Laïcité, un débat nécessaire et probablement salutaire

par Youssef Jebri
mardi 5 avril 2011

Français d’origine marocaine et de culture arabo-musulmane, j’estime, cela peut surprendre quelques-uns, que le débat sur la laïcité est nécessaire. Bien plus, sa tenue pourrait s’avérer salutaire pour l’ensemble de la société. Toutefois, je sais que ce débat est, pour ainsi dire, mal né, probablement à cause de sa formulation alambiquée et les desseins inavoués des porteurs de ce projet, à savoir la direction politique de l’UMP, le parti, rappelons-le, du président de la république.

Il est évident que certains responsables politiques cherchent à démontrer que l’islam est incompatible avec la laïcité et partant, avec la société française et les valeurs de la république. Ils se trompent – volontairement ? – et surtout induisent en erreur nombre de citoyens et d’électeurs. Jouant sur les peurs, usant d’amalgames et de raccourcis faciles, ils revisitent le principe fondamental de la laïcité : celui qui place toutes les croyances sur un même pied d’égalité.
 
À vrai dire, il ne s’agit pas tant de savoir si l’islam est compatible ou non avec la laïcité et les valeurs de la république, mais plutôt est-ce que la société française, que d’aucuns considèrent de culture et de tradition chrétiennes, accepte le multiculturalisme ? Pour sa part l’islam moderne, tout au moins tel que je le conçois, a un besoin vital de laïcité.
 
Depuis mon installation en France, à la fin des années 1990, j’ai le sentiment que mon pays d’adoption, à l’instar des autres États européens, s’inquiète de la « visibilité » des musulmans. Partout en Europe, des partis politiques d’extrême droite, ayant en commun d’être ouvertement islamophobes et de rejeter le multiculturalisme, progressent d’élections en élections. Au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Suède, en Italie et ailleurs sur le vieux continent, les musulmans – nationaux ou immigrés – subissent l’ostracisme. Qui pourrait oublier que la Suisse interdit désormais la construction sur son territoire de nouvelles mosquées dotées d’un minaret ?
 
En France, les Le Pen, le père et la fille, ne sont pas les seuls à estimer que les Arabes – tous forcément musulmans à leurs yeux – sont la cause des maux du pays. Bien qu’il fût condamné pour propos racistes (envers un Français d’origine maghrébine, un Arabe donc), un ministre de la république demeura en fonction jusqu’à ce que le chef de l’État ne décidasse de remanier le gouvernement et ne prît le dit ministre comme conseiller ! Au bon vouloir du président ; celui-là même qui affirme que la laïcité « n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes » ! 
 
La laïcité et les valeurs de la république ne sont-elles pas davantage mises en danger par ceux, qui, hier, par calculs politiques, lièrent, pour mieux les opposer au sein d’un ministère – certes éphémère –, l’immigration et l’identité nationale ? Après avoir également glorifié le passé colonial et sa mission civilisatrice (toujours chrétienne), aujourd’hui, guidés par la même stratégie électorale – récupérer les voix du Front national – ils présentent l’islam comme une menace pour la France et s’érigent en seuls défenseurs légitimes de la laïcité. Cependant, ils insistent sur l’appartenance du pays à la chrétienté. D’où proviennent les menaces réelles contre les valeurs de la république ?
 
Alors oui, je tiens fermement à débattre de la laïcité pour la défendre ; car grâce à elle, aucune foi n’est supérieure à une autre, l’athéisme y compris, et tous les citoyens sont égaux quelles que soient leurs croyances, même ceux qui ne croient en rien. Cette laïcité là, j’y tiens parce qu’elle m’a donné, très tôt dans mon existence, l’envie et, a formé en moi le doux rêve de devenir un jour un citoyen de la république française.
 
 
© Youssef Jebri, avril 2011.

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