Le rapport Attali fait l’unanimité... contre lui !

par arretsurlesmots
vendredi 25 janvier 2008

Alors que Nicolas Sarkozy a affirmé qu’il adhérait à l’essentiel du rapport précisant que « si certains ont été effrayés par le contenu de [ses] propositions, [lui] les trouve plutôt raisonnables », des voix se sont levées hier pour crier haro à la commission Attali. Marine Le Pen a déjà renommé ce rapport « Attila », alors que François Hollande parle de « ramasse-poussière » et que M. Lefebvre, député de la majorité, explique que « ce n’est pas aux experts de décider d’une politique ». Libération affirme même que le rapport « a fait presque carton plein contre plusieurs de ses propositions emblématiques ». Alors ce rapport est-il applicable ? Libéral ? Sécable ? Petit tour d’horizon.

Pour Jacques Attali, la France est paralysée depuis la première cohabitation de 1986, ce rapport est donc nécessairement applicable même si pour cela il faudra que le président ait le courage d’être « provisoirement impopulaire ». Il affirme que « le rapport est techniquement applicable, financièrement équilibré, sans augmenter les impôts ». Pour lui, et c’est le titre qu’a retenu Le Figaro pour ouvrir un débat sur internet, il n’y a que deux possibilités soit le « mettre en œuvre soit le mettre au placard ». Nicolas Sarkozy semble prêt à le mettre en œuvre puisqu’il n’aurait affirmé son désaccord que sur trois des trois cent seize propositions s’accordant à dire qu’il y a des « réglementations parfaitement obsolètes ». Jean-François Copé emboîte d’ailleurs le pas dans les colonnes du Figaro pour affirmer qu’il s’agit d’« un rapport global, qui traite les problèmes sous un angle nouveau, original. 316 propositions, c’est une mine d’or ». Bien que des personnes comme Jean-Pierre Raffarin aient qualifié des propositions de « loufoques », le président de la République ne semble pas changer d’avis, rappelons qu’il avait annoncé à Jacques Attali au début de la commission : « Ce que vous proposerez nous le ferons ». Dans l’opposition seule Ségolène Royal a trouvé un peu de positif dans ce rapport : « le rapport Attali à le mérite d’être là », « La France a besoin de réformes. Ce rapport a été fait pour aider la France et, moi, je veux aider la France ».

Cette absence de soutien de la part de l’opposition, nous amène à nous interroger sur la nature de ses propositions, sont-elles d’obédience libérale ? Jacques Attali a affirmé qu’il n’a eu de « compte à rendre à personne, que ce rapport est donc libre et non pas libéral ». L’Humanité titre pourtant aujourd’hui « les vieilles lunes libérales d’Attali » insistant sur le fait que c’est « un rapport sur mesure pour Sarkozy ». Le journal cite notamment le communiqué officiel de la CGT qui souligne que ce rapport préconise indirectement « un renforcement de l’exploitation des salariés ». Le Nouvel Obs semble partager cette conclusion puisqu’on peut lire que « Présenté comme non partisan, le rapport est clairement d’inspiration libérale ». Attali défend pourtant son indépendance dans les colonnes du Monde, pour lui ses réformes ne sont pas « le tournant de la rigueur annoncé par la gauche, mais le tournant de la croissance. » Le fait que Jean-Paul Charié, député UMP du Loiret ait annoncé : « nous sommes prêts à changer, mais il est impossible de faire à ce point du tout libéral » pourrait peut-être trancher le débat...

Mais ce qui inquiète particulièrement les députés de la majorité, c’est le fait que M. Attali ait insisté en remettant son rapport au président de la République pour que toutes les propositions soient appliquées : « Aucune des mesures qui est là ne peut s’appliquer sans être fait dans un ensemble. On ne peut pas supprimer les freins sur la roue gauche d’une voiture sans supprimer les freins sur la roue droite ». C’est une question de « cohérence interne du rapport », ajoute-t-il. Cette cohérence est pourtant mise en cause dans les colonnes des Echos sous la plume de Dominique Seux qui parle de « Catalogue trop peu hiérarchisé ».

Jean-François Copé, président du groupe UMP a déclaré : « nous ne sommes pas dans l’optique du tout ou rien ». Plusieurs parlementaires ont emboîté le pas, Frédéric Lefebvre rejette la possibilité d’accepter l’ensemble des mesures, pour lui il y a des « propositions purement inacceptables. Il n’est donc pas question d’accepter le tout » alors que François Goulard s’inquiète de « la vanité » de Jacques Attali à prêcher le « tout ou rien ». Cet avis est partagé par le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, qui ne veut pas « tout prendre d’un seul coup ». Jacques Attali qui avait pourtant invité l’exécutif à ne pas « picorer à sa guise » s’est estimé « satisfait » que Nicolas Sarkozy n’en ait critiqué que trois.

Comme l’écrit Dominique Seux, maintenant que « la partition est écrite, les notes restent à jouer ». La société civile va être éclipsée, ce rapport va entrer dans une ère politique. On va probablement le mettre de côté pour quelques semaines le temps de laisser passer les municipales puis faire le tri et agir vite avant les régionales de 2010...


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