Le monde vit-il au jour de la tyrannie de l’apparence ?

par Rosset
samedi 31 octobre 2015

Nous sommes à l’adolescence du monde. Le monde passe son temps à se regarder devant sa glace. Tel Narcisse, il pourrait bien lui en couter. Nous sommes entrés dans une culture du paraitre au dépens des valeurs.

Aujourd’hui nous passons un temps effroyable à communiquer. Les réseaux sociaux montrent cette fièvre à vouloir se promouvoir. La population mondiale se livre chaque jour à du pur marketing. Elle se transforme en produit qui doit être montré sous son meilleur jour. On est revenu à l’âge préhistorique. L’homme qui rencontre son semblable sur les réseaux sociaux ne peut juger que par l’apparence. Il fait un geste d’assentiment primaire, il aime ou il commente par un langage des plus simples. Nous sommes arrivés à une course virtuelle et tout ce qui est superficiel est mis sur un piédestal.
Les valeurs n’y sont pas et si elles y sont, elles sont faussées. Les causes qui sont défendues sur les réseaux sociaux, si on est réaliste, ne sont que celles qui ont su communiquer et ne sont que celles qui ont ému. C’est le pathos triomphant de la raison. Croyez vous vraiment qu’avec des vidéos ou une petite série de caractères vous allez pouvoir utiliser votre raison ? On raffole d’images, de vidéos qui choquent mais on crée là un système affreusement inégalitaire car ceux qui ne peuvent pas communiquer sont perdants. Cette perte des valeurs au profit du paraitre pourrait très bien être illustrée par l’exemple d’une fille qui publie sur Facebook un message pour dire combien elle aime sa mère alors que celle ci est en train de faire le ménage devant elle.

Mais ce n’est pas que dans les réseaux sociaux que le problème se pose. C’est un problème plus vaste qui est apparu avec le marketing et la télévision. Depuis un siècle, les références ont changé. Auparavant, on prenait exemple sur la religion, les grands intellectuels et les grands dirigeants. Aujourd’hui, on prend exemple sur les grands communicants. Les discours profonds ont laissé place aux petites phrases. La politique de type Gaullienne a laissé place à la politique politicienne. La politique semble s’être détériorée après que la télévision devint toute puissante. Les hommes politiques ne sont plus que des clowns. Regardez le niveau du débat François Hollande - Nicolas Sarkozy en mai 2012 et vous verrez qu’avec n’importe quel acteur on pourrez obtenir la même performance. La question n’est plus pour eux de savoir comment faire avancer le pays mais plutôt comment bien paraitre. Si les dirigeants ne se rendent qu’aux événements qui vont avoir un retentissement médiatique, les points essentiels du pays vont être délaissés. Les sophistes nous avez pourtant prévenu. En outre, c’est la fin des vrais intellectuels ou du moins ceux ci seront moins entendu. Les intellectuels et l’élite ont toujours été ceux qui se distinguaient par leurs cultures et leurs valeurs. Au temps de la monarchie, être noble signifiait avant tout qu’on était un exemple pour la morale. Aujourd’hui, on ne peut pas dire que les communicants et les nouveaux intellectuels soient des exemples en matière de morale. On veut du trash, des réflexions rapides et passionnelles, et l’esprit de dérision est enseigné partout.

Avec ce trop plein de communication, l’homme en vient parfois à considérer l’autre comme un objet. Il devient même objet lui même. L’homme ne peut plus se construire de manière efficiente. Quand notre esprit ne s’intéresse qu’à faire les choses pour bien paraitre, on s’oublie soi même. C’est la défaite de la pensée. A force que tout le monde se met dans une attitude de séduction et non réfléchi, l’originalité de chaque être disparait. Pour séduire, on est prêt à toutes les concessions, même sur les valeurs Peut on dire que lorsqu’on agit dans le seul but que les autres aient une bonne vision de nous même, on peut toujours appeler cela des valeurs ? Les valeurs sont ringardes aujourd’hui. Pour appliquer une valeur, il faut du temps, de la patience, de la persévérance. Hélas, lorsqu’on applique une valeur, la récompense n’est pas le plus souvent extérieure mais intérieure.

Il est évident que ce monde de la communication n’a pas que des défauts. Pouvoir échanger rapidement, avoir accès à des milliards d’informations chaque jour, nous donne une capacité de décision très importante. On ne peut regretter que le monde soit plus ouvert et que les frontières s’effacent. Le monde progresse mais il ne faut pas oublier que les progrès ne serviront plus à rien si on oublie que l’honneur et le courage sont des choses plus importantes que l’apparence. On ne doit jamais cesser d’oublier que la vie n’est pas un jeu. Nous ne pouvons passer notre temps déguisés. Nous ne pouvons oublier qui nous sommes. Les citoyens attendent autre chose des politiques que des blagues et des mots d’esprit. Les hommes attendent autre chose de leurs semblables que de la fausseté. Un selfie ne vaut pas une chaleureuse poignée de main.

Jean Rosset


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