Le socle commun des autodidactes

par Monolecte
mercredi 18 mars 2015

« Nul n’est censé ignorer la loi  ». Mais nul n’est censé l’enseigner au citoyen non plus.

L’autre jour, je tombe sur une étude qui explique que les filles bonnes élèves sont mal préparées à la vie active. Personnellement, je pense que rien dans le système scolaire ne nous prépare à entrer dans la société, qu’il s’agit de deux mondes étanches qui se regardent en chiens de faïence. Bien sûr, je pense que l’étude en question cherche surtout à retourner la chaine de causalités entre le fait que les filles réussissent bien mieux que les garçons à l’école et qu’elles continuent à se taper des strapontins dans la vraie vie, mais cela ne doit pas squeezer la question de fond qui est : à quoi sert l’école ?

Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture présente ce que tout élève doit savoir et maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire. Il rassemble l’ensemble des connaissances et des compétences indispensables, qui lui permettra de s’épanouir personnellement, de développer sa sociabilité, de réussir la suite de son parcours scolaire. La maitrise du socle est attestée par l’obtention du diplôme national du brevet (DNB). Entièrement revu avec la contribution des 800 000 enseignants, le nouveau socle est soumis au CSE le 12 mars 2015.

via Collège : mieux apprendre pour mieux réussir — Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Vue d’ici, la énième réforme de l’Éducation nationale — même s’il s’agit, comme d’habitude, bien plus d’un petit coup de ripolinage sans grande vision d’ensemble — vise à préparer l’élève à réussir à l’école. Ce qui est bien. Mais notoirement insuffisant.

Je me souviens encore de mes premiers pas dans la vraie vie, celle que nous appelons la vie active, même si elle se résume pour de plus en plus d’entre nous à gratter aux portes en espérant pouvoir un jour coincer un pied dans le chambranle.

Quand je me suis retrouvée maitresse de mon destin, pourvue d’une bonne éducation parfaitement réussie, j’ai juste eu l’impression d’être propulsée dans un film de science-fiction. Parce qu’en gros, rien de ce que j’avais appris jusqu’à ce jour ne m’était vraiment utile, alors que tout ce que j’avais absolument besoin de savoir me faisait cruellement défaut.
Je ne savais pas, par exemple, qu’il fallait signer un contrat de travail avant de bosser. C’est ballot, hein ? Je ne savais pas non plus comment on loue un logement, quelles sont les règles d’un bail. Je ne savais pas gérer un budget. Je ne savais pas négocier. Faire mes courses. Équilibrer mon alimentation. Cultiver mon réseau.

Bon, ce n’était pas aussi catastrophique que cela : je savais cuisiner les œufs et les pâtes — très mal, certes — ce qui était déjà un meilleur départ que pas mal de mes copains. Un ami m’a raconté que le premier jour qu’il s’est fait cuire du riz, il ne savait pas qu’il fallait mettre de l’eau. Il connaissait la formule et la procédure pour produire de la nitro, mais il ne savait pas se faire cuire un œuf… Il faisait pourtant partie des 1% les mieux éduqués de France.

L’école de la vie et la vie de l’école

Après, il arrive que l’école s’ouvre à la société, mais rarement dans le sens d’améliorer les compétences de futurs citoyens à surnager dans la jungle. Ainsi, après avoir ouvert l’école aux entreprises, voilà qu’on y admet les banquiers. Comme dirait l’ami Fontenelle, c’est assez cocasse. On envoie déjà les gamins en stage sans seulement leur apprendre le minimum syndical sur le droit du travail. On va à présent leur expliquer que l’épargne c’est bien, sans rien leur apprendre de la gestion simple d’un budget.

Comme d’autres avant moi, j’ai appris à la dure ce que l’école et mon milieu ne pouvaient me transmettre. Je me suis faite entuber par mes patrons, mes proprios, l’administration ; j’ai acheté de la malbouffe parce que je n’avais pas d’autre éducation que celle de la télé ; je me suis presque retrouvée en faillite personnelle parce que j’ignorais comment gérer un budget, l’intendance, ce genre de choses. Et j’ai appris après une décharge et un bond de trois mètres qu’il ne faut jamais tenter de réparer un appareillage électrique avant de l’avoir débranché.

Par ailleurs, notre société dépense des fortunes à soigner l’obésité galopante, à faire des pubs contreproductives pour faire bouger les gens en mangeant moins, à gérer les dossiers de surendettement. Les tribunaux débordent de contentieux qui abordent essentiellement des problèmes de logement, que ce soit dans le locatif ou avec les relations de voisinage. Et la vie de l’entreprise, pour tous ceux qui y débarquent, ressemble terriblement à un sport de combat.

Bien sûr que les savoirs pratiques s’acquièrent tout au long de la vie, mais pourquoi diable ne sont-ils jamais abordés à l’école et au collège, au moment où l’ensemble des gamins est scolarisé et où l’on pourrait facilement compenser les différentes déficiences familiales ? Parce qu’école se vit comme une enclave dans le monde contemporain, comme une sorte de sanctuaire dédié aux savoirs nobles ?

On ne va pas faire de chaque gamin un juriste en puissance, mais effectivement, ce serait bien si, en sortant de l’école, nul n’ignore plus ce qui l’attend. Ou tout au moins, qu’il dispose des outils suffisants pour savoir apprendre tout au long de la vie.


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