquent. Le dire, sur la place Bellecour, est légitime. Ailleurs surement aussi. D’une autre manière surement aussi. On développe dans la seconde partie.