Le lobby des sanctions routières
par Masculin
jeudi 31 janvier 2013
Vouloir baisser le nombre de victimes sur la route est une intention tout à fait louable . Cependant, il y a lieu de s'interroger sur l'adéquation des mesures qui nous attendent en regard du bilan actuel des victimes de la route.
Chaque victime de la route est une victime de trop. Il est clair que chaque accident corporel constitue à la fois un drame familial mais également un gâchis économique énorme. Cependant, nous avons désormais l'impression que les pouvoirs publics justifient l'arsenal répressif envers le conducteur en visant le zéro mort, le zéro blessé, chiffres évidemment impossibles à atteindre. Est ce bien raisonnable ?
En d'autres termes, comment réagirait un écolier sur lequel les sanctions deviendraient plus sévères au fur et à mesure qu'il ramène de bonnes notes ? En fait, c'est ce qui se passe au niveau de la sécurité routière. Il est clair qu'on peut grosso modo diviser les conducteurs en 3 populations :
- ceux qui respectent à la lettre le code de la route. Ce sont le plus souvent des retraités, peu pressés. Ils parcourent peu de km.
- ceux qui tentent de respecter au mieux le code de la route. Totalisant plus de kilomètres, ils sont statistiquement en infraction plus fréquemment que les précédents et sont donc plus souvent verbalisés, notamment par les contrôles automatisés. Qui peut se vanter de n'avoir commis aucune faute après plusieurs heures de conduite ? La véritable question à se poser : sont-ce des dangers publics ?
- la population des hors la loi systématiques. Ils ne respectent pas le code de la route, en toute connaissance de cause, par défi. Ce n'est pas un problème de formation, c'est une volonté délibérée d'être en dehors du moule. Cette population allie bien souvent inexpérience routière, vitesse dangereuse, alcool, voire produits stupéfiants.
Nous savons que la Sécurité Routière réalise des statistiques pointues sur l'accidentologie. Cependant, les actions menées en faveur de la sécurité routière ne découlent pas toutes de l'observation de ces statistiques. Un exemple :
Sur route, un accident mortel sur trois est dû à l'alcool, selon la Sécurité Routière. Comment expliquer qu'en quarante ans de conduite, je n'ai été contrôlé qu'une seule fois, alors que je suis passé des milliers de fois devant des radars automatiques ? La réponse est simple : le lobby de la sanction.
Les pouvoirs publics privilégient ce qui améliore la sécurité mais qui est financièrement rentable. Il est très facile de contrôler la vitesse d'une auto et d'automatiser la sanction. A la suite de la création des premiers radars, il est apparu que le filon était prometteur. Les rentrées fiscales ont crû ainsi de façon considérable. Qui plus est, des sociétés privées se sont rapprochées de ce dispositif en proposant à l'Etat des appareils toujours plus sophistiqués, voire même leur gestion totale.
La majorité des verbalisés le sont pour les faibles dépassements de vitesse, souvent la conséquence d'une inattention. La population 2 ci-dessus, est la plus touchée. Est-elle pour autant dangereuse ?
Quant à la population 3, elle cumule ses infractions et délits sur des parcours qu'elle connaît bien, à l'écart de tout contrôle automatisé. Les journaux nous relatent régulièrement des drames aux abords d'école par perte de contrôle de son conducteur, le plus souvent jeune et au volant d'une voiture de forte cylindrée inadaptée au conducteur.
En bon gestionnaire, les pouvoirs publics devraient stopper l'installation de radars de vitesse et multiplier fortement les patrouilles avec véhicules banalisés pour détecter ces comportements à risque. Effectivement, nous avons appris la sortie prochaine de véhicules banalisés. Véritables bijoux technologiques, ils seront équipés pour ... sanctionner automatiquement la vitesse.
La population 2 sera une nouvelle fois touchée, ajoutant au ras le bol de ces automobilistes, certes imparfaits, mais avec une conduite globalement raisonnable. Bon nombre de ces conducteurs utilisent leur véhicule pour leur profession. Compte tenu du temps passé à la conduite et au nombre de radars installés, ils perdent leurs points régulièrement mais sûrement, notamment du fait des contraintes de leur travail (planning, horaires, soucis professionnels, ...). Les gros rouleurs finissent par perdre leur permis et cela constitue un véritable drame. Peut-on dire que ce sont des dangers publics ?
Ajouté à cela des limitations de vitesse peu crédibles, souvent mises en place pour faire office de "parapluie". J'ai encore en mémoire une bretelle limitée à 30 kmh. Par peur du gendarme, je l'ai respectée, pas convaincu du tout de son bien fondé. Je me souviens encore du 38 tonnes collé à 3 mètres derrière moi, avec moût appels de phares. Alors j'ai repris une vitesse plus adaptée : à cet endroit, le remède était pire que le mal.
L'automobiliste français a désormais vraiment le sentiment que les pouvoirs publics tapent à côté de la cible. Il suffit de prendre le volant 5 minutes pour constater des infractions graves, potentiellement dangereuses. Pourquoi nous, simples automobilistes, nous remarquons ces fautes et les forces de l'ordre ne les voient pas ? Tout simplement car les pouvoirs publics ont misé sur le tout contrôle automatisé, très performant pour détecter les excès de vitesse, le non respect des feux rouges, mais incapable de détecter un franchissement de ligne blanche, un stop oublié, une absence de clignotants, une distance de sécurité ridicule, bref une conduite dangereuse.
La solution est bien évidemment la circulation de véhicules banalisés affectés exclusivement au contrôle du comportement. Seul l'homme est capable de faire la part des choses entre une faute grave et une faute d'inattention peu grave. Un appareil en est incapable. Le jour où les pouvoirs publics auront compris cela, la sécurité routière aura fait un grand pas.
En France, un emploi sur dix a rapport au secteur automobile. C'est loin d'être négligeable. La pression insupportable du contrôle automatisé met en péril l'attrait de l'automobile. Avons nous l'assurance que la baisse globale des kilomètres parcourus constatée récemment n'est due qu'à la crise ? Rien n'est moins sûr. De plus en plus de gens préfèrent le train voire l'avion pour éviter d'être la victime du racket exercé sur l'automobile (radars, péages, stationnement payant, ...). 100 euros payés en amende, c'est 100 euros de moins d'injecté dans la consommation des ménages.
L'exemple du fiasco des éthylotests est édifiant. Comment les pouvoirs publics ont-ils pensé un seul instant à l'efficacité d'une telle mesure ? La règle est pourtant simple. Tant que je n'ai pas dépassé deux verres, je peux conduire. Sinon je ne conduis pas. Point barre. Dès lors, imposer un éthylotest (qui ne supporte pas plus de 40°) dans chaque boîte à gants (qui monte en été à 60°) pour tester son alcoolémie, fait vraiment figure d'amateurisme ... à moins que des fabricants n'aient fait pression auprès du gouvernement pour le vote de cette mesure.... Lobby encore une fois.
Pour poursuivre la baisse du nombre de victimes sur nos routes, il faut envoyer un signal fort aux conducteurs. Ainsi une communication très forte sur la circulation de nombreux véhicules banalisés, sans équipement coûteux particulier, pourrait efficacement faire office d'épée de Damoclès avec la fameuse peur du gendarme. Mais l'Etat acceptera-t-il une stagnation voire une diminution des recettes générées par les amendes automatiques, rien n'est moins sûr ! Ainsi, nous saurons si l'Etat privilégie la baisse du nombre d'accidents de la route ... ou ses rentrées fiscales.