Le rapport annuel de Médecins du monde remet en cause le mythe du malade “fraudeur”

par Henry Moreigne
vendredi 17 octobre 2008

Petit pavé dans la grande marre de la démagogie. Le rapport annuel de Médecins du monde (MDM) présenté mardi indique sans ambiguïté que les exclus soignés en France par MDM (plus de 24 000 patients dont 16 753 nouveaux en 2007), notamment des sans-papiers et des SDF, sont “de vrais malades” et non “des fraudeurs”.

MDM pointe l’amalgame facile entre des pratiques déviantes pourtant marginales et l’ensemble des malades sur lesquels on fait peser une suspicion injuste. « Pour nos dirigeants, le problème n’est pas que 13,2% de la population française vivent sous le seuil de pauvreté, mais qu’il puisse y avoir une petite minorité de fraudeurs parmi eux qui feraient semblant de n’avoir pas de ressources pour obtenir, qui un RMI (Revenu minimum d’insertion), qui une CMU (couverture maladie universelle) ».

A l’inverse, le rapport de l’ONG souligne la marginalisation des malades pauvres pour lesquels tous les dispositifs deviennent au fil du temps de plus en plus inaccessibles. Le profil socio-économique des patients est “toujours aussi marqué par la précarité” : 23 % d’entre eux vivent dans la rue ou dans un logement précaire (35 %) et 99,7 % sous le seuil de pauvreté.

Des malades loin d’être imaginaires. Près de 50 % des patients souffrent de pathologies nécessitant un suivi médical d’au moins six mois (hypertension artérielle, diabète…) et près du quart des consultations concernent des pathologies potentiellement graves comme le cancer, souligne l’ONG.

Seuls deux patients sur dix disposent d’une couverture maladie, alors que 78 % pourraient théoriquement en bénéficier, indique le rapport qui fait état de retards d’accès aux soins faute d’ouverture de droits dans 11 % des consultations et continue à dénoncer “le refus de soins par les professionnels de santé”.

L’hôpital n’est pas épargné. L’accès aux soins de santé à travers les permanences Pass est jugé insuffisant et encore trop hétérogène. De même, MDM fait état d’un accès difficile des plus précaires aux consultations spécialisées au sein de l’hôpital (dentaires, ophtalmologiques ou psychiatriques) ou au plateau technique.

La pauvreté en temps de crise est une valeur sûre. Martin Hirsch, le Haut commissaire aux Solidarités actives, a appelé les 27 pays de l’Union européenne, à “ne pas réduire” le niveau des protections sociales, car ce sont elles qui permettront, selon lui, de faire une “différence fondamentale par rapport à la crise de 1929″ où les “gens tombaient comme des mouches”.

Dans ce contexte la question des franchises médicales, des déremboursements massifs de médicaments, des fermetures d’hôpitaux de proximité est plus que jamais d’actualité. Sans conséquences pour des malades disposant de revenus corrects et de moyens de transport, elles sont à l’inverse dramatiques pour des personnes en situation précaire.

Comme le rappelle le collectif Les Malades solidaires, aux problèmes de santé s’ajoutent la misère, l’angoisse quotidienne des frigos vides, des factures et de leurs relances, avec, au final, la perspective de se retrouver à la rue.

Comme toujours, les personnes démunies seront les premières victimes des grands soubresauts du système financier international. Ce n’était déjà pas brillant avant. Sur un an, les permanences d’accueil du Secours populaire ont ainsi reçu 15 à 20 % de demandes d’aides supplémentaires. Paradoxalement, l’Etat qu’on annonçait désargenté a bien fini par trouver on ne sait trop où 360 milliards pour des établissements financiers guidés par l’appât du gain facile ou des gestions hasardeuses.

Nicolas Sarkozy a promis une moralisation du système financier. Elle pourrait commencer par la naissance d’une Charte de déontologie sur le rapport entre les banques françaises et leurs clients en situation précaire et se poursuivre par une taxation des mouvements financiers pour alimenter les comptes sociaux.


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