Le complot pour sauver le monde

par Jacques-Robert SIMON
lundi 23 janvier 2017

 À écouter les flux ininterrompus d’informations venues des quatre coins de la planète, les décideurs semblent sauter d’une incohérence à une autre, d’une opportunité à une autre, d’une volonté de paraître à une autre. Pourtant un plan précis et ordonné existe pour changer le monde.

 Chacun a pris conscience que dans environ 100 ans, les réserves de charbon, de gaz, de pétrole seront épuisées ou sur le point de l’être. Malheureusement, ce n’est pas le seul problème à affronter, la plupart des ingrédients nécessaires aux sociétés dites modernes vont également disparaître. Au rythme de la consommation actuelle d'aluminium, il ne reste que 130 années de réserves de bauxite. On estime également qu'il reste de l’ordre de 80 ans de réserves mondiales de minerai de fer. Encore plus préoccupant pour les applications demanderesses d’électricité, il ne reste qu’environ 30 années de réserves de cuivre qui est une ressource non renouvelable. Les réserves de lithium ne permettront pas de satisfaire les besoins des automobiles électriques. Seul le nucléaire semble pouvoir répondre aux besoins futurs d’énergie si l’industrialisation des surgénérateurs peut se mettre en place. Encore plus préoccupant, la consommation d'eau sur la planète atteint 1,3 million de litres d'eau chaque seconde ce qui est supérieure aux capacités de renouvellement des réserves [1].

 Le siècle qui s’annonce ne se traduira pas seulement par un changement de vie ou de civilisation, il va être nécessaire de bâtir un nouveau monde et, même si cela semble étrange, tous les dirigeants en sont conscients ; mais ils ont peur de la peur de la multitude et préfèrent ne rien dire clairement. Alors, quel est leur plan ?

 Le tout premier point consiste à se débarrasser des démocraties, de la Démocratie. Les démocraties Européennes s’efforçaient de hisser leurs citoyens, par l’éducation, au niveau requis pour qu’une démocratie réelle puisse vivre. La démocratie américaine a choisi une tout autre voie et a abaissé les institutions jusqu’à complaire aux sentiments les plus porcins de l’espèce humaine. Les baffreries, la porno-culture et surtout la spectacularisation des élections et de la vie publique ont conduit à un dégoût des élites et des politiciens jusqu’à leur préférer pire qu’eux.

 Une démocratie n’existe qu’entre des individus qui acceptent de mettre une valeur non négociable au dessus de leurs intérêts particuliers. L’espace de la patrie a toujours été utilisé pour ce faire : les humbles comme les nantis acceptaient de mourir (éventuellement) pour leur pays. La mondialisation dite libérale, pour la distinguer de l’internationalisme qui a toujours existé, annihile les frontières donc les possibilités d’exercer un quelconque pouvoir politique sur un « peuple ». Les règles internationales n’ont jamais pu être édictées en dehors de discours quelquefois brillants de rhétorique et ne peuvent donc pas servir de valeurs transcendantes. Il ne subsiste plus que la seule loi qui s’impose naturellement, celle que des millénaires de civilisation ont tenté de surpasser : la loi du plus fort habillée de nos jours avec les habits d’une concurrence libre et non faussée.

 Les élections se réduisent petit à petit à un choix entre deux semblables dont la tâche se limite à distribuer plus ou moins équitablement ce que d’autres produisent indépendamment d’eux. Les dirigeants démocratiques deviennent des assistantes sociales, rôle éminemment noble, mais peu ou pas associées au pouvoir. Les décideurs sont les détenteurs de capitaux, ceux qui possèdent une fortune personnelle importante et les entreprises d'investissement.

 Exit la Démocratie donc !

 Les nations doivent disparaître si l’on désire homogénéiser les mieux-être sur toute la planète. Dans le passé, les efforts faits pour transférer des richesses du Nord vers le Sud n’ont été humanistes que verbalement et n’ont pas permis le décollage économique des pays appelés sous-développés à l’époque. Le libre échangisme a été bien plus efficace pour ce faire comme l’illustre l’industrialisation spectaculaire de la Chine. Il y a trente ans, personne n'était riche en Chine, le pays compte désormais plus de 2.000 personnes possédant au moins deux milliards de yuans (270 millions d'euros). Les structures administratives communistes de la Chine assurent encore la cohérence du pays mais l’attrait des jouissances (résiduelles) occidentales devrait en venir rapidement à bout.

 Une économie de marché s’installe donc au niveau mondial en sacrifiant les milieux populaires des pays riches au profit de riches des pays pauvres. La richesse étant devenue la seule source possible de pouvoir, tous et chacun ont le même dieu. 

 Encore fallait-il que les riches puissent régenter les pauvres d’une façon pérenne, en faisant oublier la lutte des classes en particulier, pourtant sociologiquement et politiquement incontournable. La lutte pour la libération de la femme et des minorités va permettre de morceler les classes populaires jusqu’à leur faire oublier qu’elles sont pauvres et esclavagisées.

 Constituer un capital prouve uniquement que vous avez les capacités requises pour cet exercice. Un don, un talent, une ingéniosité ne vous prédisposent en rien pour amasser un capital. Presque aucun des scientifiques renommés, très peu des grands artistes, rarement (jusqu’à maintenant) des Hommes politiques de talent n’avaient l’obsession d’être supérieur aux autres grâce à cette jauge que représente une fortune personnelle. Il n’y a pas lieu de décrire les qualités requises pour réussir dans la vie, l’hétérogénéité est dans le monde des marchands aussi grande que dans celle des dieux même si des appréciations ont déjà été formulées : « Nous ne blâmons pas le capitalisme parce qu’il forme l’inégalité, mais pour favoriser l’ascension de types humains inférieurs. » [2]. Soulignons toutefois que la valeur « argent » est un facteur de normation des individus : d’uniques ils deviennent comparables : des « meilleurs » surgissent alors que la plupart des choses qui font honneur à l’humanité ont été faites par des humbles. Le capitalisme propose une valeur universelle nécessaire pour dominer mais non pas pour créer.

 Le morcellement nécessaire à la domination est aussi savamment orchestré pour la production des biens « nouveaux » et les problèmes de coût ne sont qu’une composante, souvent non primordiale, lorsqu’un schéma est adopté. Les iPhones, par exemple, contiennent des centaines de pièces dont la fabrication est distribuée dans divers pays : les semi-conducteurs viennent d’Allemagne et de Taïwan, les mémoires de Corée et du Japon, les écrans et les circuits de Corée et de Taïwan, les composants électroniques d’Europe et les métaux rares se trouvent en Afrique et en Asie. L’assemblage des composants est effectué en Chine. Ceci permet d’imposer une technologie dans le monde entier sans qu’aucune concurrence puisse se développer le marché étant saturé par le plus puissant.

 La censure au sein des pays soviétiques était tellement apparente et grossière qu’elle n’avait plus vraiment d’efficacité, l’essentiel des critiques se faisant autour du poêle des cuisines Russes où l’on s’échangeait des samizdats. La méthode moderne et « libérale » est beaucoup plus sophistiquée. La notion même de vérité s’estompe et il suffit qu’un très grand nombre de personnes pensent quelque chose pour que cette chose s’installe comme incontournable dans la réalité. Pour susciter une adhésion, agiter des sentiments, des émois, des frayeurs, des peurs, est le meilleur moyen d’avoir d’agréger la multitude déjà tellement sensible à l’instantanéité de sa vie. Tous les secteurs sont concernés et la plupart des médias traditionnels sont fortement gangrenés. Mais le pire c’est que l’on annonce des révolutions (numériques, politiques, scientifiques) en espérant leur venue alors que les révolutionnaires de tout temps faisaient la révolution plutôt que de l’annoncer. L’uniformisation capitaliste de la planète bénéficie donc de larges soutiens médiatiques.

 Les changements nécessaires pour aller vers une sobriété heureuse à l’échelle de la planète sont tels que la plupart des décideurs ont décidé que les démocraties ne pouvaient pas s’en charger et que seul un capitalisme débridé pouvait réussir. En cas d’échec, la fin de l’humanité telle que construite est quasi-certaine et l’apocalypse est pour maintenant. Il faudrait cependant éviter de transformer les individus en êtres virtuels, vivant une vie virtuelle dans une réalité virtuelle cantonnés au fond de niches dont ils ne pourraient pas sortir et qui se reproduiraient en éprouvettes. Un capitalisme intelligent est possible. Ainsi, sept milliardaires, George Lucas,Ted Turner, Bill Gates, Gina Rinehart, Michael Bloomberg, Pierre Omidyar et Warren Buffett ,ne laisseront pas leur héritage à leurs enfants, ce qui apporte une certaine morale à une structure qui n’en n’a pas dans son essence.

 Peut-on leur faire confiance ??

 [1] Les estimations des réserves proviennent pour l’essentiel du site :  http://www.planetoscope.com. Certaines ont été vérifiées.

 [2] Nicolás Gómez Dávila 1913-1994

 


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