Le père Arthur : un prêtre au service des Roms

par Giuseppe di Bella di Santa Sofia
lundi 3 septembre 2012

Âgé de 73 ans, le père Arthur Hervet, prêtre assomptionniste de la région lilloise, ancien aumônier des prisons, des prostituées et des bateliers, mène un combat depuis plusieurs années contre l'acharnement et les exclusions dont les Roms sont victimes. L'élection de François Hollande avait fait naître en lui une lueur d'espoir. Aujourd'hui, force est de constater que la situation est toujours la même. Rien n'a changé, bien au contraire. Portrait d'un homme d'église hors du commun...

Arrivé dans le diocèse de Lille en 2006, le religieux a été particulièrement choqué par la situation précaire et l'extrême pauvreté des milliers de Roms installés dans l'agglomération lilloise. Lui qui n'aspirait qu'à ne redevenir qu'un prêtre comme les autres, n'a pas pu rester insensible face à la détresse de ceux qui sont souvent mis à l'écart de la société. Ce sont des êtres humains et, à ce titre, il doivent pouvoir bénéficier de toute la dignité et le respect qu'on accorde à chaque vie.

Assez rapidement, le père Arthur développe un réseau d'entraide particulièrement efficace. Au volant de sa camionnette, il récupère la surproduction d'une boulangerie industrielle, obtient du lait et des vêtements et va même jusqu'à payer de sa poche d'autres denrées alimentaires qu'il obtient à des prix cassés. Il peut le faire grâce à l'héritage qu'il a reçu d'un oncle. Il lui arrive régulièrement d'aller chez Décathlon pour acheter des tentes Quechua pour ceux qui n'ont rien sur leur tête pour se protéger et s'abriter. Et parfois même des caravanes d'occasion.Il fait la tournée des campements de Roms chaque jour. Une très belle vidéo a été réalisée pour le site du "Pèlerin" relatant une journée de travail du père Arthur.

La politique sécuritaire du gouvernement Fillon le met très vite en colère. Il s'insurge contre les nombreuses reconduites à la frontière qui sont alors pratiquées. Le procédé manque cruellement d'humanité et semble peu efficace. Les populations ainsi renvoyées dans leurs pays d'origine, principalement la Bulgarie et la Roumanie, n'ont pas de mal à revenir s'installer en France. Ce sont des citoyens européens et bénéficient donc de la libre circulation sur l'ensemble des pays de l'Union Européenne.

En 2010, le père Arthur avait fait parler de lui, dans les médias, en renvoyant à Brice Hortefeux, alors ministre de l'Intérieur, la décoration de chevalier de l'Ordre du Mérite qui lui avait été décernée quatre ans auparavant. Il avait également déclaré, après la messe dominicale, devant de nombreux journalistes : "Je prie, je vous demande pardon, pour que M. Sarkozy ait une crise cardiaque." Revenant sur ces propos le jour même, il avait tenu à préciser, par le biais d'un communiqué : " Je ne veux absolument pas la mort du président Sarkozy. Mon seul désir : que Dieu frappe son coeur comme il l'a fait pour Saul sur le chemin de Damas. Saul s'est relevé et est devenu témoin de la Vie." C'est un homme opiniâtre, engagé et révolté par les injustices dont les Roms sont les victimes et ses écarts de langage n'enlèvent en rien la noblesse et le courage de son engagement en faveur d'une population stigmatisée, exclue et vivant dans des conditions parfois effroyables. Et dans une indifférence presque générale...

Dans le même temps, Benoît XVI avait interpellé indirectement le gouvernement français de l'époque, en s'adressant à un groupe de pèlerins provenant d'une paroisse parisienne : " Les textes liturgiques de ce jour nous redisent que tous les hommes sont appelés au salut. C'est aussi une invitation à savoir accueillir les légitimes diversités humaines, à la suite de Jésus venu rassembler les hommes de toute nation et de tout langue." Déclaration qui avait provoqué un certain malaise dans les rangs de l'UMP.

Le 17 mars 2012, dans un courrier adressé au Collectif National Droits de l'Homme Romeurope, François Hollande, alors candidat à l'élection présidentielle, avait affirmé : "En ce qui concerne la situation des Roms aujourd'hui sur notre territoire, ma préoccupation est aussi la vôtre : la situation de ces femmes, de ces enfants, de ces hommes qui vivent dans des campements insalubres n'est pas acceptable. Je souhaite que, lorsqu'un campement insalubre est démantelé, des solutions alternatives soient proposées. On ne peut pas continuer à accepter que des familles soient chassées d'un endroit sans solution. Cela les conduit à s'installer ailleurs, dans des conditions qui ne sont pas meilleures." Une promesse qui voulait clairement mettre fin à la politique menée depuis plusieurs années par un gouvernement de droite.

L'élection de François Hollande à la Présidence de la république, le 6 mai 2012, avait fait naître un large sentiment d'espoir et de jours meilleurs chez le père Arthur. Force est de constater que la réalité est bien différente... Les promesses n'engagent que ceux qui les tiennent, en particulier en politique. La nomination de Manuel Valls au poste de ministre de l'intérieur va mettre un terme définitif aux espérances suscitées par François Hollande lorsqu'il était candidat à l'élection présidentielle. Le locataire de la place Beauvau poursuit le démantèlement de campements de Roms à un rythme effréné. Sans se soucier le moindre du monde des conséquences humaines... Une politique de droite, menée par un homme de gauche ! Où est la gauche humaniste et progressiste dans ce domaine ?

Après plusieurs démantèlements de campements de Roms dans l'agglomération lilloise, provoquant la colère de Martine Aubry, Première secrétaire du Parti Socialiste et Maire de Lille, le combat du père Arthur est loin d'être terminé. Il ne cesse de multiplier les initiatives afin d'interpeller les pouvoirs publics et de sensibiliser l'opinion publique. Sera-t-il entendu un jour ?


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