Le principe de Lucifer
par Prometheus
mercredi 27 février 2013
Il est étonnant de constater comment l'homme est capable de concevoir des systèmes complexes qui ont en leur coeur un mécanisme d'auto-destruction. Que ce soit en économie, en ingénierie, en politique, nous concevons des systèmes imparfaits qui nous explosent au visage. Motivés par un principe de dualité de création et de destruction, nous nous tuons pour mieux renaitre. Tel un éternel combat entre un principe divin créateur et un principe luciférien destructeur.
Une centrale au bord de l'eau
Retraçons les évènements qui a amené à la fusion des réacteurs de Fukushima. Le 11 mars 2011 un séisme de magnitude 9 frappe le Japon. A la fin du séisme les poteaux électriques alimentant la centrale sont détruits laissant le système de refroidissement des réacteurs à l'arrêt. C'est alors que les générateurs de secours prennent le relais. Mais l'ampleur du séisme a créé un tsunami de plus de 30 mètres de haut qui balaye la digue de 6 mètres de la centrale située en bord de plage. Les générateurs inondés s'arrêtent et le coeur du réacteur s'échauffe. Malgré des tentatives de réparations l'absence de courant empêche le système de refroidissement de fonctionner et les réacteurs explosent.
Comment en arrive-t-on là ? Non excusez-moi. Pourquoi en arrive-t-on là ?
On peut parler des heures voire des années des détails sûr comment cela est arrivé. Néanmoins la question essentielle est de savoir pourquoi cette centrale située sur une zone sismique a été construite ?
La nécessité de fournir une énergie abondante à la population pour accroitre son confort et son activité peut en être la raison. La destruction du réacteur montre cependant que les risques pris étaient trop grands.
Aujourd'hui le Japon continue son activité comme si de rien était. Bien que de larges portions de son territoire soient devenues radioactives, les Japonais ne sont pas prêts à abandonner cette énergie.
Une dette exponentielle
L'économie, il n'est pas difficile de trouver les causes d'une crise en économie. En septembre 2007 les organismes financiers des Etats-Unis subissent un séisme dévastateur qu'on appellera plus tard "crise des subprimes". Cette crise oblige les états à nationaliser ou à injecter plusieurs milliards dans ces institutions pour les sauver. En quelques années la dette d'un Etat comme la France passe de 60% de son PIB à 90%. Etant donné que la majorité des états fonctionnent avec des déficits, il leur faut emprunter chaque année. Néanmoins l'ampleur de leur dette les oblige à emprunter toujours plus pour rembourser les intérêts. La dégradation de leur finance fait baisser leurs cotations sur les marchés financiers mondiaux et les oblige à emprunter toujours plus cher leur argent. Par sa nature exponentielle la dette de ces pays les pousse vers un abîme financier.
La réponse à ce trop-plein de dettes est que si on ne peut pas payer la dette et faire fonctionner l'état, il faut arrêter de faire fonctionner l'état.
Les états sont peu à peu obligés de couper dans les allocations, les budgets pour l'éducation, la santé, la recherche, l'armée. Véritable cataclysme dans les sociétés occidentales, des émeutes éclatent. Le mouvement anonymous naît à ce moment-là. Le mouvement des indignés également.
Comment en arrive-t-on là ? Ou plutôt pourquoi ?
Le comment est simple c'est le fait d'une finance dérégulée. Le pourquoi est cependant plus intéressant. Pourquoi une société de croissance crée-t-elle ses propres crises ? Il n'y avait pas de guerres, de catastrophes, ou d'éléments extérieurs qui auraient pu miner le système de l'intérieur. C'est la nature même du système qui l'a fait s'autodétruire.
Cela devrait amener à des remises en question. Néanmoins depuis 2007 rien n'a changé. Les projets de régulation sont toujours repoussés à plus tard. L'incendie brule une forêt humaine au sens propre du terme car de nombreux désespérés s'immolent par le feu du fait de leur extrême pauvreté. Mais aucune restructuration du système monétaire et bancaire n'est envisagée pour le moment. La croissance est toujours la seule solution pour résoudre le problème de la dette et des crises sociales.
Le principe de Lucifer
Il est possible de continuer cette démonstration du principe de Lucifer dans d'autres domaines. L'écologie par exemple. Malgré le réchauffement climatique, on fore les pôles, on exploite les gaz de schiste. La politique. Malgré nos longues leçons d'histoire le nationalisme augmente.
Le principe de Lucifer saute aux yeux. Nous nous tuons nous-mêmes. Nos réalisations sont l'extension de notre nature et produisent autant leurs bienfaits que leurs méfaits. Par l'observation de l'univers nous constatons que ce qui est créé ne l'est que par la mort. Combien d'animaux seront morts à la fin de votre vie pour vous nourrir ? La réponse est la même que pour tous les organismes vivants luttant pour leur survie. La vie ne pourrait pas avoir lieu sans des sacrifices.
Cela est-il une fatalité ?
Pas vraiment car il faut prendre conscience de sa nature avant de la changer. Cette notion va au-delà de l'inconscient et du subconscient. Elle est intimement liée à notre évolution et nous lie aussi bien aux animaux qu'aux plus petites bactéries. Si l'homme est réellement le seul animal conscient de la planète qu'il le prouve réellement.
Extrait du Principe de Lucifer d'Howard Bloom :
MÈRE NATURE,
CETTE CHIENNE SANGLANTE
Nous ne voyons pas, ou nous oublions, que les oiseaux qui chantent paisiblement autour de nous vivent principalement d’insectes et de graines, et détruisent donc continuellement la vie.
Charles Darwin,
L’origine des espèces
Les hommes se (sont) toujours mutuellement massacrés(…). Croyez-vous (…) que les éperviers aient toujours mangé des pigeons ?(…) Eh bien ! (…) si les éperviers ont toujours eu le même caractère, pourquoi voulez-vous que les hommes aient changé le leur ?
Voltaire, Candide
[...]
Hegel, philosophe allemand du dix-neuvième siècle, a dit que la vraie tragédie ne se produit pas lorsque le bien combat le mal mais lorsqu’un bien combat un autre bien. La Nature a fait de cette forme de tragédie une loi fondamentale de son univers. Elle offre à ses enfants le choix entre la mort et la mort. Elle propose aux carnivores deux options : mourir de faim ou tuer pour se nourrir.
La Nature est comme un sculpteur qui améliore continuellement son œuvre mais pour ce faire elle taille dans la chair vivante. Pire encore, elle a ancré son modus operandi répréhensible dans notre propre physiologie. Si vous avez parfois l’impression d’être plusieurs esprits dans un seul sujet, vous avez probablement raison. En réalité, vous avez plusieurs cerveaux. Et ces cerveaux ne sont pas toujours d’accord entre eux. Le Docteur Paul D. MacLean fut le premier chercheur à énoncer le concept du " cerveau trine ". Selon MacLean, près de la base du crâne humain se trouve le tronc du cerveau, qui sort de la colonne vertébrale telle l’extrémité lisse d’une canne. Au-dessus de cette souche rudimentaire se situe une masse de tissus cérébraux que nous ont légués nos plus vieux ancêtres terrestres, les reptiles. Il y a environ trois cents millions d’années, lorsque ces animaux tournèrent le dos à la mer et clopinèrent sur la terre, leur premier objectif était la simple survie. Les nouveaux terriens devaient chasser, trouver un partenaire, délimiter leur territoire et se battre pour le défendre. Le mécanisme neuronal qu’ils développèrent se chargea de ces fonctions élémentaires. MacLean l’appelle " cerveau reptilien ". Le cerveau reptilien est toujours à l’intérieur de notre crâne tel un noyau au cœur d’une pêche. Il participe vigoureusement à nos activités mentales et nous envoie ses ordres primitifs et instinctifs à toute heure du jour et de la nuit.
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