Le margoulin impitoyable

par C’est Nabum
samedi 9 novembre 2013

Histoire vraie, bien cachée sous la fable ...

L'exploitation ordinaire.

Il était une fois, un jeune cuisiner bien naïf à qui un homme sans scrupule avait fait miroiter une place mirifique. « Vous serez directeur de mon Hôtel- Restaurant ! Je compte sur vous pour superviser les travaux et assurer le lancement de l'affaire ... ». Le garçon était entreprenant et courageux, plus que de raison. Un mois durant, tout en assumant encore un emploi de commis de cuisine à plus de trente kilomètres de là, il se précipitait sur le chantier pour hâter ce qui pouvait l'être !

Le jeune homme ne comptait ni son temps, ni sa peine, dormant sur place parfois et ne voyant presque plus sa compagne. La promesse d'un emploi d'importance, associée à celle d'un logement de fonction, valait bien que tous deux fassent, un temps de gros sacrifices. C'était le temps des labours, la récolte s'annonçait sublime.

L'hôtel ouvrit, le jeune garçon se vit promu officiellement directeur de l'endroit. C'est du moins ce qu'un propriétaire encore mielleux lui laissa croire. Pour bien le convaincre de son poste supposé, l'homme lui demanda de prononcer un discours le jour de l'inauguration. Le garçon , un peu embarrassé par une telle requête , confia à un conteur de son entourage le soin de mettre en mots ce qui allait sortir de sa bouche …

La fête accomplie, il fallait se mettre au travail. Le directeur avait pris son nouveau poste après avoir quitté l'ancien. Il devait tout faire, suppléer à toutes les défaillances humaines et les difficultés matérielles. La rénovation avait été bien trop rapide et les malfaçons bien nombreuses. Le pauvre n'avait plus une minute à lui. Il se privait de sommeil et souvent de repas ; un comble quand on doit aussi s'occuper des cuisines.

Sa compagne avait dû s'occuper seule du déménagement pour s'installer dans ce qu'on lui avait présenté comme un logement de fonction refait. Je ne m'attarderai pas sur l'état de la chose ; n'ajoutons pas le sordide à ce qui est déjà bien assez pénible. L'aventureux jeune homme se levait aux aurores pour mettre en place le petit déjeuner et se couchait fort tard en attendant le dernier client.

Car le personnel manquait cruellement. L'appétit du propriétaire n'allait pas de pair avec son désir d'embaucher du personnel. Celui qui se pensait directeur bouchait tous les trous, remplaçait tous les salariés lors de leurs repos hebdomadaire. Il allait d'un poste à un autre tout en essayant de mettre en ordre le bureau et les affaires !

La vie n'était plus possible. Sa compagne vivait avec une ombre. Il était tellement à bout de souffle que le père du jeune homme lui vint souvent en aide, remplaçant un employé absent, tenant le bar ou aidant en cuisine, bénévolement ,cela va sans dire au pays des belles illusions. La pauvre délaissée se retrouvait, elle aussi, au standard pour soulager celui qui ne pouvait tout faire. Pendant ce temps, le propriétaire, bon prince offrait à boire à ses relations d'affaire …

Puis celui qui se croyait directeur, découvrit que sa feuille de paie n'était pas celle qu'il croyait. On l'avait simplement promu chef de rang avec un salaire qui ne tenait pas compte des heures folles qu'il faisait. Il s'en étonna, le propriétaire prétexta une erreur, un petit problème qui serait bien vite réparé. Pourtant le mois d'après, rien n'avait bougé et celui qui travaillait comme un damné sept jours sur sept et souvent plus de dix heures par jou, découvrit que le cuisinier gagnait bien plus que lui pour une présence bien plus raisonnable (il en savait quelque chose, puisque c'est encore lui qui le remplaçait).

Naturellement le propriétaire ne tint jamais parole et rendit la vie impossible à celui qu'il avait pressé comme un citron. Il se montra désagréable pour le contraindre à quitter la partie sans jamais vouloir le licencier ou le réintégrer dans ses droits. Le conflit était violent, le jeune homme s'en rendit malade et dut se mettre en congé. Le propriétaire inflexible ne s'en formalisa pas.

L'affaire en est là. Un jeune homme courageux et volontaire se retrouve dans une impasse. Un margoulin l'a exploité autant qu'il était possible, menaçant sa santé et son couple. Maintenant, il lui refuse le droit de partir dignement en reconnaissant une rupture qui n'est pas un départ volontaire. Jusqu'au bout, cet homme important et riche désire avoir raison. La loi de l'argent est souvent la plus forte, il veut une fois encore démontrer cette injuste maxime.

J'ose espérer que ce petit conte qui a fait de mauvais amis, rendra justice à celui qui a abandonné un emploi pour de vaines promesses, qui a donné, au-delà du raisonnable, temps et énergie, compétence et enthousiasme pour un personnage qui semble n'avoir aucune mémoire, pas plus que la plus petite once de dignité. Un licenciement, voilà ce que le pauvre demande et qu'on lui refuse au nom d'une puissance qui se fonde dans l'argent !

Solidairement sien.

 


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