Le bac coule à pic

par C’est Nabum
lundi 20 juillet 2020

À pieds secs

On se souviendra pour de multiples raisons de ce printemps 2020 de tous les records, de tous les excès, de toutes les folies et menteries. Que retiendra l’histoire ? La question mériterait d’être confiée aux candidats de baccalauréat si l’espèce existe encore dans les prochaines années. On peut légitimement en douter après la farce qui vient de se dérouler sous nos yeux, dans un contexte guignolesque qui fait que plus rien ne provoque vraiment l’indignation.

Le virus chinois aura eu raison de cette merveilleuse institution qui, il est vrai, était devenue peau de chagrin sur papier vélin au fil des réformes et de la réduction des attentes. Mais que diable, c’était le dernier rituel de passage que cette société offrait encore à des adolescents en mal de repères.

Pour le coup, la bande au pouvoir a tapé fort sans craindre le ridicule en atteignant le taux record de 96 % de bacheliers. Heureusement, le ridicule ne tue pas même s’il laissera une vilaine ombre portée sur la validité de ce diplôme de pacotille. Pire encore, la farce met en exergue les exclus du gâteau, ces maudits quatre pour cent restant qui devront porter la honte de l’échec, l'infamie de l’ignorance crasse et les soupçons du plus total « j’men foutisme » qui soit. Ceux-là ne feront jamais rien dans leur existence s’ils n’ont pas réussi à décrocher cette mirifique timbale 2020.

Passer le gué à pied sec, ne pas avoir vécu la grande épreuve dont les adultes n’ont eu de cesse durant de nombreuses années de leur rebattre les oreilles, doit laisser des traces. Il y a là une forme d’ablation, d’amputation de ce qui donnait à tort ou à raison le sel même des années lycées. Il n’est pas question de donner des conseils, de prétendre qu’il y avait moyen de faire autrement, tel n’est pas l’objet de cette chronique. Il s’agit simplement de prendre conscience de ce que signifie cette pantomime dont le taux de réussite à lui seul exprime l’absurdité.

Quelles intentions se cachent derrière ce coup bas à ce noble et précieux examen ? L’envie bien sûr de faire des économies pour une épreuve qui au fil des années s’est dissoute dans ce terrible Taux de réussite. Fixer une norme, un but à atteindre c’était implicitement renoncer aux contenus, aux attentes pour entrer dans une logique de résultat en dehors de toute référence cognitive. Faire semblant, donner l’illusion d’un niveau pour inciter les jeunes gens à croire qu’un avenir étudiant leur sera proposé, pour repousser encore et encore l’entrée dans la vie active. C’était par la même occasion l’obligation de créer des ersatz de filières qui n’avaient d’autres motivations que de donner un diplôme à ceux qui ne pouvaient atteindre les exigences élémentaires que se fixait jadis l’école communale : Lire, écrire, compter, parler, penser.

Le bac était devenu un joyeux patchwork d’une infinité de spécialités dont certaines, atteignaient des sommets tandis que beaucoup d’autres flirtaient avec les abysses. Le niveau réel importe peu pourvu qu’on puisse donner l’ivresse d’un parchemin dénué de sens. Cette fois, tout est consommé, le bac est mort ; notable victime collatérale de cette crise qui au final ne sera pas que sanitaire.

Il est dérisoire de vouloir dresser la liste de toutes les autres victimes d’une pandémie opportune pour chambouler à ce point une population qui ne concentrera désormais plus sa réflexion sur l’avenir de la Planète tant la société connaîtra un chaos absolu, programmé et voulu par ceux qui tirent les ficelles pour que rien ne change vraiment dans un système économique qui conduit l’humanité dans le gouffre. La situation sera si délicate, la précarité si grande, les problèmes économiques si présents, que l’environnement passera au second plan.

Alors ce pauvre Bac dans tout ça, il fait figure de sacrifié sans importance. Il y a même des éminents spécialistes qui se réjouissent de ce taux de réussite extravagant, croyant sans doute à un miracle dû au confinement. À moins que quelques canailles dans les allées du pouvoir n’aient l’intention à moyen terme de supprimer l’école elle-même parce que l’expérience récente a démontré la formidable réussite de l’enseignement à distance (ce sera du mois la version officielle).

Quant aux 4 % de la honte, nouveaux ânes bâtés du numérique, ils devront ruminer leur humiliation en retournant éventuellement au lycée si jamais, cette idée saugrenue d’ouvrir à nouveau les écoles redevenait possible. Il faut bien occuper le bon Blanquer privé injustement d’un ministère de l’intérieur qui lui est passé sous le nez.

Bachelièrement leur.


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