Le bonheur des étudiants est dans la précarité
par Anaïs PLISSONNEAU
vendredi 6 octobre 2017
La vie étudiante est souvent une étape très attendue chez les jeunes. Notamment sur le point de l'indépendance et de la liberté, en quittant le cocon familial pour aller étudier ailleurs, plus ou moins loin de chez leurs parents. Mais très souvent tout ceci n'est qu'illusion. Alors qu'est-ce qu'est réellement le bonheur d'un étudiant ?
Les jeunes et la société française
Dans un sondage réalisé par le magazine L’Étudiant, « plus de trois quart des Français ont une perception positive de la jeunesse »1 mais ceux-ci sont également 54 % à avoir une vision discriminante des jeunes issus des quartiers populaires.
Sur la question de l'aide à la jeunesse étudiante la société Française et les interrogés dans ce sondage sont en contradictions, car 7 d'entre eux sur 10 estiment que l'aide aux jeunes par les pouvoirs publics est une action positive, mais comme l'explique à nouveau la sociologue Cécile Van de Velde :
« Les réponses font écho à toute l’ambiguïté française face à la question des jeunes : une aide pour intégrer, oui, mais par pour assister. ».
Le départ du cocon familial
En France on compte environ 2 millions d'étudiants pour beaucoup d'entre eux la vie étudiante est le moyen de quitter leurs parents et de commencer à vivre indépendamment d'eux. Tout comme l'explique la journaliste, Marion Ablain :
« Le passage du lycée à la vie étudiante est une étape très attendue. On laisse le nid familial pour la « grande vie ». Celle de l'indépendance, des sorties, de la débrouille… Apprentissage de l'autonomie et liberté pour les uns, appréhension et sensation de vide pour d'autres. ».
C'est la période de la vie où il s'y passe le plus de choses, avec le permis, la majorité, les sorties. C'est la période ont l'on est en pleine expansion du bonheur, on sort, on fait la fête, on commence a s'émanciper.
En France ils sont 23 % à vivre en location seul tandis que 24 % vivent encore chez leurs parents. Il y a également 11 % des étudiants qui vivent en résidence universitaire et 12 % en colocation. Les 30 % restants vivent soit chez leur mère, soit chez leur père, soit en internat, soit en propriété de l'étudiant, de sa famille ou de ses proches, ou en location en couple. Le fait de ne plus vivre avec ses parents est d'apprendre la gestion, le temps pour le travail scolaire et le temps pour les sorties. C'est un challenge d'apprendre à vivre seul, de gérer un budget.
C'est donc là, dans l'indépendance, que réside le bien être de l'étudiant, le sentiment de bonheur, de liberté, mais aussi de responsabilité. D'autant plus que, comme le dit François Morel, le bonheur est invisible, on ne ressent pas sa présence quand il est là, « Il est maquillé, il ne dit pas son nom. Mais, c'est quand il part qu'on s'aperçoit de son absence... ». Il ne faut donc pas se priver de sa jeunesse, et en profiter. Il faut voir la vie étudiante comme une étape importante de la vie.
Les étudiants vivent dans la précarité
« J'avais une autre image de la vie étudiante, à ce qu'on entend parler, c'est simple, on fait la fête, on va à la Fac, voilà, c'est pas si dur que ça, et en fait si on veut y arriver il faux vraiment en vouloir » (Vanessa, étudiante).
Vanessa fait partie des 100 milles étudiants de France qui vivent dans la pauvreté, la plupart vivent avec seulement 500€ par mois, ce qui est évidemment trop juste.
Certains ont des problèmes pour trouver des logements entrant dans leurs budgets, alors ils vivent dans des mobile home. Mais parfois tout ceci ne suffit pas et un quart abandonne au cours de l'année faute de moyens.
C'est d'ailleurs tout ceci qui a mis la puce à l'oreille d'Aziz Mshangama, il est en doctorat en économie, et grâce à ses observations, il a fondé en 2002, l'Association pour la Solidarité des Étudiants de France. Il précise d'ailleurs :
« On a observé qu'en fait ceux-ci mangeaient beaucoup de pâtes, alors nous nous sommes demandés pourquoi ils mangent des pâtes, tous là, tout le temps, tous les soirs. On a prit un peu plus l'enquête et nous nous sommes rendu compte qu'en fait, plus que des pâtes, y'en a qui mangeaient une seule fois par jour et là nous nous sommes dit c'est carrément intolérable, il faut faire quelque chose. ».
Depuis Aziz a ouvert une petite épicerie avec produits provenant de Banque Alimentaire. Ce sont des produits comestibles mais non vendables en supermarché. Les étudiants sont nombreux à venir s'y servir et ils payent seulement 1€ le panier, peu importe ce qu'il comporte. Ce système est une vrai bouée de sauvetage pour un grand nombre d'étudiants, ils économisent donc jusqu'à 80€ par mois.
La sécurité dans les cités Universitaires et les FAC
Gensey est la cité universitaire la plus vieille de France, elle se situe en région parisienne, elle a été construite en 1995 et a été dénoncée par la DAS en 1999 pour sont état d'insalubrité.
En effet, des vitres sont brisées et non remplacées, la peinture se décolle, les marches sont cassées, et elle n'est jamais surveillée, même la nuit, tout le monde peut y pénétrer.
La directrice du CROUS2 de Versailles, Françoise Bir, a donc été interrogée à ce sujet, elle explique ce qu'elle pense de ces cités universitaires délabrées :
« Certains sites, on va pas parler d'insalubrité par ce que nous essayons de jamais donner à un étudiant quelque chose qui serait totalement insalubre, mais c'est vrai qu'il y en a certaines, elles sont dans un état assez scandaleux et je voudrais pas qu'on mette un étudiant dans une chambre comme ça. ».
Alors pour quoi propose-t-on toujours ces places à des étudiants ?
Mais il n'y a pas que les cités universitaires qui sont à l'abandon de travaux. Il y a aussi les FAC, comme le lit Julie, sur un panneau, étudiante en droit à la FAC d'Aix Marseille 3 et leader local de l'UNEF3 « Ne pas endommager et ne pas franchir cette clôture, il est dangereux d'approcher du pied des bâtiments ». Elle explique alors
« Il y a des parties des mûrs qui tombent et effectivement des grilles pour éviter que les débris tombent sur les étudiants, c'est assez impressionnant, c'est très rassurant, ça met en confiance. ».
Ceci étant inadmissible pour la sécurité des étudiants, la journaliste explique dans le reportage d'Envoyé Spécial : Étudiants sur la paille de 2009 :
« Il y a quinze mois l’Observatoire de la Sécurité des Établissements Scolaire et de l'Enseignement Supérieur a publié un rapport, un tiers des bâtiments universitaires est aujourd'hui délabré, la moitié des FAC n'a connut aucune rénovation depuis 30 ans. ».
On se trouve donc dans un cadre de travail complètement en manque de sécurité autant sur le logement que sur le lieu d'étude, c'est totalement inadmissible pour les étudiants.
Les frais exorbitants d'inscription en FAC
On observe que certains étudiants doivent payer des frais de scolarité de 9 à 16 milles euros, sachant que les prix à payer normalement sont de 169€ en licence et 262€ en master. Ce sont des prix exorbitants non détaillés et à payer obligatoirement pour pouvoir entrer dans ces FAC. Ces FAC font partie de celles qui sont hors la loi, et en France on en compte 35 soit 40 %. Julie (étudiante en droit et leader local de l'UNEF3) explique donc « On se retrouve dans une situation ou en plus du prix que les étudiants devraient payer, on leur demande de payer un surplus, mais pour nous c'est effectivement pas aux étudiants de venir payer ce que l’État ne paye pas. ».
Le président de la FAC d'Aix Marseille 3, Marc Pena, exprime également sont point de vue, en accord avec celui de l'étudiante il précise :
« L'information principale, c'est qu'ils n'ont pas à payer ces prestations complémentaires qu'ils payaient autrefois de manière obligatoire. ».
Les étudiants payent donc ces sommes astronomiques en croyant qu'ils payent le DU (Diplôme Universitaire) mais en réalité ils payent ce que l’État ne paye pas au FAC pour combler les trous dans les caisses.
Difficultés financières et travail
En France on a pu observer qu'environ 23 % des étudiants ont des difficultés financières. Ils se retrouvent donc obligés de trouver un travail en plus des cours, ce qui diminuent leurs heures de sommeil et augmente la consommation d'alcool et de tabac.
73 % des étudiants travaillent donc pour financer leurs études, ce qui est d'ailleurs soulevé par l'UNEF3 qui dit :
« L'extension de phénomène du travail étudiant est un indicateur de la montée en puissance de la précarité mais aussi la preuve que la France ne s'est jamais organisée pour faire une place à ses jeunes ; [ils n'ont] aucun droit, aucun mécanisme de solidarité, à l’exception de la sécurité sociale, aucune reconnaissance de leur rôle dans la société, un système qui se repose entièrement sur la solidarité familiale. ».
Certains étudiants ne trouvent pas de travail, ils ont donc recours à d'autres manières de gagner de l'argent. En France 40 milles étudiants se prostituent, ils acceptent un acte sexuel en échange d'argent, ils disent que c'est un moyen de sortir de la précarité. C'est ce qu'on appelle de l'argent facile.
L'état psychologique des étudiants
En 2016 on a observé que plusieurs centaines de milliers d'étudiants étaient sur la voie de la dépression, 61 % de la population expriment un sentiment d'épuisement, ce qui est 8 % de plus qu'en 2013.
Une étudiante, Inès, explique son premier jour a la FAC, ce que leur enseignant leur a dit :
« Regardez votre voisin de gauche, et celui de droite, ils ne seront sans doute plus là l'année prochaine et rappelez-vous que vous êtes le voisin de quelqu'un ».
Ce phénomène est très observé par le sociologie et directeur de recherche du CNRS4, Olivier Galland, qui explique :
« L'usure psychologique des étudiants n'est pas sans lien, en effet, avec la manière dont le système éducatif fonctionne. En France l'enseignement est fondé sur la sélection des meilleurs. ».
Ceci montre donc que la raison du mal être psychologique est essentiellement lié aux études, notamment avec la pression de la réussite et à la sélection des meilleurs.
Chloé étudiante en FAC de psychologie à Nantes témoigne :
« Eux nous disent « les plus motivés resteront » mais le problème c'est qu'avec de mauvais résultats, là on est très vite démotivé ! C'est dur de croire en soi. Qu'on y arrivera avec un taux de réussite si faible ! Moi je suis démoralisée ! J'ai plus envie de continuer mais je continue car sinon je perds la bourse. ».
Les « aides » pour les étudiants
Les représentants d'étudiants dans les CROUS2 décident des aides financières pour les étudiants sans aide de leur famille, mais aussi pour les événements culturels. Ils délibèrent également sur les aides directives aux étudiants, les tarifs des restaurants universitaires et des résidences étudiantes.
Un étudiant peut obtenir des bourses sur critères sociaux, prenant en compte la situation familial et le revenu des parents. Il peut obtenir jusqu’à 6 661€ par an, mais également une bourse du mérite jusqu’à 2 000€ par an s'il est boursier et qu'il a eu le BAC avec la mention très bien.
Avec si peu d'aides, comment un étudiant peut-il être heureux ?
Anaïs PLISSONNEAU
1 : Citation d'Emmanuel Vaillant journaliste dans le magazine l’Étudiant et chef de la rubrique vie étudiante
2 : Le CROUS ce sont les Centre Régionaux des Œuvres Universitaires et Scolaires
3 : L'UNEF est un syndicat, c'est l'Union Nationale des Étudiants de France
4 : Le CNRS c'est le Centre National de la Recherche Scientifique