Le « désenchantement du monde » : deuxième round

par Maïwenn
samedi 12 novembre 2011

Après le KO de la religion face à la raison sous la plume de Weber, il semble que ce soit au tour de la politique d'être désenchantée. Plus le XXIème siècle avance, plus nous assistons au deuxième round du « désenchantement du monde ». La raison, sortie glorieuse du premier round avec la religion au Xxème siècle, s'en prend désormais à la politique, profitant habilement de son état de faiblesse actuel. Le combat s'annonce rude pour la politique, elle ne joue plus à armes égales avec la raison depuis qu'elle est l'objet de récurrents débats stériles. Plus elle tente de sortir la tête de l'eau, plus elle patauge dans la résolution de problèmes économiques. Le public, mis en haleine par le choix du nouveau punching ball de la raison, se détourne peu à peu du combat qui s'offre à eux, faute de n'avoir que le rôle de spectateur. En effet, la politique s'entête à écarter le public de ce deuxième round, pensant être immunisée contre tout « désenchantement du monde ».

 Trêve de métaphores sportives, passons aux choses sérieuses : le temps presse, le second « désenchantement du monde » touche bientôt à sa fin. Mais pour comprendre les mécanismes qui ont permis l'enclenchement de ce nouveau processus aux allures wébériennes, revenons d'abord sur les caractéristiques du premier désenchantement. Sous l'impulsion de la science moderne, la raison s'est imposée face à la magie et au surnaturel. La religion a cessé d'être structurante du monde au Xxème siècle, c'est la fin d'un monde enchanté. Enfin, jusqu'à ce qu'il se restructure autour de la force de rassemblement de la politique. Cette dernière a réussi l'invraisemblable dans un monde désabusé après la sortie des religions par la petite porte : elle a réactivé de nouvelles croyances, cette fois laïques, à même de lui donner un nouveau souffle. Malgré les discordes sur l'échiquier politique, elle est parvenue à fédérer à nouveau les peuples, séduits par sa force de persuasion. Le monde ne fonctionne peut-être plus grâce à des mécanismes surnaturels, mais il n'en sort que revitalisé par sa nouvelle foi en la politique. Ce monde réenchanté, c'est le nôtre en 1958 qui fait peau neuve à travers sa nouvelle constitution. Les citoyens retrouvent alors peu à peu des repères stables, dans un monde déstabilisé par la fuite du religieux. Ce n'est plus l'Eglise mais l'Etat qui rassemble, ce n'est plus au pape mais au président de la V république à qui l'on confie nos espoirs d'un monde meilleur. Le jeu démocratique participe à ce nouvel engouement pour les croyances politiques, on vote comme on priait avant le « désenchantement du monde » afin que nos vœux se réalisent. Mais puisque les bonnes choses ont une fin, la politique fit progressivement déchanter les citoyens et enclencha le deuxième round. La politique ne fait plus rêver, c'est devenu un monde superficiel où l'on ne se bat plus pour rester crédible mais où il s'agit de détourner les citoyens des enjeux politiques. A la crise grecque, on préfère Giulia. La politique a perdu de sa véritable nature fédératrice, elle n'est que vices et faux-semblants aujourd'hui. Plus 2012 et l'échéance présidentielle se rapproche, plus le deuxième round s'intensifie. Plus que jamais avec le probable échec du sauvetage de la zone euro, le dernier « désenchantement du monde » se fait sentir. Les désillusions s'enchaînent, les unes après les autres : déficit budgétaire incurable, cure d'austérité pour tous les français sauf pour les représentants politiques. Car oui, ce deuxième round, c'est aussi un dernier pied de nez aux citoyens : les responsables du désenchantement du monde sont exemptés de tout sacrifice pour redresser la situation du pays.

 Face à ce climat de désintérêt généralisé, les élections présidentielles à venir ne semblent pas en mesure de raviver la flamme citoyenne pour la politique. L'état des lieux est alarmant en cette fin 2011, la France s'empêtre dans la crise et ce n'est pas les dernières volontés du gouvernement Fillon qui vont y changer quoi que ce soit. Au portail présidentiel, on se presse, chacun avec de bonnes intentions pour mettre fin au désenchantement inexorable. Du Mélanchon, du Hollande, du Le Pen, du Joly, du Bayrou, du Dupont-Aignan, du Sarkozy, en passant par du Chevènement ou encore du Poutou, la cuisine politique est en cours de préparation pour 2012. Les candidats font la queue aux portes du deuxième round et tentent de mener un dernier combat contre le second « désenchantement du monde » qui pointe le bout de son nez. Mais, les français ne sont plus dupes, le temps des pouvoirs surnaturels est révolu, les remèdes magiques pour sauver la France du déclin résonnent désormais dans le vide. Beaucoup d'espoirs, nés d'un besoin de changement politique, sont placés aveuglément en François Hollande. Pourtant, le même scénario qu'en 1981 se dessine à l'horizon 2012 si la gauche est élue : la France laissée par la droite de Sarkozy est à peu près dans le même état que celle laissée à Mitterrand par la droite de VGE, c'est-à-dire impeccablement incurable par le programme socialiste, pourtant si attirant. Si François Hollande renouvelle le scénario du 10 mai 1981, tout comme Mitterrand, il devra vraisemblablement renoncer à sa politique annoncée. En 1981, Mitterrand, tout feu tout flamme, entreprend la relance économique de la France à travers une politique dite keynésienne : il augmente le SMIC de 10%, avance la retraite à 60 ans, réduit le temps de travail à 39 heures hebdomadaires et octroye une cinquième semaine de congés payés aux salariés ; de quoi réenchanter le monde politique. Pourtant, il déchante très vite face au creusement d'un double déficit, à la fois budgétaire et commercial. Dès 1983, il revient sur sa politique initial et la réoriente vers la rigueur, aux allures d'austérité annoncée par le gouvernement Fillon. Dans ce contexte de dernier round, le même scénario politique se profile : la crise généralisée ne saura être enrayée par le seul retour de la gauche au pouvoir. Ce scénario reste certes de l'ordre du probable mais est suffisant à accélérer le processus de « désenchantement du monde ».

 Rappelons le, la raison a vaincu et vaincra à nouveau : il n'est aujourd'hui plus rationnel de croire en un quelconque sursaut politique. Nous nous dirigeons tout droit vers un monde désenchanté par l'absence de politique, auquel Weber, cette fois n'assistera pas.


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