Le CNR, les 200 familles, les nazis et De Gaulle : une histoire de France

par Breton8329
vendredi 23 novembre 2018

L’histoire est un gruyère contrefait. Elle consiste, à partir de certains faits, et dans un périmètre autorisé, à écrire une histoire vraisemblable, destinée à éduquer les foules, pour préparer l’avenir. Certains faits ne sont pas et ne seront jamais accessibles aux historiens, ne serait-ce que parce qu’ils sont « tombés dans l’oubli », parfois parce qu’ils n’ont pas été consignés sur un support pérenne. De plus, les options qui s’opposent au discours national font prendre un risque professionnel, voire social, à ceux qui les soutiennent. Enfin, les incohérences entre le discours officiel et les faits entrainent rarement une réécriture de l’histoire mais plus souvent une mise à l’écart des faits gênant et parfois de ceux qui les soutiennent. Pour illustrer ces affirmations qui sembleront péremptoires aux amateurs de belles histoires, attardons-nous quelques instants sur la montée du nazisme après la première guerre mondiale et son soutien par une oligarchie financière internationale.

En 1918, la France et l’Allemagne sortent extrêmement affaiblis de la guerre, surtout la France qui a subi les combats sur son sol. Pour autant, l’Allemagne parviendra, en 31 ans, à construire la plus grande puissance militaire d’Europe, malgré les sanctions et limitations dont elle faisait l’objet. Comment cela a-t-il bien pu arriver ? Puisque la puissance économique est un préalable nécessaire à la puissance militaire, alors l’Allemagne a bénéficié de circonstances économiques favorables, ce qui peut sembler contradictoire avec le régime de sanctions dont elle était frappée. En réalité, ces sanctions ont été allégées très rapidement. Pire, ses anciens adversaires auraient largement contribué à son redressement. Il convient de se souvenir que l’époque était marquée par la montée des revendications sociales et que Adolphe Hitler et son NSDAP a pu être perçu, dans certains milieux, comme une digue face à l’expansion du communisme. Par ailleurs, l’industrie allemande, qui assurait d’excellent retour sur investissements, semble avoir bénéficié d’un financement massif de la part de l’oligarchie financière occidentale, en particulier de Wall Street mais aussi de la City. C’est ainsi qu’elle fut capable de soutenir un effort de guerre bien supérieur à celui de ses futurs adversaires.

Cette version de l’histoire est attestée par de nombreux faits qui tissent un récit sensiblement diffèrent de celui qui est enseigné dans les écoles. Antony Cyril Sutton, économiste américain d’origine britannique, a tenté de leur donner un sens dans un livre intitulé « wall street & the rise of Hitler ». Il est taxé de complotisme. L’Italien Guido Giacomo Preparata s’est consacré à l’étude des liens entre les nazis et l’oligarchie financière de Londres et de Washington. Il soutient que la majorité du financement des nazis était d’origine étrangère. L’allemand Joachim Fest soutient que le Directeur de la compagnie anglo-hollandaise Shell aurait remis d’importante somme d’argent à Hitler dès 1923. Il écrit « A partir de 1924, les industriels et les financiers partisans d’Hitler (Thyssen, Vogler, Schroeder et Kirdorf) ont transmis secrètement des sommes significatives aux nazis. De plus, la direction des émeutiers et les fonctionnaires du parti reçurent des salaires en monnaie étrangère ».

Une recherche même embryonnaire sur internet apporte une abondance de faits qui remettent largement en question les croyances d’une majorité de personnes. Pour autant, l’écriture de cette histoire exigerait d’accéder à des archives que certaines familles n’ont aucun intérêt à partager et les auteurs qui s’y sont risqué ont pour la plupart entrepris une tache qui s’apparente à la reconstitution d’un puzzle avec un nombre de pièces très limité. Il est néanmoins impossible d’ignorer les contradictions entre le récit officiel, qui soutient que le parti NSDAP aurait accédé au pouvoir avec l’unique soutien financier de ses adhérents et de la population allemande tombée sous son charme, et certains faits aujourd’hui documentés. Il est désormais incontestable que le IIIème Reich a bénéficié des investissements des compagnies américaines General Motors et Ford, ainsi que du gérant de la Banque d’Angleterre Montagu Norman. Les banquiers américains ont largement soutenu l’industrie chimique allemande et en particulier d’IG Farbenindustrie, la Standard Oil de Rockfeller avait pris le contrôle de Krupp... Le soutien de l’oligarchie financière occidentale à Adolphe Hitler n’était pas seulement idéologique, cette oligarchie protégeait aussi ses investissements, en particulier contre la montée du communisme.

Mais le plus surprenant dans ce paysage dramatique, qui dessinait une nouvelle Europe dès les années 30, une Europe moins sociale et plus respectueuse des pouvoirs financiers, c’est que l’oligarchie française, ces 200 familles qui avait été malmenée par le Front populaire, semblait-elle aussi sensible aux perspectives – faut-il écrire espoir ? - portées par Adolphe Hitler, ce qui donne sens à l’étrange défaite de 1940 (lire l’ouvrage éponyme de Marc Bloch).

A défaut de disposer d’éléments sur les probables contributions de nos industriels à la montée du nazisme (je n’ai pas fait de recherches sur ce thème), il est aisé de trouver des faits qui illustrent leur coopération avec les allemands pendant l’occupation. Cette coopération leur fut, d’après Annie Lacroix-Riz, extrêmement bénéfique, puisque la situation particulière dans laquelle se trouvait la France leur permettait d’exercer une pression sociale qui devait furieusement leur rappeler les conditions très favorables de la révolution industrielle (Travail, Patrie, Famille). Persécuté par les nazis, les communistes n’ont eu d’autre choix que de constituer une résistance. Après l’épisode du front populaire, la montée du syndicalisme, Il est permis de penser que les 200 familles disposaient certainement d’une liste de fauteurs de troubles, communistes et autres agitateurs sociaux, et que les allemands auraient certainement accepté de prendre en charge ses personnes s’ils avaient eu connaissance de cette liste. Il s’agit ici de pure spéculation mais cette perspective explique pourquoi tant de communistes ont pris le maquis. A la question, les industriels français ont-ils collaboré avec un pistolet sur la tempe ou par intérêt, Annie Lacroix Riz semble soutenir l’idée que le pistolet n’était pas chargé et qu’ils le savaient. Sans doute s’agissait-il davantage de sauver les apparences.

A la libération, en toute logique, dans une perspective de justice dont notre pays est si friand, les industriels auraient certainement dû payer le prix de leur trahison. Ce serait oublier le pragmatisme d’un De Gaulle dont l’objectif premier était de reconstruire la France et qui avait donc besoin de leur aide. En échange d’une écriture de l’histoire qui oublierait leur fructueuse collaboration avec les nazis, nos industriels durent accepter, on l’imagine avec quelques réticences, les conditions sociales du CNR (Conseil National de la Résistance) qui sont à la base de l’Etat français, pour le plus grand bénéfice des citoyens, mais pas des 200 familles et de leurs descendants.

Aujourd’hui, alors que tout le monde a oublié cette histoire, les descendants des 200 familles ne perçoivent pas ce qui pourrait s’opposer à une soumission accrue du peuple français à ses intérêts. Après tout, la Grèce donne un excellent exemple de ce qu’un peuple peut endurer. Peut-être est-il temps de leur rappeler l’origine nauséabonde de leur fortune...


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