Le droit à l’oubli : l’oubli d’un droit

par Jean Le Terul
jeudi 2 mai 2013

L’émergence réelle d’un débat public sur le « droit à l’oubli numérique » participe des revendications de nombreuses associations, des individus familiers de la culture web, ou des victimes d’une utilisation incontrôlée de données les concernant.

Dans l’état actuel des choses, aucune loi ne transcrit dans son texte une notion de « droit à l’oubli », qui ne se comprend qu’à l’aune de sa finalité : « écarter tout risque qu’une personne soit durablement atteinte par l’utilisation, à son insu, de données la concernant, qu’elles figurent sur la toile à son initiative ou à celle d’un tiers ». [1]

Un projet de règlement de la Commission européenne sur la protection des données personnelles vient d’être présenté. Soutenu par la France, ce texte actuellement examiné par le Conseil, prévoit ainsi qu'une personne a le droit d'obtenir du responsable de traitement l'effacement des données à caractère personnel la concernant et la cessation de la diffusion de ces données, notamment si la personne concernée ne consent plus à leur utilisation (art. 17 du projet de règlement).

Ce projet a d’ailleurs été évoqué hier au gouvernement au cours d’une réponse ministérielle publiée hier au JO du Sénat (21 mars 2013).

Il est juste de constater que le « droit à l’oubli numérique » fait partie des préoccupations actuelles, dont le gouvernement s’est saisi. Aussi, il apparaît que la démocratisation d’un débat sur la question préoccupe autant les individus que les entreprises et le gouvernement (chacun ont leurs [bonnes] raisons). On voit alors de nombreux acteurs se dresser contre les affres des réseaux sociaux, qui –sans prise de risque majeure- dénonce l’indélébilité de données personnelles que l’on croyait avoir effacées.

Que penseraient ces mêmes défenseurs des libertés [numériques], si le passage au numérique de l’enseignement relevait de problématiques semblables ?

Qui osera souligner l’importance d’un suivi particulier des données qui circulent dans les logiciels de nos écoles, nos collèges, lycées et universités ?

Quand une société enverra un courrier publicitaire de soutien scolaire aux élèves ayant eu une mauvaise moyenne au premier trimestre, grâce aux données qu’elle aura récupéré, qui se scandalisera le premier ?

Nous faisons face sinon à un oubli, du moins à une ignorance qu’il convient de combler. La transition numérique de l’enseignement ne doit pas être le jeu d’acteurs économiques déconnectés des réalités éducatives et non-mercantiles de nos écoles.

 C’est en effet, un devoir pour les acteurs publics de protéger nos élèves et nos enseignants des dépendances et des vulnérabilités d’un « marché de l’enseignement ». Mais aussi un droit fondamental pour eux de savoir leurs données protégées (programme des cours et exercices, ressources documentaires, évaluation, concours nationaux, bulletins de notes, contenus des cours, production de connaissances,…).

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[1] http://droit-finances.commentcamarche.net/faq/22955-droit-a-l-oubli-numerique-definition

 


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