Le mirage de l’immigration sélective.

par Henry Moreigne
vendredi 10 février 2006

Le 9 février dernier, en Conseil interministériel, Nicolas Sarkozy a dévoilé son avant-projet de loi sur l’immigration. Un texte qui sonne la fin d’une immigration généreuse, au profit « d’une immigration choisie et non plus subie ».

A l’appui de cette volonté de fermeté affichée, six mesures phares sont proposées.

1. La création d’un titre de séjour "compétences et talents", de trois ans renouvelables, destiné aux étrangers susceptibles de participer par leurs qualités au développement de la France ou de leur pays d’origine

2. La mise en place de quotas, même si le terme n’est, volontairement, pas employé

3. Le durcissement des conditions du regroupement familial, à travers l’élévation des conditions de ressources et de logement

4. Le contrôle renforcé des mariages mixtes

5. La régularisation au cas par cas, et non plus automatique, au bout de dix ans, des clandestins

6. L’instauration d’une "condition d’intégration républicaine", condition quasi générale d’attribution d’une carte ou d’un titre de séjour.

Six mesures donc, particulièrement musclées, qui visent à contrôler et à choisir les étrangers dignes de la France. Des dispositions que l’extrême droite ne renierait pas, mais qui sont à l’opposé de la réalité et de l’histoire de la France.

Un peuple sans histoire n’est pas un grand peuple. La connaissance du passé est indispensable pour comprendre le présent. François Mitterrand l’a assez montré. Mais Nicolas Sarkozy n’est pas François Mitterrand.

Il semble oublier ses propres racines et celles d’un père immigré hongrois qui a bénéficié de l’hospitalité de la terre de France, un pays qui a permis à ses fils de jouir de l’ascenseur social républicain.

L’immigration, c’est d’abord une résultante de l’histoire et de l’expansionnisme français à travers son empire colonial. C’est aussi et surtout un universalisme des valeurs prônées par la Révolution française. Refuser l’immigration, ne la juger qu’à travers le petit bout de la lorgnette, en ne prenant que ce qui est économiquement intéressant, c’est aller à l’encontre de cet universalisme. C’est faire fi des concepts d’égalité, de fraternité et de générosité.

C’est aussi un mythe. Celui de penser qu’on peut contrôler les flux migratoires, qu’on peut fermer les frontières. C’est également une méconnaissance de la réalité.

La France est le seul grand pays d’Europe à connaître une immigration continue importante depuis le milieu du XIXe siècle. Le seul à enregistrer sur le plan démographique un solde positif non obtenu par le flux migratoire.

Au-delà de ces considérations, le véritable enjeu n’est pas la maîtrise des flux, mais la garantie aux immigrés, et surtout à ceux en situation régulière, de la considération et de l’égalité de traitement auxquelles ils ont droit. Finalement, la réussite d’une politique d’immigration se juge sur la capacité d’un pays à intégrer équitablement dans la société les enfants de deuxième ou troisième génération. De cela, l’avant-projet de loi ne parle pas.


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