Le droit au logement : des solutions existent-elles ?

par Pierre Alain Reynaud
vendredi 18 mars 2011

Jeudi 17 mars, rue Lamartine, 8 h 30. : un huissier accompagné de policiers se présente chez la famille G... pour une expulsion ... La suite, nous la connaissons tous, et chaque jour, le même drame se reproduit un peu partout en France ...

Pendant que les médias se déchaînent sur les sondages et que les politiques de tous bords s’agitent et s’invectivent, la France ne règle aucun de ses grands problèmes que sont l’emploi, la justice, l’insécurité et le logement. Si ces les trois premiers thèmes sont pris de temps à autre en considération, il n’en est pas de même pour le quatrième quasiment éludé. Et si par hasard, on en parle, c’est pour dénoncer seulement quelques pratiques mafieuses de la part de certains promoteurs et propriétaires malhonnêtes qui continuent d’ailleurs leur sale « business ».

Le problème du logement n’intéresse pas beaucoup les gens qui ne comprennent pas la souffrance des mal logés ou des sans logis.
 
En tant que co-responsable d’une association d’insertion sociale, je suis confronté sans cesse au désarroi des familles ou des personnes âgées qui se réfugient dans des appartements taudis, sans chauffage, sans eau ni électricité, tout juste pour éviter les affres des périodes de froidure.
 
Il faut dire que la démarche auprès des pouvoirs publics n’est pas simple. La lourdeur administrative gêne considérablement le traitement des dossiers qui s’entassent dans les bureaux des organismes concernés. Deux à 4 années parfois pour apporter remède à des familles sans logement, vivant dans la plus grande précarité ! Et souvent, il n’y a même pas d’aboutissement correct ou durable pour ces naufragés de la vie …
 
Ainsi, c’est toujours un véritable marathon pour trouver des solutions d’urgence en particulier en automne et à l’entrée de l’hiver. A certains moments, l’association donne jusqu’à 200 coups de fils par jour pour apporter une aide efficace à tous ces couples, hommes, femmes et enfants, sans oublier les malades et les vieillards dont le salut et l’espoir est entre nos mains
Grave problème aussi, au jour de la trêve hivernale où les expulsions locatives, suspendues au 1er novembre, reprennent. Sans doute une date rassurante pour les propriétaires, mais très douloureuse pour de nombreux français qui n’arrivent plus à payer leur loyer.
 
J’ai toujours grand mal à assister impuissant à l’exécution de ces expulsions souvent tragiques faites par les huissiers de justice accompagnés de policiers, sachant que les évacuations de logement se font parfois, par voie de force « manu militari ».
 
Bien évidemment, toutes les associations de lutte contre le mal-logement réclament depuis longtemps un moratoire sur les expulsions en raison notamment de la crise sociale actuelle, et du manque de logements sociaux. Mais l’Etat est sourd, très sourd même à la détresse des exclus et aux innombrables appels de leurs défenseurs. Et quand on arrive à faire entendre sa voix et à se faire écouter, c’est trop souvent pour entendre des promesses qui ne seront mais tenues.
 
LA CRISE GLOBALE DU LOGEMENT
 
Les loyers pèsent de plus en plus lourd dans le budget des foyers, et certains n’arrivent plus à honorer leur paiement. Si Paris et sa région restent très chers, la province est également coûteuse surtout dans les grandes villes et leurs agglomérations. La précarité de l’emploi fragilisant les familles les plus modestes, il est facile de comprendre que dans les années futures, les mal logés seront de plus en plus nombreux. Les rues se rempliront de sans-abris et les espaces publics deviendront de véritables squats permanents où s’entassera la misère humaine. Il faut savoir qu’en France, il existe plus de 3,5 millions de mal-logés et que le nombre d’expulsions augmente d’une manière vertigineuse. Selon la Fondation Abbé Pierre, il y a eu 107.000 expulsions en 2009 contre 80.000 en 2000. La situation est inacceptable, et il est impensable qu’au Pays des Droits de l’Homme, il y ait tant d’exclus dans une société qui se veut démocratique et progressiste.
 
Si les gouvernements de Chirac avaient laxistes auparavant, ceux de l’ère Sarkozy sont pire. L’injustice sociale grandissant, les inégalités devenant les bases même d’une société à deux vitesses, on ne peut attendre grand-chose du Chef de l’Etat, de son Premier Ministre, Monsieur François Fillon, et encore moins de Monsieur Benoist Apparu, Secrétaire d’Etat chargé du Logement. Pourtant le droit au logement est un droit fondamental. Mais peut-on parler encore de droit dans une république qui n’en a que le nom ?
 
REMÈDES ET SOLUTIONS POSSIBLES
 
1ère solution : Création de logements sociaux
 
Il faut créer massivement des logements sociaux, accessibles à tous en plafonnant le montant des loyers de manière que chaque famille puisse bénéficier d’un lieu de vie adapté et présentant tout le confort nécessaire. Il faut reconnaître qu’un effort a été fait par les pouvoirs publics en 2010, mais il reste très insuffisant au regard des impératifs actuels.
 
2ème solution : Arrêter définitivement les expulsions illégales
 
Les locataires de bonne foi ne devront plus être expulsés sans que l’Etat s’engage à les reloger immédiatement dans des conditions normales, c’est-à-dire dans un logement adapté et disposant d’un confort minima. Pour contraindre l’Etat à ses devoirs, des astreintes journalières devraient être à sa charge dans le cas où il ne respecterait pas ses obligations. Ces astreintes seraient versées immédiatement au demandeur par une simple voie de référé du tribunal administratif.
 
Il faut préciser ici que de très nombreux immeubles appartenant aux Domaines sont aujourd’hui inoccupés, et qu’il pourraient être rapidement aménagés afin de les mettre à la disposition de familles et de personnes en difficulté de logement.
 
3ème solution : Plafonner les loyers sur l’ensemble du territoire français
 
Pendant quelques années, tous les loyers seront fixés par décret ministériel, selon une échelle de barèmes définis selon les villes et les régions. Des plafonds seront établis de manière à contrôler le marché immobilier ; tout contrevenant pourrait se voir infliger une amende pouvant atteindre dix fois le montant du loyer mensuel défini dans le bail.
 
4ème solution : condamner les logeurs qui exploitent leurs locataires
 
Aujourd’hui, et notamment dans les grandes villes, et très particulièrement à Paris, il existe trop de « marchands de sommeil » qui logent leurs locataires dans des conditions indignes, tout en leur réclamant un loyer important, voire exorbitant, en totale disproportion avec la qualité du logement.
 
Ces propriétaires peu scrupuleux devraient être contraints par simple décision des autorités à réaliser les travaux de salubrité, sous peine d’être condamné.
En cas d’inobservation de la législation, des poursuites seraient engagées à son encontre, et la condamnation pourrait se concrétiser alors par de fortes amendes jusqu’à des peines de prison ferme. Dans les cas extrêmes, les pouvoirs publics pourraient l’obliger à la fermeture de l’habitat concerné, et pourquoi pas en cas de récidive, à saisir le logement objet du délit.
 
Mais peut-être, existe-t-il encore d’autres solutions qui pourraient compléter les précédentes.
 
De toute manière, il est devenu intolérable de laisser certains citoyens dans des conditions de vie d’abandon et de misère. Dans l’avenir, les expulsions doivent disparaître du champ de la loi quand les locataires peuvent prouver leur bonne foi, et donc il faut envisager tout de suite un moratoire.
 
Pour conclure le présent article, je considère à l’heure d’aujourd’hui que le logement doit faire rapidement l’objet d’un grand débat public, et que dans les temps prochains, il faudra demander impérativement à chacun des candidats à l’élection présidentielle durant sa campagne, le projet détaillé qu’il entend réaliser pour apporter des réponses concrètes à l’habitat social.
 
Pierre-Alain Reynaud

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