Le CAPES : signe de l’abandon des professeurs
par Laurent Herblay
jeudi 4 juin 2015
C’est un immense paradoxe, à une époque où le chômage est si élevé. Le Capes, et donc la carrière de professeurs, n’attire plus les jeunes, comme le montrent les résultats des admissibilités au cru 2015. Voilà qui en dit long sur la dégradation de la condition de professeur.
A la recherche des professeurs
Les chiffres de la session 2015 sont effarants : « en lettres modernes, on compte 1 455 admissibles pour 1310 postes proposés. Si l’on regarde du côté des lettres classiques, c’est encore plus dramatique, avec 114 admissibles pour 230 postes. En anglais, ce n’est guère mieux : il y a 1481 admissibles pour 1225 postes à pourvoir. (…) Au Capes externe de maths 2015, seulement 1802 candidats ont été déclarés admissibles pour 1 440 postes proposés. Si l'on reproduit en 2015 le taux de reçus parmi les admissibles de 2014, moins de 800 candidats (793) devraient être admis et 697 postes devraient rester vacants ». En clair, si le niveau de sélectivité de 2014 est maintenu, ce n’est pas moins de la moitié des postes qui pourraient ne pas être pourvus.
Pire, il ne faut pas oublier que la sélectivité est sans doute moins importante qu’avant, ce qui signifie qu’outre le fait de manquer de professeurs (ce qui rend plus difficile les remplacements), leur niveau pourrait baisser. Et ce n’est pas nouveau car, en 2011, le nombre de candidats était 80% plus bas qu’en 1997 ! Pire, selon la DARES, « 300 000 nouveaux enseignants doivent être recrutés entre 2012 et 2022 », 256 000 pour simplement remplacer les départs à la retraite, et 44 000 pour faire face à la hausse du nombre d’élèves et améliorer notre « taux d’encadrement dans le premier degré et l’enseignement supérieur parmi les plus bas des pays de l’OCDE ». Aujourd’hui, la France manque de professeurs. A quand le recours à des étrangers, comme dans la médecine ?
Mal payés, mal considérés, mal respectés
Tout ceci démontre que la condition de professeurs est loin d’être le paradis que certains imaginent, entre horaires sous-estimés, du fait du temps de présence pour toute sortes d’autres activités, de préparation ou de correction, niveau de rémunération bien faible étant donné le niveau d’étude et des conditions de travail extrêmement difficiles. Pour une jeune enseignante qui écrit sur le site du NouvelObs le fait que « les élèves sont intenables, leur niveau est accablant », d’autant plus que les jeunes professeurs récupèrent souvent les classes difficiles, dans des régions qu’ils ne connaissent pas, sans formation adéquate, privés de la dissuasion de la sanction par la circulaire Lang, le tout pour 1,1 SMIC, à niveau Bac + 5 (1600 euros bruts mensuels en début de carrière, 1900 au bout de dix ans).
Il n’est malheureusement pas étonnant que le nombre de vocations diminue car pour un même niveau d’études et de travail, il est possible de gagner bien plus, en pouvant davantage choisir son lieu de travail, et souvent, avec de meilleures conditions de travail. En outre, les études internationales montrent que la France manque cruellement de professeurs, notamment dans le primaire, quand les enfants apprennent à lire, écrire et compter, et qu’ils sont moins payés de 15 à 20% par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE. Il faut redonner l’autorité aux professeurs sur leurs classes, mais aussi mieux les rémunérer globalement, en accordant une prime supplémentaire à ceux qui enseignent dans les zones difficiles pour que cela soit une vocation reconnue et non une destination par défaut.
Ceux qui nous dirigent ont complètement abandonné les professeurs, entre règles absurdes et manque de considération financière. Que ce soit pour eux, et pour les enfants, qui finissent par en pâtir, on peut se demander s’il ne leur faudrait pas un véritable plan Marshall.